Il faut toujours se réjouir des bonnes nouvelles, surtout en période de disette budgétaire. À l'instar de mes collègues, je ferai donc preuve d'un très grand optimisme, un optimisme en grande partie justifié. Depuis 2012, la majorité a accompagné de manière presqu'unanime les efforts consentis par le Gouvernement en faveur du budget de la justice. Il a augmenté les moyens du ministère de la justice et engagé des réformes structurelles comme la réforme pénale et le projet de réforme de la justice du XXIe siècle.
Pour 2016, avec 8,04 milliards d'euros, la hausse du budget de la justice sera d'1,3 % par rapport à 2015. Il s'agit plus que d'un budget sanctuarisé : nous atteignons 80 280 emplois, près de 3 000 créations jusqu'en 2017, dont 1 024 en 2016. Il faut se réjouir aussi de l'apport de fonds destinés à la lutte contre le terrorisme. Plus de la moitié du budget est absorbée par l'administration pénitentiaire. En douze ans, son poids n'a fait que s'accroître : sa part dans le budget du ministère de la justice est passée de 29 % à 44 %. Pourtant, on ne peut pas dire que tout aille bien : vétusté des locaux, situations en marge de la loi faute de crédits – rappelons la présence illégale de murets dans les parloirs à Fresnes, à propos desquels j'avais saisi la garde des sceaux et le président de la commission des lois –, report contestable de l'encellulement individuel, taux d'occupation des maisons d'arrêt atteignant 135 %. À cet égard, madame la ministre, il serait intéressant que vous nous indiquiez le nombre de cellules et leur ventilation en fonction de leurs tailles et du nombre de places.
Vous avez décidé de mettre un accent particulier sur l'aide juridictionnelle. Il est vrai que réformer le système pour qu'il puisse continuer à jouer son rôle est devenu une nécessité.
L'accès à la justice des plus démunis demeure fondamental et je sais combien vous êtes sensible à cette question. En 2014, après deux ans de gel, les plafonds d'admission à l'aide juridictionnelle ont été revalorisés de 0,8 %. Depuis le 1er janvier dernier, les personnes dont les revenus mensuels sont inférieurs à 937 euros peuvent bénéficier de l'aide juridictionnelle totale. Toutefois, ce plafond ne permet toujours pas à une partie de la population d'être correctement défendue, malgré l'existence de l'aide juridictionnelle partielle.
Votre réforme de l'aide juridictionnelle permettra à près de 100 000 justiciables supplémentaires de bénéficier de l'aide juridictionnelle, grâce à la hausse du plafond de ressources établi désormais à 1 000 euros pour être couverts à 100 %. C'est louable mais il reste à trouver le mode de financement nécessaire à la réforme, question qui suscite, comme nous avons pu le constater ces derniers jours, de fortes oppositions dans l'avocature.
À la suite de la rencontre que vous avez organisée aujourd'hui, nous avons appris par voie de presse que le prélèvement sur les intérêts de fonds placés dans des caisses gérées par les avocats serait abandonné. Il est même question qu'un amendement supprimant ce dispositif soit déposé au Sénat. Qu'en est-il réellement ? Où trouvera-t-on les 15 millions qui devaient être prélevés sur les CARPA ?
Il pouvait apparaître discutable de faire peser le poids du financement de l'aide juridictionnelle sur les épaules des avocats, déjà peu nombreux à s'y consacrer, 7 % d'entre eux réalisant 57 % des missions qui lui sont liées. Les barèmes fixés ne permettent nullement de prendre en considération le temps passé sur une affaire. Une intervention d'avocat en correctionnel est indemnisée 180 euros, quelle que soit la complexité du dossier. Il faut être très motivé, voire militant pour accepter de fournir cette aide.
De plus, comme l'a relevé la mission de modernisation de l'action publique (MAP) dans son rapport de novembre 2013 sur l'évaluation de la gestion de l'aide juridictionnelle, plus de la moitié des dossiers de demande d'aide juridictionnelle déposés par les justiciables sont incomplets. Selon le syndicat des greffiers de France, cette proportion atteint 80 % au bureau d'aide juridictionnelle de Versailles. Les informations complémentaires que vous voudrez bien nous fournir à ce sujet, madame la ministre, nous serons d'une très grande utilité.
Enfin, un rapport d'inspection a révélé que près de 50 000 personnes travaillaient au noir pour l'État, dont 40 500 pour le ministère de la justice : interprètes, experts judiciaires, médiateurs, médecins experts, qui travaillent exclusivement sur réquisition des autorités de police ou des autorités judiciaires. Considérées comme des prestataires, elles n'ont ni bulletin de salaire ni protection sociale et ne sont pas assujetties à la TVA. La Chancellerie a annoncé que la situation, qui dure depuis plus de quinze ans, sera régularisée lors de l'examen du PLF 2017. Savez-vous quelles seront les mesures prévues et les coûts qui en découleront pour l'État ?