Nous ferons part en commission élargie et en séance de nos interrogations sur les écarts entre créations de postes annoncées et effectives ainsi que sur divers chiffres, et évoquerons les réformes contestées comme celle des rythmes scolaires, du collège ou des programmes scolaires.
Je n'ai pu assister à toutes les auditions, madame Pompili, mais celles auxquelles j'ai participé se sont déroulées dans un excellent climat d'écoute et d'échange. Nous nous rejoignons sur le constat : il y a une aggravation des inégalités sociales et géographiques à l'école ainsi qu'une diminution des performances des élèves. Dans le même temps, force est de reconnaître les progrès considérables accomplis en matière de scolarisation des enfants en situation de handicap depuis la loi du 11 février 2005, qui posait comme principe que la place de tous les enfants est à l'école. En dix ans, le nombre d'enfants handicapés accueillis à l'école primaire a doublé. Le rapport contient, on peut le regretter, des éléments de polémique puisqu'il oppose la législature précédente à la législature actuelle. D'une part, je ne suis pas sûr qu'un tel sujet se prête aux polémiques ; d'autre part, la lecture des chiffres peut être retournée : les effectifs d'élèves en situation de handicap scolarisés dans les écoles du premier degré ont augmenté de 8 300 à chaque rentrée entre 2007 et 2012 mais de moins de 7 000 depuis 2012. Ce qui compte, c'est que la dynamique soit bel et bien enclenchée.
Nous partageons votre avis, la situation est loin d'être satisfaisante : 10 000 à 30 000 enfants en situation de handicap ne se voient toujours pas offrir de solution adaptée en termes de scolarité, ce qui est source de grandes difficultés ; les inégalités territoriales marquées conduisent certaines familles à s'expatrier dans des pays voisins, en Belgique notamment.
Nous retrouvons les interrogations habituelles à nos débats sur l'éducation. D'abord, sur les moyens budgétaires. On peut regretter une insuffisance de données chiffrées dans le rapport. Néanmoins, celui-ci fait bien apparaître la nécessité de poursuivre les efforts mais aussi de s'interroger sur leur répartition. Des économies peuvent être faites en réduisant le nombre de redoublements : est-ce simplement une démarche comptable ou peut-on envisager une réaffectation des sommes ainsi dégagées ? Si oui, quels dispositifs seraient privilégiés ?
La question des moyens renvoie à l'évaluation, interrogation récurrente dans le domaine éducatif. Il existe très peu d'évaluations permettant de faire le point sur les nombreux dispositifs d'aides aux élèves en difficulté. Prenons le cas des RASED : le rapport que j'avais rédigé en 2011 avec Gérard Gaudron a montré que ces réseaux n'avaient jamais fait l'objet d'évaluations objectives. Les encenser ou leur tirer dessus est un exercice qui relève davantage de l'a priori que de données étayées. Des évaluations restent à mener au sujet des postes d'accompagnants des élèves en situation de handicap. Leur statut a été amélioré et leur professionnalisation est en marche. Reste à développer et diffuser les bonnes pratiques à partir des expérimentations.
J'en viens à la formation des enseignants. Le rapport formule un jugement assez sévère, que nous partageons : « l'isolement et la modicité des volumes horaires de la formation générale consacrés aux pratiques de l'école inclusive sont une aberration ». On aurait pu penser que la mise en place des ESPE améliorerait les choses. Cela a plutôt été une occasion manquée, souligne le rapport.
La formation continue n'est pas mieux lotie : « elle est encore en jachère et ne laisse qu'une place marginale à l'enjeu de l'inclusion », toujours selon le rapport. Notons que ces enjeux de formation ne se limitent pas aux enseignants. Il faut également s'intéresser aux autres acteurs de l'école, je pense aux postes de direction, aux conseillers principaux d'éducation, aux médecins scolaires, aux personnels de secrétariat ou de restaurants scolaires qui sont chaque jour confrontés aux réalités du handicap.
Outre les questions récurrentes, le rapport soulève des interrogations spécifiques : le risque d'une trop grande médicalisation de la difficulté scolaire, l'intérêt d'une détection précoce des difficultés, l'enjeu de l'accueil des élèves allophones.
La situation est contrastée. Une dynamique est enclenchée depuis dix ans mais elle se heurte aux inerties de notre système éducatif. Trop souvent, nous entendons des enseignants démunis face aux handicaps, face aux familles mais aussi face à l'institution scolaire qui ne les accompagne pas assez. Il reste beaucoup à faire. Souhaitons que ce rapport permette d'améliorer les choses.