Intervention de Najat Vallaud-Belkacem

Réunion du 20 octobre 2015 à 17h00
Commission élargie : finances - affaires culturelles

Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche :

Madame Louwagie, il n'a jamais été question pour moi d'adresser une quelconque récrimination aux maires. Mon propos consistait précisément à dire que, lorsqu'ils sont de bonne volonté, les maires sont bien mieux aidés qu'ils ne l'étaient avant la réforme des rythmes scolaires concernant la prise en charge du temps périscolaire des enfants.

Bien sûr, tout étant question de volonté politique, pour les maires qui ne se sont jamais intéressés au périscolaire, la réforme des rythmes scolaires ne représente qu'une contrainte. Je le regrette. C'est nous qui sommes aux responsabilités et nous considérons que les activités périscolaires de nos enfants sont très importantes. Un décret, qui a force de loi, est paru ; chacun doit l'appliquer. Vous pourrez constater, comme moi, que les choses semblent plus simples dans certains endroits du territoire français que dans d'autres. Certains maires parviennent plus facilement que d'autres à trouver des solutions. C'est un constat ; le taire serait se cacher derrière son petit doigt.

Plutôt que de critiquer qui que ce soit, mon propos est de rappeler que le ministère de l'éducation nationale se tient à la disposition de tous les maires de France, notamment par le biais du PEDT, pour les aider à construire ce domaine périscolaire. Comme nous voulons que cela marche, le ministère finance une partie de ces activités, ainsi que la CNAF. Il est donc faux de dire qu'elles représentent une charge supplémentaire pour les seules communes.

Monsieur Durand, vous m'avez interrogée sur le recrutement des enseignants. Ce sujet suscite des discours sur la crise des vocations, qui contribuent à miner le moral des enseignants. En 2012, le Gouvernement a annoncé qu'il allait créer des postes dans l'éducation. Le message a été entendu, mais de manière progressive, et le vivier ne s'est pas reconstitué immédiatement dès le début du quinquennat. Au concours 2014, nous avons eu le bonheur de voir que tous les postes ouverts dans le premier degré étaient intégralement pourvus. Pardon de manifester un enthousiasme que d'aucuns considèrent excessif, mais je trouve ce résultat formidable. Même dans l'académie de Créteil, dont le déficit d'attractivité était avéré, tous les postes ont été pourvus grâce au concours exceptionnel que nous avons organisé. Je répète qu'il n'y a pas de miracle : si la rentrée scolaire s'est bien passée, c'est parce qu'il y avait un enseignant dans chaque classe. Ce résultat est dû aux efforts que nous avons consentis.

Pour 2016, j'ai pris la décision de reconduire le concours exceptionnel dans l'académie de Créteil. Puisque nous venons de clôturer les inscriptions aux concours de l'enseignement pour 2016, sachez que nous avons de très bons résultats : l'augmentation du nombre de candidats est de 14 % pour le premier degré et de quasiment 10 % pour le second degré ; nous avons globalement 20 000 candidats de plus que l'an dernier. C'est là le résultat de nos politiques : l'annonce claire que l'éducation nationale recrute et l'assurance donnée aux candidats qu'ils bénéficieront d'une formation initiale leur permettant d'être outillés avant d'entrer dans une salle de classe.

Monsieur Xavier Breton, vous nous reprochez de comptabiliser les professeurs stagiaires dans les créations de postes. Vous devriez vous souvenir du cynisme avec lequel la majorité précédente avait procédé aux 80 000 suppressions de postes : pour que cela ne se voie pas trop, c'est la formation initiale qui avait d'abord été sacrifiée. C'est bien la preuve qu'elle se comptabilise aussi en postes budgétaires. De manière symétrique, la réintroduction d'une formation initiale se comptabilise aussi en postes budgétaires. Pourquoi voudriez-vous que l'on se mette soudain à compter autrement ?

Qui plus est, les professeurs stagiaires n'ont pas vocation à s'évaporer : à de rares exceptions près, ils vont être titularisés et devenir des professeurs à temps plein l'année suivante, comme je l'ai indiqué en réponse à M. Alain Fauré. Par conséquent, il est normal de les comptabiliser comme des recrues de l'éducation nationale.

Ayez également à l'esprit que l'éducation nationale a fait le choix de les payer à temps plein durant leur formation, qu'ils passent pour moitié en ESPE et pour moitié dans une salle de classe, parce qu'elle considère qu'il s'agit d'un investissement pour l'avenir.

Ces trois arguments mis bout à bout, pourquoi voudriez-vous que nous ne comptabilisions pas la formation initiale dans les créations de poste ? Ce serait absurde. Il n'y a pas de querelle à chercher sur ce sujet. Je répète que nous avons d'ores et déjà créé 35 200 postes dans l'éducation et que nous en serons à plus de 40 000 l'année prochaine.

Madame Julie Sommaruga, vous m'avez interrogée sur le chiffrage précis de nos actions de promotion des valeurs de la République. Suite aux attentats de janvier dernier, l'école a été attendue au tournant, parfois avec exagération. Quoi qu'il en soit, toute la communauté éducative a voulu se saisir de cette question de la transmission des valeurs de la République, et nous avons décidé d'y consacrer une enveloppe budgétaire de 33 millions d'euros afin de répondre à certaines nécessités absolues.

Comment cette enveloppe est-elle ventilée ? Une partie des fonds sert à renforcer le soutien à des associations d'éducation populaire qui interviennent à l'école sur les questions de droits, de devoirs, d'engagement, d'apprentissage de la citoyenneté, de lutte contre le racisme et l'antisémitisme, etc. Une autre partie est consacrée à la prévention du décrochage scolaire, car certains discours s'installent d'autant mieux quand l'élève ne va plus en cours. Nous avons aussi décidé d'augmenter les fonds sociaux, qui se sont réduits comme peau de chagrin au cours des dernières années : la hausse va atteindre 20 % cette année et 20 % encore l'année prochaine, afin d'aider les familles touchées par les difficultés économiques. Au vu du nombre d'enfants en situation de pauvreté, nous réalisons qu'il faut vraiment reprendre ce sujet à bras-le-corps. Enfin, le reste des crédits va servir à augmenter le nombre de places dans le dispositif « Ouvrir l'école aux parents ». Ce dispositif permet aux parents d'élèves allophones de venir dans l'établissement scolaire de leurs enfants pour prendre, eux aussi, des cours – de français, sur la République ou le fonctionnement de l'école – afin de mieux suivre la scolarité de leurs enfants.

S'agissant du plan numérique au collège, les enseignants bénéficieront de trois jours de formation, programmés au cours de l'année scolaire 2015-2016, pour se préparer à ce défi de l'année prochaine. Il y sera question de l'apprentissage du numérique et de l'apprentissage des disciplines par le numérique, mais aussi des réseaux sociaux et de l'identité numérique, puisque les nouveaux programmes nous laissent enfin la possibilité d'aborder ces différentes dimensions avec les élèves. Vous l'avez peut-être noté, les programmes indiquent que l'élève de l'école primaire apprend à taper sur un clavier, et que le collégien travaille sur des questions telles que l'identité numérique, les réseaux sociaux ou la protection personnelle des données. Surtout, une grande place sera faite à l'utilisation du numérique dans des disciplines telles que les mathématiques et la technologie.

Comment organisons-nous le déploiement des nouveaux manuels scolaires, compte tenu des changements de programmes ? Contrairement à ce qu'on peut lire ici ou là dans la presse, nous travaillons en collaboration étroite avec les éditeurs. Nous anticipons et nous savons qu'il nous faut une enveloppe de 300 millions d'euros : la moitié sera consacrée, pour la rentrée 2016, à l'achat des manuels de français, mathématiques, histoire-géographie, langue vivante 2 et sciences ; le reste financera, pour la rentrée suivante, les manuels des cinq matières qui nous semblent moins prioritaires.

Madame Annie Genevard, l'une de vos questions concerne l'augmentation de la rémunération des enseignants. À plusieurs reprises, j'ai eu l'occasion de dire qu'elle est indispensable, notamment pour les enseignants du premier degré. Nous y sommes plus que favorables, et nous avons d'ailleurs créé, en 2013, l'indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves, une prime de 400 euros que vous estimiez insuffisante. Bien sûr, mais c'est un début, et nous discutons avec les organisations syndicales de la manière de l'augmenter progressivement. À ma connaissance, cette démarche n'avait pas été faite auparavant. L'important déjà, c'est de se mettre d'accord sur le fait qu'il est indispensable d'assurer cette augmentation.

Des débats, plus ou moins publics, se sont développés au cours des derniers mois sur ce qu'il faut faire en plus de cette prime. Pour ma part, j'estime que cette hausse de la rémunération des enseignants ne peut se faire à budget constant, contrairement à ce que prétend l'un des responsables de l'opposition. C'est tromper les gens que de leur raconter cela. Bien sûr, il faudra continuer à revaloriser les rémunérations au cours des années à venir, mais en prévoyant les moyens nécessaires.

S'il faut absolument assumer cet engagement, il faut le faire, si possible, en évitant d'opposer un corps à un autre. Cette augmentation de rémunérations unanimement considérées comme trop faibles ne doit pas se faire au détriment d'autres professionnels de l'éducation nationale. Elle ne doit pas se faire non plus au détriment des élèves eux-mêmes. Certains d'entre vous semblent vouloir dire qu'ils reviendraient sur les créations de postes s'ils se trouvaient en position de le faire, considérant qu'il y a trop d'enseignants dans l'éducation nationale. Or si vous réduisiez le nombre d'enseignants pour pouvoir augmenter les rémunérations de ceux qui restent, comme l'avait préconisé Nicolas Sarkozy à une époque, vous ne rendriez pas service aux élèves. Pour ma part, je pense qu'il faut rendre service à la fois aux élèves et aux enseignants : il faut conserver le nombre de postes nécessaires et, en même temps, se donner les moyens budgétaires – en l'assumant clairement – d'augmenter la rémunération des enseignants. C'est ce qui fait notre différence.

S'agissant de la redéfinition des carrières des enseignants, sachez que le Premier ministre a rappelé la semaine dernière sa volonté d'appliquer le fameux protocole parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR) adopté dans la fonction publique. Je m'en suis réjouie publiquement pour une raison simple : cela signifie que, dans l'éducation nationale – premier employeur de fonctionnaires de l'État –, nous pouvons désormais entamer les négociations avec les organisations syndicales pour faire en sorte que se rapprochent notamment le premier et le second degré en termes de rémunérations et de parcours de carrière. C'est un cadre qui va nous permettre de progresser.

Monsieur François Rochebloine, vous m'avez interrogée sur le coût de la réforme des rythmes scolaires. Je peux vous dire que l'État et la CNAF y consacrent respectivement 320 millions et 574 millions d'euros par an. En revanche, la Cour des comptes reconnaît elle-même dans son rapport que le coût pour les communes est très complexe à déterminer, pour une raison simple : les montants sont très variables d'une commune à l'autre.

Sans prétendre que l'aspect financier n'est pas important, je pense que nous devons désormais évaluer ensemble – dans un bon climat, je l'espère – les vertus pédagogiques de ces nouveaux rythmes scolaires et la qualité des activités périscolaires qui vont commencer, bon an mal an, à s'installer un peu partout. Nous avons décidé de lancer une enquête empirique d'une très grande ampleur puisqu'elle va concerner plusieurs dizaines de milliers d'élèves répartis sur tout le territoire. L'idée est d'avoir des réponses scientifiques sur les questions de fatigue des enfants et de vertus pédagogiques des nouveaux rythmes sur les apprentissages. Ces réponses nous permettront, le cas échéant, de nous adapter en ne perdant jamais de vue l'objectif : un élève apprend mieux en cinq matinées qu'en quatre ; il vaut mieux donner accès à des activités périscolaires à tous les enfants, plutôt que d'en voir certains dans des clubs de sports et d'autres devant la télévision.

M. François de Mazières s'inquiète du coût des enseignements pratiques interdisciplinaires, qui conduiraient à payer deux enseignants pour une seule heure de cours. Rappelons que ces enseignements visent à remédier aux inconvénients de l'apprentissage en silos, discipline par discipline, système dans lequel l'élève passe parfois totalement à côté du sens de ce qu'il apprend. L'idée, qui consiste à faire se rencontrer plusieurs disciplines, ne passe pas obligatoirement par du co-enseignement : certains projets peuvent être construits à deux, une partie étant abordée pendant le cours de mathématiques et l'autre pendant le cours d'anglais, par exemple, sans que les deux enseignants soient présents ensemble durant la même heure de cours. C'est beaucoup plus souple que ce que vous imaginez. Signalons aussi que la réforme du collège est assortie de la création de 4 000 postes, dans le but de favoriser notamment le travail en petits groupes plus homogènes. À l'évidence, cette méthode est vertueuse, et, oui, elle est plus onéreuse. Pour paraphraser une formule célèbre, si vous estimez que l'éducation coûte cher, essayez l'ignorance. Et voyez les résultats actuels de notre collège : ils ne sont pas bons. Nous avons besoin de mettre l'accent sur l'accompagnement personnalisé des élèves. Voilà pourquoi nous créons 4 000 postes supplémentaires.

Mme Brigitte Bourguignon et plusieurs autres députés m'ont interrogée sur l'école en milieu rural. Sachez que les postes supplémentaires que nous avons créés depuis 2012 profitent aussi aux territoires ruraux. La prise en compte des critères sociaux et territoriaux auxquels je faisais allusion dans mon propos introductif s'agissant de l'allocation des moyens permet un vrai rééquilibrage des emplois.

Néanmoins, les élus des territoires ruraux sont confrontés à un autre défi : la baisse de la démographie. Jusqu'à présent, les décisions de l'éducation nationale tombaient comme un couperet. Les élus se voyaient imposer brutalement, sans avoir le temps de se retourner, la fermeture d'une classe, qui se traduisait souvent par la fermeture d'une école, ce qui est terrible pour un territoire. Nous proposons désormais à ces départements ruraux isolés de signer un « protocole ruralité » par lequel les deux parties s'engagent. D'un côté, les élus, lorsqu'ils voient que le nombre d'habitants diminue, s'engagent à anticiper le phénomène, c'est-à-dire à réfléchir à des regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI). Ils ont trois ans pour le faire. De l'autre côté, durant ces trois ans, le ministère de l'éducation nationale s'engage à les laisser tranquilles et à geler les évolutions de postes qui auraient dû se produire. Ce protocole permet au moins de supprimer les décisions brutales, sources d'angoisses. Nombre de départements l'ont déjà signé : le Cantal, les Hautes-Pyrénées, le Gers, le Lot et l'Ariège.

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