Intervention de Jean-Sylvain Ruggiu

Réunion du 29 septembre 2015 à 16h30
Commission d'enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux epci

Jean-Sylvain Ruggiu, directeur du marché « Secteur public et PPP », groupe BPCE :

Si j'ai évoqué, tout à l'heure, des données environnementales et sociétales, ce n'était pas dans cet esprit. J'espère n'avoir heurté personne en disant que l'avenir d'un territoire passe d'abord par sa capacité à maintenir son peuplement et, éventuellement, à le développer. C'est effectivement un aspect que nous regardons.

Bien sûr, nous souscrivons totalement à vos propos : les emprunts n'étant plus affectés, il n'y a plus de contrôle. C'était la volonté des élus de se débarrasser du carcan très pénible des banquiers d'État leur disant ce qu'ils avaient le droit ou non de financer. Dès lors, la nature de la relation entre les banquiers et les collectivités a changé. Nous finançons non pas un projet particulier mais, en réalité, la collectivité locale elle-même. C'est sur la personne morale « collectivité locale », donc, d'une certaine manière, sur tous les habitants de cette collectivité, que nous prenons un risque – puisque les emprunts futurs seront remboursés par l'autofinancement, qui viendra, si j'ai bien compris, de moins en moins des dotations et de plus en plus du local – si les élus continuent de disposer de la capacité d'agir en ce sens.

J'évoquais tout à l'heure la crédibilité financière des structures publiques en France, même si ce n'est pas l'objet de votre commission d'enquête. Depuis plusieurs années, je dis, à chaque fois que j'en ai l'occasion, à l'Association des régions de France qu'il n'y a pas de problème avec les régions de France : leurs comptes vont très bien. Mais nous sommes confrontés à un problème plus structurel : dès lors que l'autonomie fiscale est ôtée à une structure, le système financier ne boucle pas. Nous ne sommes pas en Allemagne où, par des arguties juridiques très complexes dont les juristes débattront des années, l'État fédéral garantit tout ; il n'est donc pas besoin d'autonomie fiscale, l'autonomie financière suffit. En France, la collectivité locale doit être capable de générer ses propres ressources puisqu'elle n'est pas garantie par l'État.

Il existe quand même des cas où nous allons nous intéresser très sérieusement au projet. J'ose à peine citer les partenariats public-privé (PPP), qui sont une manière d'acheter généralement pas très aimée, mais ce n'est pas la seule. Il en va de même, comme l'a dit Serge Bayard, pour les SEM d'aménagement. Ainsi, nous pouvons regarder de très près ce qui relève des unités d'eau potable et d'assainissement parce que nous savons qu'il y aura une recette. Ce sont des budgets annexes qui peuvent être regardés en tant que tels. Cela dit, cet exemple est un peu particulier, car aucune collectivité, en France, ne peut imaginer ne pas fournir d'eau potable à ses habitants. Cet investissement se fera donc, quoi qu'il arrive. Ce n'est pas le cas de la crèche dans une commune dont les administrés ont de plus de soixante ans.

On ne retient souvent des partenariats public-privé que leurs loupés, mais ce type de structure a aussi connu des réussites. Et j'ai parfois vu des loupés en maîtrise d'ouvrage publique, y compris d'un point de vue financier. Lorsqu'on s'engage sur la voie d'un PPP, on en attend une certaine quantité de recettes. Le banquier entrera donc dans les détails du business plan et regardera l'équilibre financier du projet à terme. Il va financer une partie de son capital et donc en attendre une rémunération qui peut donner une indication de taux de rendement. Comme l'a très bien dit Serge Bayard, si, du point de vue strictement financier, on peut considérer une collectivité locale en tant que lieu de redistribution d'une ressource fiscale, par définition limitée, la question se posera de l'optimalité de cette redistribution. Comment modéliser cela, par exemple dans le cas d'une crèche ? C'est assez compliqué. Ce sont des éléments que nous maîtrisons moins que la finance.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion