Intervention de Gilles Lurton

Séance en hémicycle du 20 octobre 2015 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Lurton :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, soixante-dix ans après sa fondation, notre Sécurité sociale est devenue un pilier de notre nation. Nous devons en être fiers. Nous devons aussi savoir la préserver pour les générations à venir. C’est pourquoi je concentrerai mon intervention sur votre politique familiale.

Si votre projet de loi ne comporte aucun bouleversement notoire dans ce domaine, il nous faut cependant analyser les conséquences de la politique que vous menez depuis trois années, des nombreux coups de rabots que votre gouvernement a portés à notre politique familiale. D’un point de vue purement comptable, le déficit de la branche famille devrait atteindre 1,6 milliard d’euros en 2015 contre 2,7 milliards en 2014, alors qu’il est de 8 milliards pour la branche maladie et la branche vieillesse cumulées. Vous vous attaquez donc au plus petit déficit des trois piliers de la protection sociale française. En d’autres termes, la branche famille continue de trinquer pour renflouer les autres branches. Depuis 2012, ce sont au bas mot 4,5 milliards d’euros que vous avez pris aux familles, et ceci sans parler des hausses d’impôts et de taxes : baisse du plafond du quotient familial, réduction de la prestation d’accueil du jeune enfant en 2013 et, fin 2014, modulation du montant des allocations familiales, avec 500 000 familles touchées et près de 800 millions d’euros qui leur seront retirés en année pleine.

Alors que l’effort de redressement des comptes de la protection sociale devrait être réparti sur tous les Français, vous avez fait le choix de mettre à contribution les seules familles avec enfants. Autant de mesures qui risquent de mettre à mal notre taux de fécondité, pourtant si important pour le renouvellement des générations. Mme Clergeau nous a répondu en commission que les ménages ne font pas des enfants pour percevoir des allocations familiales. Je partage totalement ce point de vue : ce serait effectivement extrêmement préjudiciable au bonheur de l’enfant. Je reste néanmoins convaincu que toutes les nouvelles contraintes que vous faites peser sur les ménages conduisent un certain nombre de parents à renoncer à leur projet d’enfant. On dénombre 10 000 naissances en moins depuis l’année dernière : les chiffres parlent d’eux-mêmes. Obliger les parents à partager leur congé parental alors qu’ils devraient avoir la liberté de choisir l’organisation qui leur convient le mieux en est un bel exemple.

Il est vrai que certains points de votre projet de loi retiennent mon approbation. La possibilité offerte, par l’article 31, aux caisses d’allocations familiales et à la Mutualité sociale de verser des pensions alimentaires dues aux parents isolés qui ne parviendraient pas à l’obtenir de leur ex-conjoint constitue à mes yeux une mesure juste et nécessaire. Attention cependant à ne pas déresponsabiliser le conjoint défaillant et tomber ainsi dans l’assistanat. De même, Mme Touraine a donné suite à mon interrogation sur la situation des marins résidant en France et travaillant à bord de navires immatriculés à l’étranger. Mais si j’ai pu, dans un premier temps, approuver l’article 19, il semble qu’il pose plus de problèmes qu’il n’en résout. J’y reviendrai au cours de la discussion mais d’ores et déjà, je ne pense pas que cet article puisse être adopté en l’état.

Pour conclure, si ce projet de loi présente un budget de la branche famille avoisinant l’équilibre, il ne nous paraît pas répondre aux exigences d’équilibre des comptes de la Sécurité sociale. Certes, et vous n’avez pas manqué de nous le rappeler en commission, le déficit de la Sécurité sociale devrait atteindre 12,8 milliards d’euros cette année alors qu’il était de 21 milliards au moment de l’élection de François Hollande. C’est sans doute oublier les inquiétudes qui pèsent sur la branche maladie, dont le déficit prévisionnel atteint 7,5 milliards d’euros, alors qu’il était de 5,9 milliards en 2012 et de 6,4 milliards en 2014. C’est une augmentation inquiétante face à laquelle vous ne proposez aucune réforme de structure, alors que des projets de loi concernant la santé et le vieillissement de la population ont pourtant été débattus.

C’est aussi une augmentation inquiétante dans la mesure où beaucoup de besoins restent non satisfaits. En matière de développement des soins palliatifs, Mme Touraine nous a annoncé en commission un plan de 40 millions d’euros : où sont-ils inscrits ? En matière d’accueil dans les structures spécialisées pour personnes handicapées, nous avons tous été alertés sur la situation alarmante que connaissent de nombreuses personnes n’ayant pas de solution d’accueil. En ce qui concerne les places de crèches dans nos collectivités, trop de familles ne savent pas comment faire garder leurs enfants, alors qu’il semblerait que des assistantes maternelles restent sans travail.

Madame la secrétaire d’État, alors que nous venons de fêter le soixante-dixième anniversaire de la Sécurité sociale, nous avons le devoir de tout faire pour qu’elle continue à offrir à chacun la garantie qu’en toutes circonstances, il disposera des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance et celle de sa famille dans des conditions décentes.

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