Certes, mais il faut avoir un peu d'ambition !
Nous ne pouvons que constater qu'en l'état, BPI France n'est pas à la hauteur des enjeux en matière de financement et de développement des filières industrielles.
Interrogé par Les Échos, lundi dernier, sur la question de savoir de quels moyens la banque disposera véritablement en plus des 20 milliards d'actifs qui lui sont apportés et des quelque 20 milliards d'euros d'encours de prêts d'Oséo, Nicolas Dufourcq explique simplement que les ressources de BPI France « seront les dividendes issus de ses fonds propres, le produit des cessions d'actifs qui pourront être réalisées, les 3,6 milliards d'euros de fonds propres que l'État et la Caisse des dépôts se sont engagés à libérer, et enfin naturellement ses profits. » Il ajoute : « Concrètement, en 2013, la création de la BPI se traduira par une enveloppe d'un milliard d'euros supplémentaires à la disposition des entreprises : 500 millions pour les prêts et 500 millions pour les investissements en fonds propres. »
Cela représente certes une progression sur un an de 10 % des investissements et de 15 % des crédits, ce qui est loin d'être négligeable, mais cela paraît néanmoins peu au regard des besoins et des montants mobilisés par l'homologue allemande de la BPI, qui en a inspiré la création, la fameuse KFW. Cet acteur majeur en Allemagne dispose d'une force de frappe proche de 500 milliards d'euros.
Ce qui fait aujourd'hui la force de l'établissement allemand et lui permet d'assurer des missions qui vont de la trésorerie des PME à la coopération internationale, d'être largement bénéficiaire et de présenter un bilan plus que flatteur, c'est son recours à la création monétaire.
C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons défendu tout au long de ce débat l'idée selon laquelle la BPI devrait jouir, selon nous, du statut d'établissement public de crédit et disposer ainsi de la possibilité de se refinancer auprès de la BCE. Cela lui permettrait de contourner l'écueil d'un recours systématique aux marchés financiers, avec le risque que ses opérations soient conditionnées par la rentabilité financière.
Nous sommes convaincus que le recours à la création monétaire permettrait également à la BPI de jouer pleinement le rôle contracyclique déjà dévolu aux acteurs existants du financement public appelés à être réunis sous l'enseigne BPI. C'est toujours afin qu'elle puisse exercer ce rôle contracyclique que nous avons proposé que la BPI puisse réaliser des prêts aux entreprises sur fonds d'épargne, à l'image de ceux dont bénéficient le logement social ou la rénovation urbaine.
Depuis la modification des règles de centralisation de l'épargne réglementée, les banques commerciales sont autorisées à détenir 35 % des dépôts collectés au titre du livret A et du livret de développement durable, soit près de 120 milliards d'euros. Or les banques n'ont fourni à ce jour aucun élément permettant de conclure au respect de leurs obligations en matière de financement des petites et moyennes entreprises.
L'un des grands enjeux du débat que nous aurons dans quelques semaines sur la séparation des activités bancaires tient précisément à la question de savoir si les banques sont suffisamment centrées sur leur coeur de métier, qui consiste à accorder des crédits aux PME et aux particuliers.
Depuis la crise, les départements crédit des banques destinés aux PME et aux particuliers ne se financent que grâce aux dépôts. Le fantasme qui a hypnotisé tant de personnes depuis les années 1980, selon lequel la titrisation permettrait de financer toute l'économie par les marchés, a, semble-t-il, vécu. Une grande partie des problèmes que nous rencontrons depuis 2007 tient à l'effondrement du marché de la titrisation et au refus des banques de renoncer aux profits juteux qu'elles en tiraient et à ceux qu'elles continuent de tirer de leurs activités spéculatives.