Intervention de Lionel Tardy

Séance en hémicycle du 19 décembre 2012 à 15h00
Création de la banque publique d'investissement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLionel Tardy :

Il se situe pleinement dans la continuité de la précédente majorité, qui a pris beaucoup d'initiatives dans le domaine économique. Cela devient moins bien, n'est-ce pas, monsieur Mandon ? (Sourires.)

Pour y parvenir, il a décidé de fusionner et de rationaliser un certain nombre de dispositifs existants. L'idée est bonne ; d'autres avant vous ont voulu le faire sans vraiment y parvenir. Cela a déjà été dit. Ce gouvernement a mené à bon port un projet de loi qui vise à améliorer et à simplifier des dispositifs existants : c'est à mettre à son crédit.

Quand on se lance dans un tel jeu de Meccano avec mes institutions et les dispositifs, quand on rebat ainsi les cartes, on se heurte nécessairement à des résistances. Parfois, elles peuvent avoir raison d'une volonté politique, en tuant dans l'oeuf un projet de réforme. Ce n'est pas le cas ici, du moins pas à ce stade, et on ne peut que s'en féliciter.

La première étape est donc franchie, avec la promulgation prochaine de ce texte de loi et sa mise en oeuvre concrète. Ce n'est pour autant qu'un début, car il va falloir trouver des équilibres au sein de cette nouvelle banque d'investissement. Les luttes de pouvoir et d'influence ne vont pas cesser : elles vont simplement se déplacer ! Même si la loi fixe des cadres et une répartition des pouvoirs, notamment entre la Caisse des dépôts, les banques, les structures intégrées au dispositif comme Oséo et les collectivités locales, il faut bien laisser de la marge.

Il y a quand même des éléments importants dans ce texte. Il est absolument essentiel de préserver le choix politique qui a été fait d'une gouvernance paritaire entre l'État et la Caisse des dépôts sans laisser les banques en position d'arbitre. Ce sont les banques qui ont potentiellement le plus à perdre en termes de pouvoir face à l'émergence de cette nouvelle banque publique d'investissement Elles vont être dérangées, car la BPI empiète largement sur leur segment de marché et c'est bien le but de ce projet de loi. La BPI doit être un aiguillon qui oblige l'ensemble du système de financement à être plus performant et à combler les trous dans la raquette. En effet, il faut bien avoir à l'esprit que cette banque publique d'investissement n'est qu'un maillon de la chaîne un acteur parmi d'autres et heureusement !

Nous ne sommes pas dans un pays à la soviétique où l'intégralité du financement de l'économie passe par des structures publiques. Il faudra donc veiller à la bonne articulation de la Banque publique d'investissement avec les structures existantes, les banques bien entendu, mais aussi les chambres consulaires, qu'il s'agisse des CCI ou des chambres des métiers, car les artisans, eux aussi, ont besoin de financement. Plus la structure est petite et plus elle a souvent de mal à trouver des financements. D'autres acteurs doivent aussi être pris en compte, comme l'assurance-crédit qui assure souvent la trésorerie, le maillon faible des PME, ou les fonds d'investissements privés.

La BPI doit s'insérer dans un tissu déjà existant sans prétendre être l'alpha et l'oméga du financement de l'économie. Elle n'est qu'un outil dans la panoplie : dans certaines situations, certes, elle sera très performante ; dans d'autres, elle devra avoir la sagesse de laisser la main à des acteurs différents.

Beaucoup de choses restent en suspens, cela a été souligné, et ne sont pas réglées par cette loi tant sur le fonctionnement de la BPI que sur le financement de l'économie.

La Banque publique d'investissement n'est qu'une structure qui sera ce que les hommes et les femmes que nous mettrons à sa tête en feront. Les choix des dirigeants est essentiel et il est heureux que le Parlement ait son mot à dire dans les nominations. Il est bon, également, que nous soyons présents dans les structures de surveillance et d'orientation tout en laissant aux dirigeants opérationnels un vrai pouvoir de décision. Tout est question d'équilibre.

Une fois en place, le premier travail à mener par la BPI sera de faire un grand ménage dans les différentes aides auxquelles peuvent prétendre les chefs d'entreprises. C'est un tel maquis et, surtout, c'est tellement bureaucratique que beaucoup d'entreprises s'en détournent. Il faut simplifier, car, parfois, le problème n'est pas l'argent qui est disponible, voire même surabondant, mais la mise en place du dispositif, quand bien même il y aurait un regroupement, qui décourage les demandes. Prenons pour exemple le Fonds national pour la société numérique – le FSN. Dans le cadre du grand emprunt, 2,25 milliards d'euros devaient être consacrés aux usages et aux technologies du numérique. C'est un euphémisme que de dire que ces crédits ont fait l'objet d'une sous-consommation ! Et pourtant, ce ne sont pas les besoins de financement qui manquent dans le numérique, terre de prédilection des start-up. L'outil n'était simplement pas adapté, l'information a mal circulé, bref, le produit, comme souvent, n'a pas trouvé son public. C'est le risque qui guette la Banque publique d'investissement que nous mettons en place aujourd'hui, le risque que tout ce dispositif, que toute cette bonne volonté rate sa cible, faute d'avoir pris les bons chemins, faute aussi d'avoir suffisamment évalué les besoins, les publics cibles, leurs contraintes et leurs attentes.

Les chefs d'entreprise, surtout en période de crise, se concentrent sur l'activité de leur entreprise et n'ont ni le temps ni l'appétence pour le montage de dossiers complexes et la gestion de la paperasse administrative. Il faut donc de la simplicité et de la rapidité d'exécution.

Il ne faut pas croire que ce texte de loi résoudra le problème du financement de l'économie, car, malheureusement, ce gouvernement reprend de la main droite ce qu'il a donné de la main gauche, avec les lois de finances ou de finances rectificatives que nous venons d'adopter qui cassent la dynamique que ce texte cherche à construire. Je ne peux pas passer sous silence les mesures absolument désastreuses qui sont actuellement discutées en lois de finances. Le Gouvernement est en train de casser complètement par un matraquage fiscal les mécanismes de financement privé des entreprises. Je ne prends que deux exemples, mais ils sont emblématiques de la casse économique que ce Gouvernement est en train de mener. L'article 6 du projet de loi de finances, celui des « pigeons », c'est tout simplement la mort du capital-risque français, la mort des start-up, qui sont des investissements à haut risque et qui nécessitent donc des rendements élevés. Si l'État, à la sortie, par le biais d'une fiscalité dissuasive sur les plus-values, prélève une part trop importante des profits, plus personne ne voudra se lancer dans le capital-risque. Ce n'est certainement pas la BPI, dont une partie du patrimoine génétique vient de la Caisse des dépôts, qui pourra assurer ce rôle ! Comment demander à cet organisme, qui a l'obligation de gérer en bon père de famille de se transformer en business angel ? J'aimerais que l'on m'explique, car je ne vois pas comment cela va marcher. Ce n'est ni son métier ni sa culture.

Second exemple, avec l'article 14 du projet de loi de finances rectificative, vous massacrez complètement le mécanisme de la transmission familiale des PME en revenant sur le dispositif de la donation avant cession. L'investissement, c'est bien, mais on ne va pas faciliter la transmission d'entreprises. En effet, de nombreux dirigeants qui arriveront à l'âge de la retraite ne pourront pas transmettre leur entreprise dans des conditions avantageuses. Du fait de la crise, 750 000 entreprises environ sont concernées. C'est bien de vouloir améliorer le financement de l'économie, encore faut-il être cohérent, avoir une vision globale, faire des études d'impact et prendre des mesures fiscales qui ne vont pas à rebours des objectifs affichés par ailleurs, ce que vous êtes en train de faire ! Monsieur le ministre, il serait bien de nous expliquer la cohérence globale de votre action en matière d'économie !

Pour revenir à la BPI proprement dite, le projet de loi que nous examinons, ce soir, n'est pas une mauvaise chose en soi. Sa réussite, je l'ai dit, dépendra de ses dirigeants, de leur habileté à contourner les obstacles, à vaincre les résistances et à répondre réellement à une demande en s'y adaptant.

Le challenge n'est pas facile, mais c'est réalisable. C'est pourquoi le groupe Rassemblement-UMP votera ce texte tout en étant lucide sur ses limites et en souhaitant vivement que le Gouvernement, par sa politique fiscale désastreuse pour le monde de l'entreprise n'annule pas tous les effets positifs de ce texte.

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