Intervention de Serge Bayard

Réunion du 29 septembre 2015 à 16h30
Commission d'enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux epci

Serge Bayard, président de la Banque postale collectivités locales :

La Banque postale a été amenée à intervenir sur le marché du financement des collectivités locales en 2012, à la suite des difficultés rencontrées par le groupe Dexia. Elle réalise aujourd'hui près de 25 % des crédits aux collectivités locales, soit, bon an mal an, une production de crédits aux alentours de 4 milliards d'euros par an. Près de 40 % des crédits accordés par notre banque vont à des collectivités de moins de 5 000 habitants – de petites collectivités, donc –, qui représentent elles-mêmes moins de 10 % du volume de crédits.

Cette activité est nouvelle pour nous. Nous sommes entrés sur ce marché dans une phase qu'on appelait de credit crunch, aujourd'hui largement terminée, comme vous l'avez dit, monsieur le président. Cette phase de credit crunch était une crise de liquidité. À l'époque, les banques manquaient de liquidités et s'étaient retirées du marché. Cette crise est derrière nous, quoique… Le système est aujourd'hui sous perfusion, alimenté en liquidités par la Banque centrale européenne, et les petits sursauts des marchés au mois de juin, liés à la crise grecque, ont immédiatement eu un effet sur les taux, notamment les taux clients. Certes, ce n'est pas un retour du credit crunch, mais c'était quand même une petite alerte.

On parle de credit crunch en présence de deux types de crise : le manque de liquidités, qui caractérisait la période 2011-2012, et le manque de confiance vis-à-vis des emprunteurs. Ce facteur était clairement absent en 2012, car la situation financière des collectivités locales n'était pas, alors, une préoccupation des banques.

Que dire aujourd'hui, au regard de l'évolution des comptes sur l'année 2014 et, en l'absence des comptes définitifs de l'année 2015, de nos anticipations et des premiers éléments dont nous disposons pour les années 2015 et 2016 ?

Thomas Rougier, qui est à la tête de notre service des études, a dû vous en parler : nous voyons une détérioration de la capacité d'autofinancement des collectivités locales. Or c'est cette capacité qui leur permet à la fois de financer une partie de leurs investissements et de rembourser leurs crédits. Il ne faudrait pas que sa détérioration aboutisse à un sentiment de défiance vis-à-vis de cette catégorie d'emprunteurs. Le cas échéant, nous nous dirigerions vers une autre forme de credit crunch, liée à la confiance en la capacité de remboursement. Cette crise toucherait tout d'abord des collectivités précises, qui ne trouveraient plus de prêteurs et n'arriveraient plus à emprunter. C'est d'ores et déjà le cas de quelques-unes, dont la capacité d'autofinancement mais aussi les marges en matière fiscale et la situation économique nourrissent une appréhension et font peser un risque élevé sur leur capacité à emprunter pour les prochaines années. Le plus grave, ensuite, serait une défiance vis-à-vis des collectivités en général, mais nous n'en sommes vraiment pas là. En tout état de cause, l'indicateur clé, de ce point de vue, est l'évolution de la capacité d'autofinancement et donc de la capacité de remboursement.

Bien que nouveaux sur le marché, nous voyons d'ores et déjà que quelques collectivités ont du mal à rembourser. Pourtant, leur situation financière, même si elle n'était que moyenne, n'était pas inquiétante quand elles ont emprunté chez nous, en 2012. On constate donc aujourd'hui une tension. Certes, le credit crunch lié à la crise de liquidité est terminé, mais, attention : cela peut revenir. En cas de tension sur les liquidités, les banques feront un arbitrage entre les clients bancarisables, c'est-à-dire les entreprises, et les clients non bancarisables, c'est-à-dire les collectivités. C'est ce qui s'est passé en 2012, car, pour financer une collectivité, il faut aller chercher de la liquidité sur le marché et celle-ci peut se tarir parce qu'elle vient des marchés internationaux.

Deuxième signal à surveiller sur les deux, trois ou cinq ans qui viennent, la dégradation de la solvabilité. Cela pourrait être une tendance lourde liée à la détérioration des recettes, notamment récurrentes, des collectivités.

Pour finir, on pourrait se demander si les collectivités ont encore besoin d'investir, puisqu'elles l'ont déjà beaucoup fait. Nos analyses nous amènent à conclure qu'elles en auront toujours besoin, pour deux raisons. Tout d'abord, il leur faut maintenir en état leur parc d'investissements. Ensuite, les besoins évoluent. J'en donnerai deux exemples. Premièrement, les réseaux numériques sont aujourd'hui un facteur clé de l'attractivité des territoires. Une collectivité qui, de nos jours, n'est pas desservie par un réseau numérique peut être comparée à une collectivité qui n'était pas desservie par le train au XIXe siècle. Les réseaux numériques sont un peu les nouvelles infrastructures. Deuxièmement, tout ce qui est lié à la transition énergétique est aussi un enjeu d'investissement. S'agissant des investissements de renouvellement, soit de maintenance lourde, soit de reconstruction, notre service des études estime que le maintien en l'état du parc requiert 37 milliards d'euros d'investissements par an.

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