Intervention de François de Rugy

Séance en hémicycle du 19 décembre 2012 à 15h00
Création de la banque publique d'investissement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici donc parvenus au terme du processus législatif qui permettra de voir bientôt la concrétisation d'un engagement fort du Président de la République et de notre majorité. Quelle que soit notre sensibilité politique au sein de cette majorité, nous nous retrouvons d'ailleurs sur de l'idée de disposer d'un outil de financement regroupant les outils existants et développant d'autres voies pour soutenir l'économie française.

Comme l'a déjà fait Éric Alauzet, au nom du groupe écologiste, lors d'une précédente lecture de ce texte, je veux tout d'abord remercier Guillaume Bachelay, le rapporteur, ainsi que le ministre de l'économie, Pierre Moscovici, pour l'esprit dans lequel notre Assemblée a été saisie du texte, a pu y réfléchir et l'améliorer, et je sais qu'il en a été de même au Sénat. Au-delà des sensibilités politiques, nous avons trop souvent, et à juste raison, l'occasion de nous plaindre des conditions dans lesquelles nous avons à examiner certains textes ou de regretter un manque de dialogue entre les différentes composantes de la majorité pour ne pas saluer les conditions d'élaboration très positives de ce projet créant la Banque publique d'investissement. Je crois, monsieur le ministre délégué, que vous êtes dans le même état d'esprit pour les textes que vous êtes en train de préparer. C'est une très bonne chose.

Qu'il s'agisse du ciblage de l'intervention de la Banque publique d'investissement sur les entreprises en mutation, de la gouvernance du nouvel établissement, du soutien spécifique aux PME-PMI, ou encore de la prise en compte des entreprises situées en zone rurale, de la commission à la séance, en passant par l'examen au Sénat, les conditions d'élaboration de ce texte ont été exemplaires. J'espère que cet exemple inspirera nos travaux législatifs futurs et le fonctionnement de notre majorité.

Venons-en au fond de ce texte, très important.

La Banque publique d'investissement est un outil indispensable dont notre pays se dote pour accompagner les entreprises dans leur développement. Le financement est souvent une question majeure. Lors d'un colloque auquel je participais à l'instant, le président de la confédération générale des PME insistait encore sur l'importance du financement des entreprises et de l'économie. C'est aussi un élément central pour la mise en oeuvre d'une véritable stratégie économique et industrielle.

L'outil de financement était attendu par les entreprises. Parce que les banques classiques ont parfois failli, parce qu'elles sont aujourd'hui légitimement contraintes par des règles prudentielles renforcées, les fameuses règles de Bâle III, mais aussi et surtout parce qu'elles continuent de considérer que les activités de spéculation rapides sont plus attractives que le lent et patient travail de financement de l'économie réelle, il fallait agir, il fallait réagir.

Avec une capacité d'investissement de 40 à 70 milliards d'euros, nous pouvons raisonnablement dégager une partie des moyens qui manquent aujourd'hui à nos entreprises, avec un effet de levier qui pourrait nous faire aller bien au-delà.

Dans le débat que nous avons eu, et que nous n'avons pas fini d'avoir, sur la compétitivité des entreprises, nous tenons là un facteur essentiel, car l'adaptation indispensable de notre outil productif à la concurrence n'est pas simplement une question de coûts de production, et notamment de coûts salariaux. Cela demande des investissements, qui se font par autofinancement, certes, et le taux de marge des entreprises est un élément important, mais également par le recours au crédit. Ce recours au crédit étant en grande partie défaillant, la Banque publique d'investissement peut être en mesure de répondre au problème, à plusieurs conditions, que le texte qui nous est soumis rend justement possibles.

D'abord, l'audace doit être au rendez-vous. Il y a quelque contradiction à constater que, au-delà des discours sur les risques individuels et la nécessité de ne pas s'accrocher à des situations acquises, discours classiques des libéraux, les banques, qui sont souvent les porte-parole les plus virulents du libéralisme économique, sont sans doute les organismes les moins disposés à accompagner le risque et à encourager l'audace entrepreneuriale.

Répondre aux défaillances du système bancaire classique, prendre des « risques stratégiques » en faveur de projets d'avenir et non pas seulement à la lecture de ratios comptables et financiers synonymes d'un retour sur investissement garanti, voilà la première mission de la Banque publique d'investissement.

Les entrepreneurs que nous rencontrons dans nos circonscriptions, qui ont des projets de développement, qui veulent se réorienter sur de nouvelles activités ou de nouveaux modes de production, et qui se heurtent au refus parfois difficilement compréhensible de leurs banques, savent de quoi nous parlons. Ce que nous disent ces acteurs économiques, ce n'est pas seulement que le crédit est rare, c'est aussi qu'ils n'en peuvent plus d'être ballottés d'organismes privés en organismes publics, et que leur métier c'est de diriger leur entreprise, pas d'être des chasseurs de capitaux. Ils demandent des dispositifs clairs, des structures accessibles, et non une complexification du millefeuille dans lequel ils tentent de trouver le bon interlocuteur.

En ce sens, la BPI doit constituer un guichet unique, au plus près de la réalité des territoires. Les Régions, mieux que quiconque, connaissent les enjeux du tissu économique local. Leur association, ainsi que celle des organismes consulaires, est une condition de la réussite de la BPI.

La BPI doit être un outil bancaire audacieux, et dans ses choix d'accompagnement de projets économiques et dans ses logiques de fonctionnement. À la force des financements doit correspondre une réactivité sans faille, parce que les besoins de financement de nos entreprises, qu'elles soient confrontées à des contraintes subites ou à des opportunités à saisir, ne peuvent pas être soumis à des délais d'instruction des dossiers trop longs.

Des fonds disponibles et rapidement mobilisables, une souplesse dans le mode de fonctionnement, une proximité du terrain : la Banque publique d'investissement doit aussi se doter d'un cap. En ce sens, nous ne pouvons que nous féliciter que l'accompagnement des entreprises dans la transition écologique et énergétique soit, pleinement et explicitement, un objectif de la Banque publique d'investissement. Cela fait d'ailleurs écho à la déclaration du Président de la République à la Conférence environnementale.

J'entendais hier, dans un débat budgétaire, notre collègue de l'opposition Charles de Courson s'offusquer de la volonté des écologistes de faire figurer systématiquement la notion de transition écologique et énergétique dans les dispositifs que notre majorité met en oeuvre pour soutenir le développement des entreprises. Il s'agirait, nous disait-il, d'une « novlangue », et il s'interrogeait : « Allons-nous devoir supporter en permanence cette mention de la transition écologique ? » Eh bien, j'ai envie de lui répondre – il n'est pas là mais cela pourra lui être rapporté : la réponse est oui. Et ce non pas parce que les écologistes auraient succombé à la tentation de transformer les textes législatifs en une sorte de litanie et de psalmodier je ne sais quelles formules magiques de la religion verte que l'on aime dénoncer dans l'opposition, mais parce que nous souhaitons que toutes les interventions publiques, tous les choix de développement économique soient examinés au regard de la crise environnementale,…

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