Madame la présidente, monsieur le ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme du débat sur la Banque publique d'investissement, et je tiens, une dernière fois, à rappeler l'importance de ce texte d'intérêt national.
La création de la BPI répond à un triple impératif. L'impératif du financement de l'économie réelle, d'abord. Les acteurs économiques sont unanimes – ils l'ont été lors des auditions qui précédèrent nos travaux comme ils le sont dans nos territoires : le resserrement ou le durcissement de l'accès au crédit bancaire privé pour les PME est une réalité, et pas seulement pour les besoins de trésorerie courante. Pour faciliter l'accès au crédit ainsi qu'aux fonds propres, des outils existent, qui se sont révélés utiles au fil des ans, mais dont le plein effet a été limité, voire parfois gêné, faute de lisibilité au-dehors et de stratégie commune au-dedans.
Avec la BPI et la mutualisation des moyens qu'elle opère, les TPE, les PME, les entreprises de taille intermédiaire, en croissance ou en mutation, vont disposer, dans les prochaines semaines et les prochains mois, d'un outil unifié, pour financer leurs projets, grandir, innover, exporter. À toutes les étapes de leur développement, nos entreprises et leurs salariés seront soutenus : c'est la dimension compétitivité de la BPI.
Celle-ci – c'est le deuxième impératif – sera décentralisée. C'est toute la puissance publique qui sera mobilisée, puissance publique nationale, locale, et j'ajoute européenne, grâce aux passerelles établies avec la Banque centrale européenne et la Banque européenne d'investissement : la synergie se déploiera à tous les échelons.
L'État et les Régions, fidèles à l'esprit et à la lettre de la déclaration de l'Élysée du 12 septembre dernier, agiront ensemble pour mettre en oeuvre cette stratégie en faveur de l'emploi et de la reconquête industrielle, de la transition écologique et énergétique. L'essentiel des décisions seront prises au plus près du tissu économique dans les territoires. C'est pourquoi il est indispensable que l'assise territoriale de la future banque soit effective dès sa mise en place, dans le fonctionnement quotidien et à tous les étages de la responsabilité. Pour les entrepreneurs, c'est une garantie d'efficacité et de réactivité : c'est la dimension proximité de la BPI.
Enfin, le dernier impératif qui incombe à la future entité concerne la préparation de l'avenir. Si elle a vocation, en investisseur avisé, à agir au bénéfice de l'ensemble des PME et des ETI, elle jouera un rôle irremplaçable et, espérons-le, déclencheur auprès d'acteurs bancaires privés souvent trop frileux, notamment dans deux directions stratégiques pour le futur.
D'une part, la structuration des filières industrielles prioritaires et prometteuses pour définir un nouveau contenu de la croissance – je pense à l'éco-mobilité, aux énergies nouvelles, au numérique, à la santé, aux sciences du vivant, aux éco-matériaux ou éco-ressources. À cet égard, le pacte pour la compétitivité récemment présenté par le Premier ministre fixe un cap qui doit nous rassembler.
D'autre part, il s'agira pour la Banque publique d'investissement, une banque pas comme les autres mais qui agit avec les autres, d'appuyer, notamment à travers son activité de fonds propres, les projets d'innovation qui se heurtent à des défaillances de marché.
Pour valoriser les projets durables, il faut combattre ce que les techniciens appellent pudiquement la myopie des investisseurs, formule feutrée derrière laquelle se cache une anomalie, une hérésie même : au lieu de juguler la crise en partageant le risque, les banques aggravent la crise en ne prenant pas de risques, mettant ainsi en difficulté des entreprises dynamiques qui ont des perspectives commerciales mais qui manquent de fonds pour les atteindre. Cette confiance dans ceux qui innovent, créent ou prennent des risques pour l'emploi, la croissance et l'attractivité d'un secteur ou d'un territoire, c'est la dimension durabilité de la BPI.
Pour toutes ces raisons – compétitivité, proximité, durabilité –, je me réjouis de la qualité des débats qui se sont déroulés dans notre assemblée au cours du mois écoulé. Ils ont été à la hauteur des enjeux. Ce fut vrai au sein de la commission des finances, dont je remercie les membres pour leur apport – et je crois pouvoir dire en leur nom au passage combien l'implication tout au long de nos débats du ministre de l'économie et des finances, Pierre Moscovici, a été appréciée.
Cette qualité d'écoute et de contribution a été tout aussi réelle au sein de la commission des affaires économiques et de la commission du développement durable, saisies pour avis. Je salue mes collègues rapporteurs, Clotilde Valter et Arnaud Leroy, avec lesquels le travail fut excellent. Et bien sûr, je remercie nos collègues qui, lors du débat en première lecture, sur tous les bancs, ont contribué, par leurs amendements et par leurs arguments, à parfaire le projet initial.
Cet état d'esprit positif, constructif, a également prévalu au Sénat. Cela explique que, le 13 décembre, la commission mixte paritaire soit parvenue à un accord sur un texte commun. Les différences constatées entre le texte de l'Assemblée nationale et celui du Sénat à l'issue de la première lecture n'étaient pas fondamentales, et les dispositions en discussion étaient, pour la plupart, assez techniques.
Nos deux assemblées étaient largement en accord sur les trois piliers du projet : la définition du rôle et des missions de la BPI ; la composition de son conseil d'administration ; enfin, les modalités d'information et de contrôle du Parlement sur l'activité de la future structure.
La CMP a donc adopté les enrichissements apportés par le Sénat sur ces trois points. S'agissant des missions, il a été précisé, à l'initiative de la commission des affaires économiques du Sénat et du Gouvernement, que la BPI doit agir en faveur de l'amorçage des entreprises – ce qui n'avait pu être fait à l'Assemblée, en dépit du souhait largement partagé sur ces bancs, pour des questions de recevabilité financière –, ainsi que pour le soutien des entreprises dans les zones urbaines défavorisées, les zones rurales et les outremers.
En ce qui concerne la composition du conseil d'administration, deuxième volet abordé, la présence de représentants de la Caisse des dépôts a été explicitement prévue, ce qui est heureux. Par ailleurs, sur une proposition de M. François Marc, rapporteur du texte au Sénat, le président du Comité national d'orientation pourra prendre part aux réunions du conseil d'administration, sans voix délibérative.
Enfin, il a été utilement souhaité que le contenu du rapport annuel au Parlement soit complété. Le principe de sa transmission au Comité national et aux comités régionaux d'orientation a été inscrit dans la loi.
Par ailleurs, la composition du Comité national et des comités régionaux d'orientation a été complétée : au sein du comité national d'orientation, a été ajoutée la participation de deux parlementaires, ce qui permettra à l'opposition – et c'est heureux – d'y être représentée, ainsi qu'un membre des régions d'outremer et un représentant des sociétés publiques locales et des sociétés d'économie mixte.
Le nombre de membres des comités régionaux a été stabilisé, ce qui contribuera à lutter contre la loi bavarde. Le Sénat a confirmé les amendements adoptés par notre Assemblée, qui prévoyaient la présence des représentants régionaux de la Caisse des dépôts, des chambres de commerce et d'industrie ou des chambres de métiers et d'artisanat. Ont également et heureusement été maintenus les représentants des syndicats et des employeurs. Compte tenu de leur apport à l'échelon régional, le Sénat a jugé utile de renforcer la présence des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux. Il a également ajouté un représentant supplémentaire pour l'État et pour les Régions. Ainsi que le principe en avait été posé ici même, les membres du CNO ne pourront en aucun cas siéger dans un comité d'engagement régional. Enfin, les comités régionaux devront établir un rapport public annuel permettant de mesurer l'action territoriale de la BPI.
La commission mixte paritaire a également retenu un amendement adopté au Sénat à l'initiative de la commission des affaires économiques et qui permet de mieux garantir encore la confidentialité des données recueillies par la BPI. Là aussi, est confirmée et confortée la teneur des débats et des choix qui s'étaient exprimés ici même en première lecture.
Enfin, notre commission mixte paritaire a maintenu un amendement qui supprime l'audition par les commissions des finances du président de l'établissement public BPI-Groupe avant sa nomination par le Président de la République. La clarification de l'organigramme de la banque au cours des débats nous a conduits à constater – c'est un constat de fait, pas un jugement de valeur – que celui-ci n'aura pas de rôle exécutif dans la structure. C'est le directeur général qui en assurera le pilotage exécutif et qui devra, à ce titre, être auditionné par le Parlement avant sa nomination.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, l'objectif était de parvenir à un texte pleinement opérationnel, qui permette de mettre en place la BPI dès le mois de janvier prochain, conformément à l'engagement du Gouvernement et au souhait des Régions et des entreprises, pour répondre à l'urgence du financement des PME et des ETI, d'abord dans l'industrie, et comme le Président de la République s'y était engagé, avec le premier de ses soixante engagements pour la France.
À cet égard, la commission mixte paritaire a, me semble-t-il, fort bien rempli sa mission. Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter le texte qu'elle a finalement élaboré.
Adhérer à ce projet serait, sera adhérer au financement et à l'investissement de nos PME, à l'encouragement à l'innovation sous toutes ses formes – technologique, sociale, environnementale – à une puissance publique stratège et performante, au soutien de l'économie, de l'emploi, de la préparation de l'avenir. C'est à cette adhésion à l'intérêt général que j'appelle chacune et chacun de nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)