Je me félicite que mes collègues aient été sensibles aux forts enjeux financiers liés au thème que j'ai choisi pour mon rapport. Sur un sujet sur lequel on accumule des retards depuis des décennies, il faut se garder de toute arrogance, car chacun porte sa part de responsabilité. Nous n'allons certainement pas apporter toutes les réponses dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, mais j'espère que nous allons commencer à améliorer la situation.
Mme Buffet m'a interrogée sur le paradoxe qui existe entre la sous-occupation des locaux dont j'ai fait état et les photos d'amphis bondés qui circulent. C'est le résultat de la conjugaison de l'extrême diversité des situations et des pics d'activité sur la semaine et sur l'année. Les amphis sont bondés du mardi au jeudi, et entièrement vides les lundis et vendredis. La répartition sur l'année est du même ordre. C'est pourquoi le rapport souligne l'adaptation très mal pensée des locaux à l'utilisation pédagogique, et appelle à un effort de rationalisation.
Mme Buffet plaidait pour un plan d'urgence en faveur de l'immobilier universitaire ; nous préconisons, pour notre part, d'avancer, sous certaines conditions, dans la dévolution. Ainsi les besoins immobiliers seront-ils fléchés puisque la subvention ne sera plus fondue dans la dotation globale. D'une certaine façon, la dévolution répond à l'urgence.
Quelques chiffres concernant la sous-occupation : on estime que le taux d'occupation des locaux dédiés aux étudiants dans les universités est de l'ordre de 70 %, mais sur une occupation optimale calculée à 1 120 heures par an, contre 1 900 heures pour les lycées et 2 500 heures pour les administrations. Il y a donc une énorme marge de progression.
S'agissant des équipements sportifs, comme le pressentait Mme Buffet, la situation est également assez préoccupante. L'état du patrimoine sportif des universités correspond à peu près à celui du patrimoine global : 10 % du patrimoine est en état « E », c'est-à-dire très dégradé, et 31 % en état « C » et « D », mauvais.
Pour répondre à M. Bréhier sur l'inadaptation des locaux à la pédagogie, il est vrai que la modularité des locaux devient la norme. C'est une donnée importante que les universités doivent intégrer dans leur réflexion sur le devenir des salles, dans le cadre de la pédagogie inversée. Je cite dans mon rapport l'exemple de l'université de Grenoble où l'amphithéâtre de la première année commune aux études de santé a été scindé en deux salles entièrement modulables, qui permettent de faire des cours magistraux mais aussi du travail en petit groupe. Ainsi, les étudiants prennent connaissance du cours, notamment par internet, et viennent à l'université pour obtenir des explications, approfondir ou faire des exercices. De fait, le modèle de l'amphithéâtre en devient obsolète. Dans le cadre de cette réflexion sur l'adaptation de l'immobilier à l'évolution des usages, le ministère a mis en place en son sein une mission d'expertise et de conseil pour accompagner les universités dans cette stratégie immobilière de long terme. On peut regretter que, pour l'heure, une seule université y ait fait appel.
Je ne pense pas, comme l'a suggéré Mme Attard, que le rapport préconise le recours massif aux emprunts. Nous nous contentons de proposer que l'accès à l'emprunt auprès de la Caisse des dépôts et consignations soit élargi aux universités qui ne font pas partie du plan Campus. D'autant que ce sont des dépenses qui assurent un retour sur investissement, puisqu'elles sont largement consacrées aux économies d'énergie et au développement durable. Quand on voit la piètre qualité énergétique des bâtiments, c'est une nécessité.
Je conviens qu'il faudrait veiller à ne pas totalement dévoyer la vocation des locaux universitaires s'ils étaient loués. L'organisation des summer schools en Angleterre, à destination des étudiants et des élèves étrangers venus apprendre l'anglais pendant la période estivale, permet, semble-t-il, tout à la fois de préserver cette vocation et de dégager des ressources importantes. Si les universités françaises se lançaient dans des plans ambitieux pour l'enseignement du français sur ce mode, tout le monde y trouverait son intérêt.
Ce type de location reste toutefois anecdotique et ne permettra pas de faire face aux besoins considérables des universités. La piste de la formation professionnelle semble nettement plus prometteuse. On pourrait imaginer par exemple que l'intégralité de la formation continue des médecins soit organisée à l'université. Outre l'apport de recettes importantes, cela aurait un vrai sens citoyen en replaçant l'université au centre de la formation professionnelle, élargie au-delà de celle des enseignants.
Tout en renvoyant les débats approfondis sur les questions budgétaires à la commission élargie, je précise qu'une grande partie des annulations de crédits des contrats de plan concernent des projets dont la maturité était insuffisante. Il arrive souvent, pour ce type d'investissements de long terme, que les projets tardent à trouver un montage satisfaisant et accumulent du retard. Les crédits annulés de ce fait ont été reprogrammés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016 : 138 millions d'autorisations d'engagement supplémentaires ont été affectés à l'immobilier.
S'agissant de la dévolution que M. Hetzel appelle de ses voeux, c'est-à-dire le transfert du patrimoine de l'État aux universités, il ne concerne pour l'instant que les trois universités qui se sont portées candidates pour l'expérimentation. Actuellement, beaucoup d'universités ne sont pas prêtes à gérer ce patrimoine, car cela suppose d'avoir mené une réflexion approfondie, tant du point de vue pédagogique qu'immobilier, donc une administration et un travail extrêmement important en amont.
Quant aux 500 millions nécessaires à la remise en état, dont je fais état dans le rapport, il faut bien comprendre que, sauf à creuser immédiatement le déficit de 500 millions supplémentaires, ils ne peuvent être inscrits dès le présent projet de loi de finances. En attendant, le financement peut être assuré à travers la troisième phase du programme d'investissements d'avenir et la poursuite de la dévolution, notamment en direction des COMUE, de manière à faire entrer les universités qui ont déjà fait des efforts de rationalisation, de mutualisation et de fusion dans un cercle vertueux.
Enfin, il faut diffuser les bonnes pratiques, qui sont encore très peu répandues. L'exemple d'adaptation et de modularité des locaux à Grenoble reste exceptionnel, les efforts de mutualisation sont trop rares, et seule l'université de Caen a sollicité la mission d'expertise du ministère. Les universités peinent à rentrer dans la logique de rationalisation et de mutualisation du patrimoine immobilier, alors que, le rapport le montre, il y a urgence.
Une précision s'agissant des 100 millions d'euros prélevés dans les fonds de réserve des universités : seules ont été visées celles qui accumulaient des réserves excessives et réalisaient le moins d'investissements, donc qui entretenaient relativement mal le patrimoine. Cette ponction ne sera pas reconduite en 2016. Il faut continuer à encourager les universités à utiliser leurs réserves pour investir massivement, notamment dans les restructurations et réhabilitations immobilières, et pas seulement dans des constructions neuves, même si elles font très plaisir aux élus.
Pour finir, il est vrai, madame Martinel, qu'avant 2007 et la mise en place de l'autonomie des universités, les crédits étaient fléchés et la part réservée à l'investissement immobilier était donc sanctuarisée. La dotation globale, qui inclut les investissements immobiliers, a pour effet pervers que les universités en situation inconfortable sont tentées de consacrer ces crédits à d'autres dépenses. Mais nous savons bien que le vrai problème est que l'autonomie n'était pas financée, l'immobilier en fournit un exemple éloquent.