Intervention de Bernard Perrut

Séance en hémicycle du 20 octobre 2015 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Perrut :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016, avec 478,3 milliards d’euros de dépenses, constitue un budget particulièrement important, plus important que celui de l’État, et chacun en connaît l’enjeu. Mais, face aux menaces qui pèsent sur notre système social, vous n’engagez pas de réformes structurelles, et ce soixante-dixième anniversaire de la Sécurité sociale ne vous projette pas dans l’avenir avec une ambition que nous pourrions partager tous ensemble. Pour la Cour des comptes, l’objectif d’un retour à l’équilibre des comptes sociaux en 2017 est reporté à un horizon indéfini, ce qui est regrettable.

Quel mérite reconnaître à ce projet en trompe-l’oeil ? Vous affichez des objectifs, mais c’est le texte du renoncement ! Le déficit de la branche maladie ne cesse de se creuser et rien n’est fait pour y remédier. Vous affichez 7 milliards d’euros en 2016, sans vous souvenir qu’il était bien inférieur en 2012, s’établissant à 5,9 milliards. La moitié des économies à réaliser vont porter sur le médicament, ce qui va paralyser le secteur stratégique de l’industrie pharmaceutique quand, sur le terrain, nos pharmacies ferment jour après jour.

Lorsque vous évoquez, monsieur le secrétaire d’État, une branche vieillesse sur le chemin du retour à l’équilibre, vous oubliez de parler du Fonds de solidarité vieillesse, dont le déficit ne cesse de se creuser. Soyez honnête, l’amélioration de la situation de la branche vieillesse est liée à la réforme des retraites que nous avons décidée en 2010, soit au relèvement de l’âge légal à 62 ans et non pas à l’action de l’actuel gouvernement. Soyez également honnête en reconnaissant que les allégements de charges ne sont pas plus compensés en 2016 qu’ils ne l’ont été en 2015. Vous renvoyez leur financement à la dette dans le projet de loi de finances.

Je trouve toutefois dans ce texte quelques motifs de satisfaction, notamment celui de voir la branche famille préservée cette année, après avoir été particulièrement touchée en 2015, avec la mise sous condition de ressources et la modulation des allocations familiales. Depuis l’arrivée de votre majorité, 4,5 milliards d’euros ont été pris directement aux familles, sans parler des hausses d’impôt et des taxes. Je suis également satisfait de constater votre engagement en faveur de l’efficience des dépenses hospitalières et du développement de la chirurgie ambulatoire.

Mais faudra-t-il encore avoir tous les moyens de cette ambition et développer une meilleure coordination entre la ville et l’hôpital ainsi que des programmes de retour à domicile. Les groupements hospitaliers de territoires prévus dans la loi santé pourront-ils conduire à de réelles mutualisations et à des économies structurelles ? Il faudra pour cela que les établissements privés comme publics y participent ensemble dans une indispensable complémentarité.

Certaines de vos mesures m’inquiètent pour nos entreprises, notamment le report de la baisse des cotisations sociales du 1erjanvier au 1eravril. C’est un mauvais coup porté aux petites entreprises confrontées à des difficultés de trésorerie. Plus généralement, nos entreprises devront faire face à la réforme des contrats responsables et à la généralisation de la complémentaire santé. Que de charges administratives nouvelles imposées trop rapidement !

L’article 39 qui s’étend sur seize pages instaure une protection universelle maladie, s’affranchissant de la logique d’affiliation ou d’ayant droit d’affiliés à la Sécurité sociale, fondée pourtant sur l’activité professionnelle et, partant, sur la cotisation. Il suffira d’être résident pour avoir des droits. Une telle évolution s’éloigne des fondements mêmes de notre système social. C’est la raison pour laquelle il nous faut un vrai débat pour en étudier toutes les conséquences.

Enfin, j’évoquerai la question des personnes handicapées en faveur desquelles je défendrai un amendement. Dans mon département du Rhône, plus de 800 enfants en situation de handicap sont en attente d’une solution d’accompagnement, tandis que 592 adultes sont inscrits sur des listes d’attente. Le plan de création de places lancé en 2008 n’est toujours pas achevé. Il reste à créer en France, selon la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, 8 310 places pour 47 428 personnes sans solution. Il est donc urgent que l’État engage un nouveau plan afin de répondre aux besoins des milliers de personnes sans solution. Nous savons que plus de 5 000 d’entre elles sont accueillies à l’heure actuelle en Belgique.

Pour conclure, en ce soixante-dixième anniversaire de la Sécurité sociale et devant les grands défis qui devraient nous rassembler, nous ne pouvons pourtant pas vous suivre, car votre démarche n’est ni assez audacieuse, ni assez responsable, ni assez courageuse, ni à la hauteur de ce qu’attendent les Françaises et les Français.

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