Il ne faut pas se méprendre sur les propos de François Hollande et de Manuel Valls. Ce ne sont pas les questions de salaire, de contrat et de durée du travail qu'ils excluent du champ de la négociation collective mais, en matière de salaire, le SMIC, sur lequel il n'est pas question de revenir et, en matière de durée du travail, la durée légale du travail.
C'est un pont aux ânes, mais il ne faut pas confondre durée effective et durée légale du travail. Lorsqu'ils se sont affrontés lors de leur débat télévisé en 2007, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal ont tous deux crié au scandale, le premier prétendant que l'on ne pouvait travailler plus de trente-cinq heures, la seconde rétorquant qu'au contraire on pouvait être contraint de travailler plus. Tous les deux étaient dans l'erreur, et l'on peut fort bien, en France, travailler plus ou moins de trente-cinq heures par semaine, notamment en temps de travail annualisé. Ce que les lois Aubry ont mis en place ce n'est pas l'obligation de faire trente-cinq heures mais un seuil de déclenchement des heures supplémentaires. Et, sur ce point, François Hollande a tranché et décidé que ce seuil ne serait pas renvoyé à la négociation décentralisée, choix que je considère parfaitement légitime.
Reste qu'il existe des entreprises en grande difficulté qui peuvent avoir recours aux accords de maintien dans l'emploi. Travailler plus à salaire constant n'a rien de scandaleux dès lors que cela est motivé par de graves difficultés – lesquelles doivent être détaillées aux organisations de salariés – et dès lors surtout que cette augmentation du temps de travail est assortie de contreparties négociées, en termes de garantie de l'emploi, de gestion des mobilités ou de formation. Mais ce type d'accord ne doit en aucun cas être généralisé. En finir avec la durée légale du travail reviendrait à travailler plus sans gagner davantage, et c'est une des raisons pour lesquelles Nicolas Sarkozy n'a pas touché aux trente-cinq heures : pour pousser les gens à effectuer des heures supplémentaires, il faut un compteur et un seuil au-delà duquel les comptabiliser.
Il en va de même pour le contrat de travail : ce qu'exclut le Président de la République, c'est de revenir sur le fait que le CDI est le contrat de droit commun pour lui substituer un contrat de travail unique.
Ces points précis mis à part, de multiples enjeux peuvent relever de la négociation collective et de ce que Jean-Denis Combrexelle a désigné comme les accords ACTES.
En ce qui concerne une fois encore le principe de faveur, des syndicats comme FO ou la CGT rêvent d'y revenir. Mais le principe de faveur ne peut être la règle générale. Nous avons besoin de souplesse, et systématiser ce principe nuirait à la compétitivité de notre économie.
Vous m'avez également interrogé sur les nouvelles formes d'activité. Le statut d'auto-entrepreneur a été créé par une loi qui n'a pas fait l'objet d'une concertation préalable avec les organisations patronales et syndicales. Il me paraît nécessaire de définir un cadre de négociations concernant la protection sociale dont peuvent bénéficier ces travailleurs. Le problème ne se pose pas lorsque l'activité de l'entrepreneur ne constitue qu'un complément de revenu mais il est réel pour ceux dont c'est la source de revenus principale, voire unique. La négociation et les parlementaires ont tout leur rôle à jouer dans ce domaine.
À la question de savoir si le paritarisme est plus efficace que le tripartisme ou le quadripartisme, ma réponse est que cela dépend des sujets. En ce qui concerne par exemple le pacte de compétitivité et le CICE, si le diagnostic posé par le Gouvernement était bon au sujet du manque de compétitivité de notre économie – équilibrée en 2002, notre balance commerciale accuse aujourd'hui un déficit de 70 milliards d'euros, soit 3,5 points de PIB –, il aurait été plus pertinent et plus efficace d'avoir recours à la négociation pour mettre en oeuvre les importants dispositifs d'aides aux entreprises – 40 milliards d'euros. Comme cela se pratique en Irlande ou en Italie, il aurait fallu que le Gouvernement signe avec le patronat et les syndicats un accord tripartite conditionnant l'octroi des aides à la signature d'accords d'entreprise, lesquels auraient permis la négociation de contreparties claires, en termes de plan de charge, d'investissement, de formation et d'emploi, adaptées à la situation de chaque entreprise. Cela aurait renforcé l'efficacité du dispositif car, lorsque les aides sont conditionnées à des accords, les employeurs jouent le jeu – les lois Aubry en sont un bon exemple.