Cette année encore, le budget de l'enseignement scolaire est en hausse, ce qui, dans le contexte actuel, mérite d'être salué, même si je déplore un certain tassement au regard des autres années dans des secteurs pourtant toujours aussi décisifs pour l'avenir.
Investir pour notre jeunesse, c'est se donner les moyens de construire les contours d'une société plus égalitaire, où chacun dispose des mêmes droits et des mêmes chances de réussite. Or, comme le montrent toutes les études, c'est en France que les performances scolaires sont le plus liées aux origines sociales. Notre système éducatif aggrave les inégalités ; il ne sait pas ou sait mal prendre en compte et vaincre les difficultés particulières d'apprentissage d'une partie des élèves. Nous sommes donc encore loin de la mission d'inclusion que nous avons confiée à l'école de la République.
Nous attendons du budget de l'enseignement scolaire qu'il incarne clairement cette priorité qu'est l'école inclusive, qui consiste, non pas à demander aux enfants de se fondre dans une « normalité » fantasmée, mais à être en mesure de proposer à chacun les réponses appropriées. C'est à l'école de s'adapter aux besoins de chaque élève en difficulté, que ces difficultés soient temporaires ou non et de quelque nature qu'elles soient : situation de handicap, précocité, « dys », difficultés familiales ou sociales, enfants allophones nouvellement arrivés en France ou issus de familles itinérantes et du voyage…
Aujourd'hui, des efforts réels sont faits mais ils demeurent insuffisants.
Tout d'abord, qu'il s'agisse des instituts médico-éducatifs (IME), des unités d'enseignement externalisées ou des unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS), le manque de place est criant. Je soutiens le mouvement engagé d'internalisation des unités d'enseignement (UE) en milieu ordinaire, de même que la transformation de la classe pour l'inclusion scolaire (CLIS) en ULIS. C'est l'affirmation de sa vocation à intervenir en appui et non en substitution de la classe ordinaire, et cela va dans le bon sens. Mais le retard demeure considérable, laissant de côté de trop nombreux élèves. Comment, madame la ministre, entendez-vous mieux répondre à ce besoin de places supplémentaires ?
Il ressort des nombreuses auditions que j'ai menées que l'accompagnement constitue un enjeu majeur. Je pense particulièrement aux auxiliaires de vie scolaire, dont l'augmentation des effectifs est une très bonne chose, mais dont quelque 10 % seulement bénéficient de contrats à durée indéterminée (CDI). Ce nombre doit être augmenté tant pour les AVS que pour les contrats aidés. Comment entendez-vous consolider et même amplifier l'effort budgétaire afin d'affirmer la pérennité d'au moins 75 000 de ces postes ?
De même, après la saignée opérée par la précédente majorité supprimant le tiers de leurs effectifs, les Réseau d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) se rétablissent depuis 2012, mais bien trop lentement au regard de leur rôle essentiel. Quelle est la hausse des effectifs prévue pour la rentrée 2016 ?
Dans le même registre, la pénurie de médecins scolaires est un point de blocage, singulièrement pour les plans d'accompagnement personnalisé (PAP) destinés aux élèves connaissant des troubles de l'apprentissage. Comment envisagez-vous d'y remédier ?
Permettez-moi également d'insister sur le besoin de formation de ces différents acteurs. Certes, toutes les ESPE ne sont pas encore en place, et je réitère tout notre soutien à la décision prise par le Gouvernement de rétablir la formation des enseignants. Mais des marges d'amélioration importantes existent : les ESPE doivent s'ouvrir davantage à l'ensemble des acteurs oeuvrant dans le champ de l'éducation de façon à établir de nouvelles coopérations. En outre, alors que la démarche d'inclusion doit être au coeur du métier d'enseignant, elle est toujours aujourd'hui le parent pauvre de la formation, initiale comme continue. Le budget pour 2016 prévoit, il est vrai, une augmentation des crédits dévolus à la formation des personnels enseignants, mais elle est inférieure à celle des années précédentes, alors que les besoins sont urgents. Comment envisagez-vous de mieux répondre en termes budgétaires à cet impératif ?
Enfin, vous connaissez mon soutien à la réforme des rythmes scolaires, accompagnée de projets éducatifs de territoire (PEDT) de qualité. Je me félicite d'avoir été entendue lorsque j'ai plaidé pour la pérennisation du fonds d'amorçage. Aujourd'hui, je suis inquiète : le budget consacré aux « actions éducatives complémentaires aux enseignements », qui inclut ce fonds, diminue, alors même que la Cour des comptes vient de souligner que « la compensation accordée par l'État n'a pas couvert totalement le surcoût supporté par les communes et les EPCI ». Or la capacité des collectivités à proposer des activités gratuites et de qualité pour toutes et tous est en enjeu d'équité territoriale. Ce qui m'amène aussi à vous interroger sur les actions envisagées pour rendre ces activités vraiment accessibles aux élèves en situation de handicap.