Alors que l'ensemble du mouvement sportif se met aujourd'hui en ordre de bataille pour préparer les Jeux olympiques et paralympiques d'été de Rio de Janeiro et que Paris a annoncé sa candidature pour l'organisation des Jeux de 2024, il m'a semblé intéressant de m'arrêter sur l'établissement phare de préparation des sportifs de haut niveau : l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP).
Cet établissement, placé sous la tutelle du ministre en charge des sports, assure la préparation et l'entraînement d'une partie des sportifs de haut niveau qui représentent la France dans les compétitions internationales. De nombreux pôles France y ont trouvé leur place, avec des sportifs accueillis à l'année, et un certain nombre de stages sont également organisés pour répondre aux besoins exprimés par les fédérations sportives. Mais l'INSEP a aussi la tâche d'animer le réseau du sport de haut niveau. J'y reviendrai.
Ce grand établissement du sport de haut niveau a connu d'importants changements depuis 2009 : changement de statut, d'abord, puisqu'il est devenu un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel, ce qui lui permet de délivrer des diplômes ; changement culturel, ensuite, puisqu'il a été amené à recentrer son action sur le sport de haut niveau, notamment sous l'impulsion de notre collègue Valérie Fourneyron, que je salue, alors ministre en charge des sports.
L'idée, à travers ce rapport, est de faire un premier bilan, un point d'étape, de cette transformation de l'INSEP.
La transformation sans doute la plus notable est liée au Grand INSEP, le réseau du sport de haut niveau animé par l'INSEP, qui a vocation à réunir les centres de ressources, d'expertise et de performances sportives (CREPS) et les écoles nationales, mais aussi les structures fédérales inscrites dans les parcours de l'excellence sportive, notamment les centres d'entraînement de Marcoussis ou de Clairefontaine.
Cette initiative, datant de 2013, est aujourd'hui sur le point d'aboutir. La marque « INSEP » va bientôt être lancée, avec la labellisation des premiers établissements membres du réseau Grand INSEP. Cette marque représente un signal de qualité adressé aux sportifs et aux fédérations, mais aussi aux régions à qui la loi a transféré la gestion des infrastructures des CREPS et qui pourront donc y réaliser des investissements à compter de 2016.
Trois niveaux de labels seront ainsi attribués aux membres du réseau : bronze, pour le niveau standard de qualité en matière d'accueil et de conditions d'entraînement ; argent, pour le niveau intermédiaire ; or, pour l'excellence. Cette hiérarchie n'est pas sans rappeler les récompenses décernées dans les grandes manifestations sportives. Ce système particulièrement clair assurera une grande visibilité aux membres du réseau, notamment aux CREPS, qui sont parfois méconnus ou sous-estimés par certaines fédérations. La dynamique propre au réseau, très positive, permettra, à n'en pas douter, d'améliorer partout en France la préparation des sportifs de haut niveau, les CREPS pouvant être amenés à se spécialiser dans telle ou telle discipline, ou à monter en gamme pour atteindre le niveau supérieur.
J'ai toutefois quelques craintes quant à l'émergence de ce réseau, tenant notamment à sa gouvernance, qui reste entièrement à définir, et à la place qu'occuperont les structures d'entraînement fédérales, dont certaines ont affirmé qu'elles ne souhaitaient pas en faire partie. Un important travail reste à faire pour les convaincre de l'intérêt, pour elles, de devenir membre du réseau Grand INSEP.
S'agissant des infrastructures, certains d'entre vous ont pu constater, lors du déplacement de la commission, à quel point l'INSEP avait changé au cours de la dernière décennie. De nombreuses disciplines bénéficient aujourd'hui d'infrastructures de pointe pour l'entraînement et la récupération de leurs sportifs : l'escrime, la gymnastique, le judo et, depuis peu, la natation, avec le nouveau centre aquatique inauguré hier seulement, qui porte le nom emblématique de Christine Caron. C'est à l'INSEP que l'on trouve aujourd'hui les meilleurs équipements.
Bien sûr, l'excellence a un coût significatif : en 2017, 224 millions d'euros auront été engagés par l'État, dont 93 millions d'euros pour la partie nord, construite en partenariat public-privé et réservée aux espaces de vie – hébergement, restauration, formation, services médicaux –, et 130 millions d'euros pour la partie sud, qui accueille les infrastructures sportives proprement dites. Lorsque le projet a été décidé en 2004 par M. Jean-François Lamour, le coût total ne devait pas excéder 115 millions d'euros : le budget a donc presque doublé. Non seulement l'INSEP n'a pas échappé à la malédiction qui pèse sur tous les grands chantiers publics, mais le projet a également pris un retard considérable, certaines rénovations ayant été reportées à 2018, faute de crédits budgétaires suffisants.
Malgré tout, l'INSEP présente de nombreux atouts pour les sportifs de haut niveau. Outre la qualité des infrastructures dédiées à l'entraînement, c'est l'accompagnement global du sportif qui fait la force de l'établissement. D'importants services médicaux sont notamment disponibles sur place – par exemple, la cellule de cryothérapie qui permet aux sportifs de se remettre de leur blessure –, tandis que le département de recherche apporte également son soutien aux fédérations dans l'optique d'améliorer les performances sportives. Surtout, la mise en oeuvre du double projet pour les publics scolarisés est facilitée : toute leur journée d'études est organisée autour de l'entraînement, ce qui leur permet de concilier au mieux ces deux activités. Les très bons résultats de l'INSEP au baccalauréat témoignent de la qualité de l'accompagnement fourni par l'institut, en lien avec l'Éducation nationale.
L'INSEP semble donc parvenir à opérer sa mue. L'établissement a d'autant plus de mérite qu'il est soumis à des injonctions contradictoires : il doit à la fois contribuer à placer la France dans le classement des cinq meilleures nations olympiques – ce qui demande de continuer à investir dans ses infrastructures pour les maintenir à niveau –, mais il doit aussi contribuer à l'effort de réduction des dépenses publiques, et donc faire face à une baisse de 2,2 millions d'euros de la subvention pour charges de service public que l'État lui verse. C'est là, il faut l'avouer, une équation budgétaire difficile à résoudre.
Pour ce faire, l'INSEP a logiquement choisi d'augmenter ses ressources propres, notamment les tarifs de ses pensions. Mais cette politique a ses limites. Après une hausse de 41 % du prix de la pension complète entre 2009 et 2015, l'augmentation ne devrait être que de 2 % par an pendant les trois prochaines années. Cette stabilisation est tout à fait bienvenue, elle est même indispensable car il devient de plus en plus difficile, en particulier pour les petites fédérations qui vivent principalement des subsides de l'État, d'envoyer leurs sportifs à l'INSEP. L'athlétisme s'appuie ainsi davantage sur les CREPS, tandis que l'escrime incite ses sportifs à trouver d'autres solutions d'hébergement, en dehors de l'INSEP, pour modérer le coût de sa contribution ; elle envisage également de demander aux athlètes de participer à leurs frais d'hébergement.
À l'inverse, et c'est là une évolution inquiétante, certaines fédérations ont créé leurs propres centres d'entraînement – c'est le cas du rugby à Marcoussis, du football à Clairefontaine, du cyclisme à Saint-Quentin-en-Yvelines et du tennis à Roland-Garros – avec pour conséquence le retrait de l'INSEP de certains pôles France qui y étaient installés de longue date. L'INSEP doit donc continuer à investir d'importantes sommes dans ses infrastructures et proposer des services toujours plus complets pour attirer les fédérations les plus fortunées mais il doit dans le même temps maintenir le prix de ses pensions à un niveau accessible à toutes.
Pour répondre à ces impératifs, l'INSEP a développé sa politique partenariale et d'autres ressources propres, comme la location de ses équipements, par exemple pour des stages d'entreprises ; mais les recettes tirées de ces activités annexes ne sauraient prendre une place trop importante dans son budget, au risque de desservir le sport de haut niveau et de brouiller le message porté par l'INSEP, qui demeure un établissement public à la disposition des sportifs de haut niveau.
En conclusion, l'INSEP apparaît aujourd'hui à un tournant de son histoire pour laquelle les évolutions budgétaires des années à venir seront déterminantes. Cet outil indispensable au développement du sport de haut niveau doit certes participer à l'effort budgétaire, en rationalisant ses dépenses et en optimisant ses ressources, comme tous les opérateurs publics ; mais pénaliser le caractère vertueux de sa gestion par un prélèvement systématique de son fonds de roulement reviendrait tout simplement à annihiler les chances de réussite des sportifs français aux olympiades des années et des décennies à venir. Je note qu'au sein de l'État comme des collectivités territoriales, s'est trop souvent installée une pratique consistant à sanctionner financièrement les structures bien gérées, qui ont su faire des économies, et, à l'inverse, à apporter des subsides réguliers à celles dont la gestion a été plus hasardeuse.
C'est pourquoi je souhaite attirer l'attention de chacun des membres de notre commission sur la nécessité, si nous voulons encore bénéficier d'un outil performant en 2024, de maintenir à l'avenir le niveau des crédits affectés à l'INSEP.