C'est la quatrième fois sous ce quinquennat que nous examinons la mission « Immigration, asile et intégration » – deux fois avec vous, monsieur le ministre, deux fois avec votre prédécesseur, Manuel Valls. Lorsqu'on regarde le document budgétaire, il semble que rien n'ait changé : c'est toujours la même structure, les mêmes thèmes, mais, en vérité – Éric Ciotti l'a indiqué avec précision et rigueur –, la situation s'est considérablement dégradée. Les 710 000 arrivées irrégulières dans l'espace Schengen depuis le début de l'année affectent partiellement notre pays, même si c'est moins que l'Allemagne, car nous sommes moins attractifs au niveau économique, compte tenu de la situation financière extrêmement préoccupante dans laquelle nous sommes plongés depuis bientôt quatre ans.
La demande d'asile vers la France augmente de 8 %, dites-vous, entre 2014 et 2015. Contrairement à ce que l'on entend, ce chiffre très préoccupant ne s'explique pas principalement par des arrivées de Syrie et d'Irak, les trois premiers pays d'origine des demandeurs d'asile étant le Soudan, le Kosovo et la République démocratique du Congo. La vérité, c'est que rien n'est maîtrisé.
Sur un plan technique, vous nous avez habitués à sous-budgéter cette mission dans le projet de loi de finances. En 2013, le budget initial prévoyait 670 millions d'euros de crédits alors que l'exécution s'établissait à 705 millions d'euros ; en 2014, les 665 millions d'euros de la loi de finances initiale sont devenus 711 millions en exécution. Je crains que ce projet de loi de finances ne fasse pas exception à la règle. Le rapporteur spécial a lui-même fait part de ses doutes sur la sincérité des crédits qui nous sont présentés en s'inquiétant d'un rebasage insuffisant et d'une diminution apparente des crédits dédiés à l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile.
L'amendement présenté par le Gouvernement ne me semble apporter qu'une correction partielle à cette sous-dotation qui entretient le soupçon d'insincérité de ce budget.
Sur le fond, le groupe Les Républicains a la conviction que vous n'avez pas fixé l'objectif d'intérêt général qui devrait être assumé devant les Français, à savoir une diminution de l'immigration : une diminution organisée et différenciée selon la nature des flux, mais une diminution de l'immigration légale comme illégale. C'est là une différence majeure entre le Gouvernement et l'opposition républicaine.
Enfin, je tiens à souligner l'extrême lenteur du processus de décision européen. Je ne nie pas vos bonnes intentions à l'été 2014 lorsque vous avez porté sur la scène européenne un certain nombre d'orientations. Mais, nous sommes en octobre 2015 et aucun des dossiers n'a avancé.
Vous évoquez la liste des pays d'origine sûrs. Est-elle aujourd'hui dans le droit positif européen ? La réponse est non. J'ai noté que la Commission européenne entend proposer sept pays : le Kosovo, l'Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine, le Monténégro, la Serbie et peut-être la Turquie, mais le processus n'est toujours pas achevé. Cette liste, objet de discussions sempiternelles, reste un voeu pieux.
Certes, le prochain sommet de La Valette peut y contribuer, mais les négociations avec les pays d'origine ont-elles concrètement progressé ? L'opposition républicaine considère qu'il faut en la matière appliquer un principe assez simple : pas d'augmentation du nombre de visas délivrés ni d'aide publique au développement sans effort de maîtrise de l'immigration, dans une logique de donnant-donnant, une logique contractuelle avec les pays d'origine. Nous nous y étions essayés, le ministre de l'intérieur chargé de l'immigration sous le quinquennat précédent avait effectué vingt-deux déplacements dans les pays d'origine, des accords avaient été signés. Ont-ils été appliqués ? D'autres accords ont-ils été signés ? En vérité, ce dossier a été laissé complètement en jachère depuis quatre ans.
S'agissant de l'éloignement, il faut sortir, monsieur le ministre, des fausses polémiques. La réalité est la suivante : vous continuez à éloigner, en partie, mais vous ne vous fixez aucun objectif. J'en veux pour preuve la page 24 du document budgétaire dans laquelle, en guise de prévisions pour 2015 et 2016 du nombre de mesures de reconduite à la frontière, figure un astérisque. L'objectif n'est pas renseigné, il n'est pas assumé. Il manque également une vraie politique opérationnelle de retour groupé à l'échelle européenne. À l'exception d'une ou deux expériences ici ou là, on n'observe pas d'effort européen conjoint, utilisant éventuellement l'agence Frontex, pour organiser des retours groupés vers les pays d'origine, ni pour obtenir les laissez-passer consulaires et ainsi se donner les moyens de diminuer vraiment l'immigration illégale.