Madame Lang, votre excellent rapport sur le patrimoine immobilier de nos universités nous place, dès le début, dans le vif du sujet : « 40 % de locaux dans un état de dégradation inquiétante et même franchement préoccupante pour 12 % d'entre eux ». Ces chiffres sont éloquents, ils sont cependant trop généraux et abstraits pour que nous puissions collectivement en mesurer la portée. C'est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à visiter le site universiteenruines.tumblr.com. Vous y trouverez plusieurs dizaines de photos montrant le dénuement auquel l'État français condamne des centaines de milliers d'étudiants.
Vous pointez plusieurs pistes d'amélioration pour remédier à cette situation désastreuse. Première piste : le recours aux emprunts. En l'état actuel des finances des universités, j'ai du mal à percevoir l'intérêt de cette solution. Ne revient-elle pas à repousser à demain un problème qui devrait être réglé aujourd'hui ?
Deuxième piste : les opportunités offertes par la location. Il y a certes des rentrées d'argent possibles mais je m'inquiète des éventuels dévoiements auxquels pourraient conduire ces opérations. N'y a-t-il pas des risques d'abus, voire d'utilisations publicitaires nuisibles ? Et dans les universités dont les locaux sont « dans un état de dégradation inquiétante et même franchement préoccupante », les locations ont de faibles chances de se faire, voire sont à déconseiller, compte tenu des risques sanitaires.
Troisième piste : les flux financiers générés par la formation professionnelle. Je vous rejoins sur cette possibilité. Il est tout à fait souhaitable que l'université s'ouvre au plus grand nombre, donc à ceux qui envisagent une formation au cours de leur carrière professionnelle.
Quatrième piste : la dévolution de bâtiments. Comme elle implique l'inscription au bilan des opérateurs des biens transférés et de leurs amortissements, elle ne me paraît soutenable financièrement pour les universités que si la dotation aux amortissements est actualisée chaque année, ce qui est loin d'être garanti aujourd'hui.
Vous ne mentionnez pas, dans vos recommandations, la possibilité de réorienter certains budgets vers nos universités. Elles ont une activité de recherche très importante et le crédit d'impôt recherche est une niche fiscale au coût croissant et, dans de nombreux cas, sans aucun lien avec une réelle activité de recherche. Que pensez-vous de la possibilité de limiter les coûts du CIR pour mieux financer l'entretien et la rénovation des bâtiments de nos universités ?
Cette évocation de la dépense massive et inutile que constitue le CIR me fournit une transition logique vers le rapport de Mme Sophie Dion. Il revient à plusieurs reprises sur la faiblesse des dotations des laboratoires de recherche, citant entre autres le cas du laboratoire « Motricité, Interactions, Performance » dont le financement n'est assuré par sa dotation qu'à hauteur de 10 %. Comment ne pas mettre en rapport cette faiblesse dans le financement et les plaintes ciblées et répétées à l'égard du CIR ? Le rapport de la Cour des comptes en 2013, les critiques du conseil scientifique du CNRS, la lettre adressée au Président Hollande par 660 directeurs de laboratoire en 2014, le rapport de l'association « Sciences en marche » en 2015, toutes les critiques vont dans le même sens : le CIR coûte une fortune sans effet démontré, alors que l'efficacité de notre recherche publique n'est plus à prouver. J'aurais aimé ajouter à cette liste le rapport de la sénatrice Brigitte Gonthier-Maurin, mais vous savez comme moi qu'il n'a pas été publié.