Intervention de Jean-Sylvain Ruggiu

Réunion du 29 septembre 2015 à 16h30
Commission d'enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux epci

Jean-Sylvain Ruggiu, directeur du marché « Secteur public et PPP », groupe BPCE :

En ce qui concerne les dépenses, je pense que le montant de 37 milliards d'euros inclut le renouvellement et peut-être la mise aux normes. C'est la réflexion que m'a faite le maire d'une ville moyenne d'Alsace. Il me disait que, sur 5 millions d'euros d'investissements qu'il pouvait s'offrir, 3 étaient consacrés à l'entretien et à la mise aux normes – en l'occurrence, il s'agissait de mettre des bâtiments aux normes d'accessibilité pour les personnes en situation de handicap. Cela pèse effectivement beaucoup, et ne laisse pas beaucoup d'espace au maire pour mettre en oeuvre son propre projet et assurer le développement futur.

Serge Bayard a beaucoup insisté sur les réseaux numériques, et je ne peux que conforter son propos. Tous, dans cette salle, vous voyagez énormément dans des grandes villes, de grandes agglomérations ailleurs dans le monde. La France a, objectivement, un retard, qu'elle cherche, avec le plan numérique, à rattraper, mais nous n'y sommes pas encore. Peut-être est-ce trop lent.

S'agissant de la rentabilité du métier de banquier des collectivités locales, je souscris à ce qui vient d'être dit. Je dirai même que les collectivités locales ne sont que des « tiers de client ». En effet, sur les trois métiers de la banque – le crédit, les placements, les flux –, nous n'exerçons, avec les collectivités territoriales, que celui du crédit, très peu risqué. La rentabilité est donc inférieure à celle de marchés sur lesquels nous proposons toute notre palette de produits et qui présentent un risque objectif très supérieur, entraînant des tarifs plus élevés. Il y a toujours un risque à prêter à qui que ce soit, fût-ce une collectivité, mais, en France, il est relativement faible, et les notes de 90 % de nos clients sont parmi les meilleures possibles. Ainsi, nos offres ne s'écartent que très peu les unes des autres de ce point de vue.

Et il est vrai aussi que nous ne voudrons pas, nous non plus, traiter avec une collectivité à la situation extrêmement dégradée. Notre différence avec La Banque postale tiendrait plutôt au fait que nous n'accepterons sans doute pas de renoncer aux indemnités de remboursement anticipé, mais peut-être est-ce lié au fait que nous avons un stock très important alors que La Banque postale vient d'entrer sur le marché. Évidemment, nous allons discuter, d'autant que nous avons sans doute déjà un encours chez cette collectivité. Nous discuterons avec elle d'abord, puis, éventuellement, avec d'autres autorités, si elles doivent et souhaitent être autour de la table. C'est une constante, car les caisses d'épargne sont vraiment des entreprises régionales.

Je reviens sur la petite mécanique qui vous a été exposée. Je vous ai parlé de 50 à 55 milliards d'euros d'encours aux collectivités territoriales. Sur ces 55 milliards, 40 viennent directement des caisses d'épargne elles-mêmes : c'est l'argent des clients du territoire qui est venu financer ces 40 milliards. La fraction qui vient d'émissions obligataires internationales est, chez nous, extrêmement faible, comprise entre 12 et 15 milliards d'euros ; c'est le Crédit foncier, structure que tout le monde connaît, qui s'en occupe, via des outils de refinancement très particuliers. L'essentiel provient directement des caisses d'épargne et du territoire des caisses d'épargne. Les indemnités perçues protègent tout simplement ces clients.

Deuxième point, il y a aujourd'hui une défiance de la part des autorités et des régulateurs bancaires vis-à-vis du risque public en général. Que l'on ne se méprenne pas sur mes propos, mais c'est une réalité, parce qu'il y a eu des événements en Europe – et pas seulement en Grèce –, qui ont montré qu'il pouvait parfois se poser de véritables problèmes. Le régulateur bancaire européen surveille donc de très près tout ce qui est accordé au service public en général, en premier lieu les dettes des États. Il surveille aussi, évidemment, ce qui concerne les collectivités. Le régulateur lance des avertissements forts à propos de tout ce qui pourrait ressembler de près ou de loin à des ré-étalements de dette. Ré-étaler la dette d'un État, cela peut aussi la transformer en dette perpétuelle – c'est l'un des problèmes actuels de la Grèce. Cela n'est pas sans affecter un peu tout ce qui relève aujourd'hui du secteur public en Europe.

Comme le disait Serge Bayard, nous serons donc extrêmement prudents s'il s'agit de renouer avec des logiques que nous avons connues à la fin des années 1990, avec toutes leurs déviances, nées de la volonté d'emprunter toujours le moins possible, dans les délais les plus longs possibles. Je m'exprime en tant que banquier dont la banque a un très gros encours, mais je suis aussi ici en tant que représentant de la Caisse d'épargne. Aussi, madame Povéda, si une collectivité rencontre vraiment une difficulté, nous serons toujours disponibles pour voir comment travailler avec elle et pour essayer de lui redonner des marges de manoeuvre, même si nous ne pouvons pas en faire une règle générale. Bien sûr, si un département rencontre un problème, il faudra travailler avec lui, parce que c'est une grosse structure.

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