Intervention de Serge Bayard

Réunion du 29 septembre 2015 à 16h30
Commission d'enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux epci

Serge Bayard, président de la Banque postale collectivités locales :

Ce sont des projections faites à partir de notre analyse des actifs des collectivités et du rythme d'investissement depuis les années 1980. On sait que, selon les catégories de biens, les investissements ont une durée de vie comprise entre quinze et trente ans. Ainsi, un lycée construit en 1985 requerra, au bout de trente ans, des opérations lourdes. Nous avons donc procédé à une analyse par classes d'actifs, en fonction du rythme des investissements réalisés par année. Bien sûr, la durée de vie d'un investissement peut être prolongée de quelques années – ce n'est pas un couperet qui tombe –, mais un renouvellement plus tardif coûtera souvent bien plus cher qu'un renouvellement fait à bonne date, notamment dans le domaine de la voirie. Certes, ce calcul mathématique et financier n'est pas une science exacte, mais nous parvenons quand même à un important volant d'investissement nécessaire au maintien du service.

S'y ajoutent les investissements liés à des besoins nouveaux. En matière de numérique, ce sont ainsi 20 milliards d'euros de projets qui sont aujourd'hui dans les tuyaux, et pour lesquels il faudra trouver des financements. Il en va de même pour tout ce qui relève de la mise aux normes, notamment les nouvelles normes environnementales comme la RT 2012, mais également de la mise à niveau des bâtiments. Le patrimoine des bâtiments est estimé à 900 milliards d'euros. Dans le cadre de la transition énergétique, des investissements seront forcément nécessaires. Et même s'il n'est pas toujours possible d'appliquer la RT 2012 dans les bâtiments anciens, le seul maintien de ces bâtiments requerra des investissements.

Notre analyse d'experts des finances locales nous conduit donc à penser que l'investissement des collectivités locales, notamment du bloc communal, a encore de beaux jours devant lui, ne serait-ce que pour maintenir l'actif et réaliser les investissements nouveaux nécessaires à l'évolution des besoins.

Les besoins d'investissements sont donc réels. De plus, les nouvelles équipes qui se sont installées l'an dernier ayant maintenant engagé leurs projets, on a assisté à une accélération des projets au début de l'année 2015. Parallèlement, la capacité d'autofinancement a plutôt tendance à être sous tension. Or c'est, finalement, le seul moyen interne de financer, que la collectivité peut mobiliser tout de suite ou plus tard, sous la forme de remboursements d'emprunts. Cette contraction de la capacité d'autofinancement est donc de nature à exercer une pression sur la section d'investissement. Cela devrait effectivement aboutir à une baisse de l'investissement des collectivités locales en 2017, avec toutes les conséquences que cela peut avoir, notamment sur la situation économique des entreprises du BTP et d'autres.

Que faire ? J'évoquerai plusieurs pistes.

Tout ce qui est lié à la gestion de dette redevient un petit peu d'actualité. La Banque postale, pour sa part, est très prudente. Ce n'est parce qu'on allonge la durée des remboursements ou qu'on les diffère que les dettes n'existent plus. Cela ne peut être une solution durable.

On joue aussi sur la restauration de la capacité d'autofinancement, de la marge d'autofinancement. L'un des plus simples moyens de réduire rapidement les dépenses est de réduire celles affectées à des structures externalisées, comme les associations. Étant l'un des premiers banquiers des associations, nous observons qu'aujourd'hui, effectivement, les associations sont à la peine. Quant à la rationalisation des structures, qui est l'objet de nombreuses réflexions, les efforts actuels sont réels mais leurs effets longs à se faire sentir en raison d'une certaine inertie.

Vous nous avez interrogés sur les financements externes et le financement bancaire. Ce dernier n'est pas un financement externe, c'est un élément du plan de financement qui, d'une certaine manière, nécessite des capacités de remboursement internes, même si elles sont différées dans le temps. Si la capacité d'autofinancement n'existe pas pour rembourser au bout du compte, ce ne peut être une solution pour les collectivités qui ne disposent pas d'une marge de manoeuvre fiscale ou en termes de structure économique ; en tout cas, elle ne sera pas opérationnelle longtemps.

Quant aux autres possibilités de financement externe, dont Jean-Sylvain Ruggiu parlera sans doute mieux que moi, elles peuvent consister à associer des investisseurs au sein de structures de financement de projets. Cela commence à poindre pour tout ce qui a trait au numérique, mais cela pose la délicate question de la capacité de ces projets à servir une rémunération aux investisseurs privés.

Pour terminer, je dirai que la Banque postale appelle l'attention sur le sujet depuis 2014, et cela continue d'être un motif d'inquiétude pour nous.

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