Merci, monsieur le rapporteur Ciot, pour votre intervention.
Je me réjouis d'avoir une nouvelle fois l'occasion de m'exprimer sur ces sujets qui nous préoccupent tous, en tant que membres du Gouvernement, en tant qu'élus de la Nation ou en tant que citoyens. Il s'agit en effet de l'expression de la reconnaissance de la Nation à l'égard de celles et de ceux qui se sont engagés pour la défense de notre pays et de ses valeurs.
Avant de répondre aux questions posées par les rapporteurs, je veux revenir brièvement sur ce budget 2016, budget ambitieux qui résulte de choix à la fois politiques et budgétaires.
Ce budget traduit financièrement l'ensemble des priorités que je me suis fixées : consolider les droits des anciens combattants et victimes de guerre, dans un souci de justice sociale et d'équité ; concentrer mon action sur les anciens combattants eux-mêmes et sur le ressortissants de l'ONAC-VG les plus démunis ; travailler de concert avec les représentants des associations – dont je tiens à saluer la présence – qui ont été associés à l'ensemble des groupes de travail, et à qui j'ai présenté le projet de budget dès le lendemain du conseil des ministres ; enfin, maintenir une politique de mémoire volontariste et ambitieuse à la hauteur des enjeux de demain. Ce budget traduit également les engagements pris devant vous, représentants de la Nation, et devant le monde combattant dès mon entrée en fonctions.
Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit un budget total à hauteur de 2,51 milliards d'euros, soit une diminution de 4,9 % par rapport à 2015, strictement liée à la baisse naturelle du nombre de bénéficiaires.
Comme l'a souligné M. Ciot, ce budget préserve et consolide intégralement les droits des anciens combattants en maintenant l'ensemble des dispositifs budgétaires et fiscaux. Mais il va au-delà : il intègre quatre mesures nouvelles qui sont destinées à consolider le droit à réparation, dans un souci de justice sociale et d'équité.
La première mesure est l'extension du bénéfice de la campagne double aux anciens d'Afrique du Nord ayant liquidé leur pension avant 1999 ; 5 500 personnes environ pourront en bénéficier.
Cette mesure d'équité était une revendication très ancienne des associations, à laquelle il était temps de répondre. Ses modalités ont été discutées dans le cadre d'un groupe de travail auquel elles ont participé.
D'aucuns regrettent que l'on n'en ait pas profité pour élargir le droit à la campagne double en se référant, par exemple, à une durée de présence. Outre son coût potentiel très élevé, une telle mesure aurait remis profondément en cause le système actuel des bonifications de pensions, bien au-delà de la seule guerre d'Algérie. Et c'est bien parce que j'ai fait le choix de porter une mesure de stricte équité ne remettant pas en cause le cadre juridique existant, que nous sommes aujourd'hui sur le point de satisfaire une revendication légitime vieille de plus de quinze ans.
La deuxième mesure est l'augmentation de la dotation d'action sociale de l'ONAC-VG. J'ai tenu à ce qu'un effort financier conséquent soit fait en faveur des plus démunis. Aussi, la politique sociale de l'ONAC-VG se trouve renforcée : 2 millions d'euros supplémentaires lui sont dédiés, soit, au total, 26 % d'augmentation depuis 2012.
Cet effort financier accompagne la refonte de la politique d'action sociale de l'ONAC-VG, adoptée par le conseil d'administration de l'Office le 27 mars dernier, et vise à améliorer la situation des plus démunis, des plus fragiles et des plus isolés.
La troisième mesure concerne l'aide aux conjoints survivants de harkis. Les conjoints et ex-conjoints survivants d'anciens membres des formations supplétives touchés par la forclusion des demandes d'allocations de reconnaissance bénéficieront d'un nouveau dispositif d'aide. C'est le témoignage de la poursuite des efforts menés pour exprimer la reconnaissance de la Nation à l'égard des harkis et de leurs familles – reconnaissance et réparation qui trouvent une traduction concrète dans le plan « harkis » annoncé par le Premier ministre, Manuel Valls, il y a un an, et dont j'ai présenté un premier bilan en conseil des ministres le 7 octobre dernier.
La dernière mesure est l'extension du dispositif de réparation en faveur des conjoints survivants des grands invalides de guerre. En effet, leur situation parfois difficile appelle des réponses de notre part. C'est pourquoi le dispositif de majoration spéciale prévu à l'article L. 52-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG) a été revalorisé de 50 points au 1er janvier dernier dans le cadre de la loi de finances pour 2015, puis de 50 points supplémentaires au 1er janvier prochain, soit une augmentation totale de 116 euros nets par mois – à peu près l'équivalent d'un SMIC mensuel par an.
Au terme de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2015, j'ai souhaité maintenir le groupe de travail mis en place quelques mois auparavant, autour duquel une véritable dynamique s'était créée, soucieux là encore d'employer la méthode de la concertation. Ce groupe de travail s'est réuni le 11 mai dernier afin d'identifier les mesures les plus favorables et d'étudier les possibilités de renforcement de la politique de réparation.
Aujourd'hui, le PLF pour 2016 prévoit d'élargir au plus grand nombre de bénéficiaires cette majoration spéciale, destinée à compenser la perte de revenu du conjoint survivant qui a abandonné ou réduit son activité professionnelle en raison des soins prodigués à son conjoint grand invalide avant son décès.
Cette majoration sera appliquée désormais dès cinq ans de soins, avec un lissage de l'effet de seuil, contre dix ans depuis la LFI pour 2015 et quinze ans auparavant. Cette mesure devrait toucher jusqu'à 40 % des veuves des plus grands invalides de guerre selon nos estimations. C'était pour moi une priorité que de faire profiter de ce dispositif un plus grand nombre de bénéficiaires.
Je sais que certains s'interrogent sur le nombre de ces bénéficiaires. Je rappelle donc que la mesure de la LFI pour 2015 augmentant de 100 points la pension des conjoints survivants concerne 892 personnes.
Pour la mesure prévue au PLF pour 2016, en revanche, les bénéficiaires ne peuvent faire l'objet que d'une estimation, en l'absence d'une base de données exhaustive.
Les services du ministère de la défense, en lien avec ceux du ministère des finances, ont réalisé cette estimation sur la base des données les plus fiables à leur disposition, reposant sur une étude du Contrôle général des armées. Ils évaluent ainsi à 1 400 personnes les bénéficiaires potentiels. C'est donc sur la meilleure estimation disponible à ce jour, assise sur une méthodologie solide et partagée au niveau interministériel, que nous avons chiffré la mesure présentée dans le cadre du PLF 2016.
Je sais que certains avaient une autre approche. J'ai privilégié le plus grand nombre et la plus grande justice, dans un contexte budgétaire contraint. C'est une mesure forte, signe de reconnaissance et de réparation à l'égard de cette population.
D'autres dispositifs ont pu être évoqués, notamment un système forfaitaire par paliers qui varierait en fonction du niveau de la pension de l'invalide. Nous aurons sûrement l'occasion d'y revenir.
Je veux toutefois souligner dès à présent que, au-delà de leur coût élevé – plusieurs dizaines de millions d'euros –, les dispositifs de ce type posent un problème de principe : ils aboutissent à ce que de nombreux conjoints survivants se voient attribuer des pensions supérieures à celle d'un grand invalide. Or, l'objet de la pension militaire d'invalidité (PMI) est de réparer un préjudice et non d'assurer un revenu de substitution, de surcroît cumulable avec tous les autres revenus et non soumis à l'impôt.
Enfin, nous avons décidé de consolider l'ambitieuse politique de mémoire engagée ces dernières années, afin de faire face aux défis de l'année mémorielle 2016 et à l'enjeu de la transmission. Aussi les crédits alloués sont-ils globalement stabilisés à 22,2 millions d'euros. L'année 2016 promet d'être une grande année commémorative, notamment avec le centenaire des batailles de Verdun et de la Somme. J'ai mis en place dès mon entrée en fonctions des comités de pilotage afin de préparer ces commémorations, en y associant l'ensemble des partenaires locaux et étrangers. Je souhaite faire du développement du tourisme de mémoire – dont l'enveloppe budgétaire est consolidée à 1,65 million d'euros – un axe fort de la politique de mémoire – la fréquentation des lieux de mémoire a augmenté de 42 % en 2014.
À l'heure où les témoins de la Grande Guerre ont disparu et où ceux de la Seconde Guerre mondiale, particulièrement mis à l'honneur dans toute la France en 2015, disparaissent à leur tour, nous nous devons d'inscrire dans la postérité, donc dans les lieux de mémoire, le souvenir de l'engagement de ces femmes et de ces hommes.
Une enveloppe de 10,64 millions d'euros est prévue en 2016 pour l'entretien, la rénovation et la valorisation culturelle et touristique des nécropoles nationales et des hauts lieux de la mémoire nationale.
Depuis près d'un an, je me suis déplacé sur ces lieux de mémoire : à Oradour, au mont Faron, au Hartmannswillerkopf, à la nécropole de Douaumont, au camp des Milles avec le Président de la République, à Rivesaltes encore la semaine dernière aux côtés du Premier ministre. Autour de cette mémoire de pierre doit se nouer un véritable maillage social et intergénérationnel. Ces lieux sont un vecteur essentiel du lien armée-Nation et de la promotion de l'esprit de défense auprès des plus jeunes.
Je voudrais à présent revenir sur quelques points qui ont été relevés par les rapporteurs.
La Journée Défense et Citoyenneté (JDC) accueillera près de 800 000 jeunes en 2016. Elle doit être l'occasion de développer chez les jeunes, encore à l'aube de leur citoyenneté, une véritable culture de défense. Son budget s'établit à 15,3 millions d'euros pour 2016. La baisse que l'on enregistre par rapport à 2015 s'explique non pas par une diminution des moyens alloués à cette journée, mais par un transfert de crédits vers le programme 212 de la mission « Défense » afin de financer le système d'information PRESAGE. Ce changement de périmètre budgétaire n'a aucune conséquence sur le format ou les moyens consacrés à la JDC.
J'évoque maintenant le maintien du maillage territorial de l'ONAC-VG, dont l'année 2016 marquera le centenaire. C'est l'occasion de rappeler l'importance de l'Office, et le fait que ses services départementaux sont un relais indispensable, dans nos territoires, de la politique de reconnaissance et de réparation, mais aussi de la politique de mémoire. Le contrat d'objectifs et de performances (COP) signé en 2015 traduit ma volonté de garantir ce maillage et permet d'accompagner l'Office dans l'élargissement de ses compétences.
Je pense, bien sûr, à l'accueil de nouveaux publics : après la prise en charge le 1er janvier 2014 des missions, droits et obligations de l'ANIFOM, l'établissement a repris, le 1er janvier 2015, les attributions de la MIR et celles des préfectures. L'ONAC-VG est désormais le guichet unique des harkis et rapatriés, comme en témoigne l'implication forte des services départementaux dans la mise en place du plan « Harkis ».
Je pense aussi aux soldats bénéficiaires depuis le 1er octobre 2015 de la carte du combattant au titre de cent vingt jours de présence sur un théâtre extérieur.
Pour ma part, comme je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, je veillerai à préserver les missions fondamentales de l'Office : l'accompagnement social et matériel, l'écoute et le soutien moral.