Mme la présidente, mesdames et messieurs les députés, c'est un grand honneur pour moi que de venir vous parler du climat, ce sujet qui nous préoccupe tous. Quelques semaines avant l'ouverture de la COP21, je rappellerai les paroles prononcées en avril dernier par le secrétaire général des Nations Unies, M. Ban Ki-moon, afin de souligner le caractère fondamental de cette conférence pour sauver l'humanité : « Il n'y a pas de plan B, parce qu'il n'y a pas de planète B ».
Les liens entre l'espace et le climat sont étroits. Pour vous en convaincre, j'évoquerai trois aspects de cette relation. Premièrement, sur les cinquante variables climatiques essentielles définies par les spécialistes du Global climate observing system (GCOS) afin de rendre compte de l'état du climat, vingt-six ne peuvent être observées que depuis l'espace. Cela montre que les satellites sont sans équivalent pour comprendre le climat et ses dérèglements, mais aussi pour contrôler les engagements internationaux pris pour maîtriser son évolution.
Deuxièmement, les satellites sont les garants d'une observation globale, précise et multicritère de la Terre, qui permet de mesurer l'augmentation moyenne du niveau des océans, le réchauffement global de l'atmosphère, ainsi que les émissions globales et régionales des gaz à effet de serre qui en sont à l'origine – essentiellement le gaz carbonique et le méthane.
Troisièmement, les satellites permettent de gérer les catastrophes naturelles en donnant aux pays concernés un accès prioritaire aux informations disponibles provenant du monde entier. À l'avenir, les satellites apporteront aussi leur aide en amont de tels événements, en permettant sans doute à terme la détection précoce des tsunamis et des tremblements de terre.
À cet égard, le programme spatial français est exemplaire, ce dont je me félicite. Ce sont les satellites franco-américains Topex-Poseidon – lancé en 1992 –, Jason-1 et Jason-2 – Jason-3 sera lancé dans quelques semaines – qui ont mis en évidence une augmentation moyenne et continue de 3,2 millimètres par an du niveau des océans. C'est là un point très important, car la courbe faisant apparaître l'élévation des océans est à l'origine d'une prise de conscience généralisée sur le climat.
Certains satellites en orbite sont entièrement dédiés à l'étude du climat. Nous entretenons une coopération exemplaire avec l'Inde : les satellites Megha-Tropiques et SARAL-AltiKa, lancés respectivement en 2011 et 2013, permettent des observations locales de la mousson et de son influence sur l'écosystème indien. D'autres satellites en projet devraient nous permettre de mesurer les émissions régionales de gaz à effet de serre. Ainsi, MERLIN (Methane Remote Sensing Lidar Mission) est un programme emblématique qui, mis en oeuvre en coopération entre la France et l'Allemagne, vise à mesurer les émissions de méthane. La mission spatiale MicroCarb aura, elle, pour objectif de mettre en évidence les émissions régionales de gaz carbonique ; le Gouvernement est en train de finaliser ses modalités de financement. Enfin, le projet CFOSAT (Chinese-French Oceanic Satellite), mené avec la Chine, sera destiné à effectuer la mesure de l'état des océans.
En matière de catastrophes naturelles, la charte internationale Espace et catastrophes majeures, créée avec l'Agence spatiale européenne en 2000, rassemble aujourd'hui quinze agences spatiales et a été mise en oeuvre plus de 400 fois, notamment lors du tremblement de terre survenu au Népal en mai dernier.
Toutes nos réalisations sont exposées au ministère de l'écologie, où Mme Ségolène Royal a souhaité que soit installé un dôme du climat : il s'agit d'une sphère de quatorze mètres de diamètre à l'intérieur de laquelle sont regroupés divers instruments didactiques permettant de sensibiliser le grand public aux problématiques du changement climatique. Par ailleurs, avec l'Agence spatiale européenne, nous avons également installé un cube du climat, ayant la même vocation, qui restera place Clemenceau, sur les Champs-Élysées, durant toutes les vacances de la Toussaint.
Au-delà du grand public, nous avons souhaité que toutes les parties prenantes de la COP21, c'est-à-dire les chefs d'État et de Gouvernement, soient sensibilisées aux enjeux du spatial pour l'étude du climat. À cette fin, nous avons pris l'initiative de réunir les chefs d'agences spatiales du monde entier le 18 septembre dernier à Mexico. Au cours de cette réunion, nous avons adopté à l'unanimité une déclaration insistant sur l'importance de l'apport des satellites, indispensables à l'observation du climat, à la compréhension du changement climatique et aux moyens d'en atténuer les effets. Cette déclaration a été transmise aux Gouvernements des États représentés à Mexico, dans la perspective de la COP21.
Comme vous le voyez, l'engagement de la France dans la lutte contre le changement climatique ne fait pas de doute. Les participants au sommet de Mexico ont d'ailleurs dit, à de nombreuses reprises, à quel point ils étaient impressionnés par les moyens mis en oeuvre pour le succès de la COP21 et par la pertinence de notre programme spatial, dont les projets décidés ou à venir sont autant d'atouts pour gagner ce combat.
Jusqu'alors, les satellites en orbite ont mis en évidence le dérèglement global du climat. Nous allons entrer dans une nouvelle phase en passant à l'observation régionale des émissions de gaz à effet de serre, ce qui va nous permettre de nous assurer que les engagements pris lors de la COP21 seront bien tenus. C'est un contrôle global, mais aussi régional, car lorsqu'un pays prend un engagement, seuls les satellites sont à même de mettre en évidence son respect par les industriels concernés. De ce point de vue, la COP21 peut d'ores et déjà être considérée comme un succès, grâce à la mobilisation à laquelle les pouvoirs publics français ont réussi à donner une dimension planétaire.
Comme vous l'avez rappelé, Mme la présidente, j'étais la semaine dernière au congrès annuel de la fédération internationale d'astronautique qui s'est tenu à Jérusalem. La COP21, les enjeux relatifs au climat et l'importance du rôle des satellites ont été au centre de nos débats, comme cela avait déjà été le cas il y a deux semaines au Japon, lors de la rencontre entre Manuel Valls et son homologue japonais, Shinzo Abe.
Le CNES travaille beaucoup au succès de la COP21 et, au-delà, s'efforce de mettre en oeuvre les moyens qui permettront aux pouvoirs publics du monde entier de s'assurer que les engagements pris lors de la conférence seront tenus. Cet aspect est fondamental, car c'est le devenir de l'humanité – sa survie, pour certains – qui est aujourd'hui en question.