Intervention de général Jean-Pierre Bosser

Réunion du 13 octobre 2015 à 16h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

général Jean-Pierre Bosser :

Tout à fait, on peut changer d'arme comme de région ; c'est même conseillé pour garder un individu.

En matière de fidélisation, contrairement à des idées reçues, je n'ai pas d'inquiétude sur l'adhésion de nos militaires du rang à Sentinelle.

Un auditeur de l'IHEDN m'a récemment demandé jusqu'où je serais allé si je devais imaginer l'armée de terre de mes rêves ; or si j'avais bien réfléchi au seuil critique inférieur, je n'avais pas envisagé la question des seuils supérieurs. Pourtant, ceux-ci existent. Je serai au rendez-vous le 31 décembre pour atteindre la cible des 5 500 recrutements en 2015, puis le 31 décembre 2016 pour atteindre les 11 000. Mais des recrutements supérieurs nous confronteraient à des problèmes en matière de capacité de la chaîne de recrutement, de la formation initiale, de l'habillement, du service de santé et de l'infrastructure.

L'effort de recrutement et de fidélisation n'exclut pas la manoeuvre des départs, notamment dans la population sensible des officiers. En 2015, une déflation de 984 postes est attribuée à l'armée de terre ; le mouvement se poursuivra en 2017, 2018 et 2019. En 2015, avec 41 % des effectifs d'officiers du ministère, nous assumons 53 % de la charge de déflation qui pèse sur cette catégorie. Nous faisons partir ceux d'entre eux dont nous n'avons pas besoin pour encadrer la FOT : il s'agit de manoeuvres internes complexes. La préparation opérationnelle représente un autre défi. L'armée de terre vit aujourd'hui sur l'expérience acquise depuis vingt ans ; elle peut le faire pendant trois ans, mais non pendant cinq ans. Si j'ai souhaité effectuer les 11 000 recrutements en 2015 et 2016, c'est pour retrouver l'équilibre au printemps 2017. En effet, sans ces effectifs supplémentaires, au-delà de l'été 2017, l'armée de terre Serval deviendrait inévitablement l'armée de terre Sentinelle. Nous essayerons d'atteindre l'objectif de 83 journées de préparation opérationnelle (JPO) en 2016 puis celui de 90 en fin de LPM.

Nous devons enfin faire un effort majeur en matière capacitaire. Si, avec le véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI), le camion équipé d'un système d'artillerie (CAESAR) et le Tigre, l'armée de terre a obtenu un renouvellement important de ses matériels, l'usure des parcs anciens – VBL, AMX-10 RC, VAB et hélicoptères – est réelle. D'ici aux années 2020-2025, nous allons donc vivre une transition capacitaire importante. La première vague de renouvellements est aujourd'hui en place ; mes prédécesseurs ont fait en sorte que ces matériels équipent les unités projetées afin que nos soldats bénéficient du meilleur dans les OPEX, et nous nous tiendrons à cette ligne. La première étape du programme Scorpion est validée ; reste maintenant à envisager la suite. À court terme, mon attention porte sur la notification des programmes prévus, notamment du système de drone tactique (SDT) fin 2015, de l'arme individuelle future (AIF) en 2016 et du VBMR léger en 2017. À moyen et à long terme, il faut veiller à ce que les marchés notifiés se concrétisent par des livraisons conformes aux calendriers prévus.

En 2015, la France a dû faire face à de nouvelles menaces, et l'armée de terre, à de nouvelles missions en matière de protection du territoire national et de sa population. Les enjeux sont nombreux, mais les hommes et les femmes que je commande ont toute ma confiance. Je voudrais partager avec vous le message de rentrée que je leur délivre. Au-delà de la mise en place du nouveau modèle d'armées, j'ai mis en avant trois étendards pour l'année 2016. Le premier est celui de la remontée en puissance de la FOT, qui exige de combiner tous les moyens, tous les leviers et toutes les bonnes volontés – jusqu'à celles des élus. Au lieu d'évoquer les seuils critiques, je présente cette remontée en puissance comme une opportunité et une chance, un amplificateur de dynamisme et d'optimisme pour l'armée de terre. Je suis prêt à mettre l'organique « dans le rouge » pour permettre à l'opérationnel d'être « dans le vert » rapidement. Le deuxième étendard – que l'armée de terre était seule à vouloir porter – est celui de la contribution à la cohésion nationale, au travers du SMV et de la montée en puissance du service militaire adapté (SMA) de 6 000 hommes. Enfin, le troisième étendard concerne l'esprit de résistance. Cette femme qui, la première des sentinelles, a résisté à son agresseur à Villejuif, ces trois hommes qui se sont dressés contre le terroriste dans le Thalys – j'aurais été fier qu'ils fussent des soldats français, mais le hasard en décida autrement – montrent que le mal qui nous guette renvoie à l'affrontement entre deux volontés, réclamant bien plus que la simple vigilance. Nous sommes bien dans une guerre. L'armée de terre – qui agit depuis 2008 en Afghanistan, depuis 2012 au Mali, où elle a interdit à la barbarie d'atteindre la capitale, et maintenant dans le cadre de Sentinelle – incarne parfaitement cet esprit de résistance et en porte l'étendard dans notre pays.

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