Intervention de Yves Censi

Séance en hémicycle du 19 décembre 2012 à 15h00
Création de la banque publique d'investissement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Censi :

Ce sont autant de questions qui, hélas, chers collègues, restent encore et toujours, sans réponse.

Je dirai également un mot d'une politique qui confine à la schizophrénie tant vous mettez d'ardeur à transfuser, comme cela a été dit avant moi, d'une main bien maladroite des entreprises que vous saignez fiscalement de l'autre. Vous voulez résoudre le problème du financement des entreprises par le rapprochement des acteurs institutionnels, alors que la fiscalité que vous venez de mettre en place anéantit totalement les capacités d'investissement de ces mêmes entreprises. Ce qui constitue un frein au développement des entreprises et à l'exportation réside, bien sûr, moins dans la configuration d'une structure dédiée que dans le matraquage fiscal auquel vous vous livrez à l'encontre des entreprises. Le taux de marge des entreprises françaises est de 28 %, soit dix points de moins que la moyenne européenne, avec pour conséquence un déficit commercial abyssal. Nos PME ont besoin de grossir, d'innover et d'exporter davantage. Asphyxiées par un déluge d'impôts et surtout de taxes sur le travail, elles peinent, de plus, à trouver des financements sur le marché ou auprès des grandes banques. Les crédits des PME sont passés de 214 milliards d'euros en 2006 à 267 milliards l'an dernier, selon les dernières données de la Banque de France, alors que le capital-investissement est intervenu à hauteur de 9 milliards. Le nombre d'ETI, en France, est deux fois moins élevé qu'en Allemagne et leur développement se heurte, à un moment donné, à un plafond de verre, faute d'avoir accès à une ressource financière dopant leurs fonds propres. Nous sommes tous d'accord sur ce diagnostic.

Alors, oui, financer les entreprises à fort potentiel de croissance au moment même où le crédit bancaire va se raréfier et se renchérir, du fait des nouvelles normes de régulation de Bâle III limitant les risques pris par les banquiers, est, nous ne le contestons pas, une bonne idée. Mais c'est, malheureusement, une idée insuffisante. La Banque publique d'investissement aura une force de frappe de 42 milliards déclinés en prêts, investissements et garanties, alors que le marché du crédit aux PME et aux TPE atteint 200 milliards d'euros par an, et que, par comparaison, l'Allemagne dispose d'une banque dédiée au financement des entreprises dont le bilan dépasse les 300 milliards d'euros.

Alors que nos PME et nos ETI françaises se débattent au milieu d'une conjoncture économique inédite, vous ne parvenez pas à vous mettre d'accord sur qui doit faire quoi, comment et où, en reléguant au second plan les véritables missions de la BPI. C'est bien là que se situe le problème, monsieur le ministre. Trouvez-vous normal qu'en plein examen de ce texte à l'Assemblée nationale, le futur directeur général de la BPI annonce subitement une organisation différente de celle alors étudiée par les députés ? Peut-être vous exprimerez-vous sur ce point. Au-delà de l'outil lui-même et de son efficacité, votre majorité n'a pas réussi à dissiper le flou dont nous avons parlé en première lecture, flou entretenu par le Gouvernement sur le contenu de votre politique de soutien à l'industrie.

Certes, M. Jouyet a déclaré que la BPI devait avoir pour mission de soutenir des projets d'avenir et non les « canards boiteux ». Or, monsieur le ministre, vous ne donnez aucune garantie sur les moyens financiers mobilisés et sur la qualité des décisions qui seront prises pour soutenir les entreprises d'avenir et la croissance. Les Régions sauront-elles se doter de moyens humains renforcés, afin d'analyser finement les besoins et les risques ? Nous ne le savons pas. Il est indispensable que les futurs décisionnaires disposent d'un profil, d'une culture et d'une expérience réellement plus entrepreneuriale que strictement financière pour comprendre la réalité du terrain et apprécier la prise de risque, sans laquelle il n'y a pas d'innovation, donc de croissance, donc, hélas, d'emploi. Puisque la BPI est présentée comme un instrument de réindustrialisation de la France, elle doit entraîner une logique industrielle assise sur le soutien à des filières bien définies, pourvoyeuses d'innovation et d'emplois, au risque, sinon, de se perdre dans des opérations financières et brouillonnes. Vous savez parfaitement que c'est là que le bât blesse !

Ce guichet unique de financement sera censé protéger les sociétés implantées dans les régions délaissées par les investisseurs et attirer de nombreux financements privés, créant ainsi un effet de levier.

C'est une idée qui prend racine dans des politiques conduites de longue date par les précédents gouvernements. C'est une idée dont l'intérêt est indéniable au regard des besoins de financement de nos PME et de l'empilement des structures, mais, telle qu'elle est conçue, il y a malheureusement fort à parier que la BPI soit plus un facteur de division qu'un outil de rassemblement et que la nécessaire coordination entre ses différents acteurs n'évite pas les pièges d'une impossible fusion. Je crois que nous pouvons tous partager ces critiques et ces doutes.

Oui, la BPI était une bonne idée. Malheureusement, votre gouvernement n'a pas su l'exploiter et votre majorité l'a carrément dévoyée. Toutefois, pour ma part, je m'abstiendrai. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

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