Intervention de Sandrine Doucet

Réunion du 18 décembre 2012 à 16h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Doucet, rapporteure :

Je vous remercie, madame la ministre, pour l'éclairage que vous venez d'apporter sur cette proposition de loi. C'est une belle démonstration de cohérence politique dans un souci de justice sociale.

Le Président François Hollande avait fait de la jeunesse la pierre angulaire de son programme, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a placé la justice sociale au coeur de son action et le ministre de l'éducation nationale Vincent Peillon a fait du pacte républicain le fer de lance de sa politique. Vous venez de faire la synthèse de ces principes, en articulant la réussite scolaire autour de l'intérêt de l'élève et en garantissant ce qui est une condition première de cette réussite : le soutien à l'assiduité, qui fait souvent défaut aux plus fragiles en raison d'un cadre familial précaire et pauvre.

Le gouvernement propose également un calendrier cohérent, qui fixe des rendez-vous à la nation dans l'immense et indispensable projet de refondation de l'école : création de 1 000 postes dans le primaire ; adoption au Sénat, le 25 octobre, de la proposition de loi de Mme Françoise Cartron ; annonce, le 4 décembre, d'un plan contre le décrochage scolaire ; retour à une carte scolaire plus contrôlée ; mise en débat, dans quelques semaines, du projet de loi pour la refondation de l'école. Tous ces éléments marquent incontestablement une volonté politique.

La proposition de loi tendant à abroger la loi du 28 septembre 2010, dite « loi Ciotti », s'inscrit dans ce processus de retour à la justice sociale qui passe par l'école. Elle rompt avec une vision assimilant la jeunesse à une source de problèmes nécessitant sanction.

Lorsque M. Nicolas Sarkozy, alors en perte de vitesse, annonce en 2010 qu'il veut faire de la suppression des allocations familiales un moyen de lutte contre l'absentéisme, M. Éric Ciotti reprend à son compte cette conception répressive d'un phénomène scolaire. L'école est vue comme un creuset de la délinquance, les jeunes et leurs familles deviennent objets de proscription. L'amalgame entre absentéisme et délinquance est ainsi acté.

Comme Mme Françoise Cartron, vous avez énuméré les éléments qui disqualifient une telle loi. La sénatrice dénonce un dispositif « inadapté, injuste et inefficace » et déplore le manque d'ambition du projet scolaire du précédent gouvernement. Celui-ci n'a pas su apporter des réponses efficaces et justes aux problématiques multiples et complexes qui sont à l'origine d'un décrochage scolaire très souvent lié à un absentéisme lourd et récurrent.

Vous l'avez indiqué, 77 % des élèves dont les familles ont été frappées par la suspension des allocations ne sont pas revenus à l'école. Ces centaines d'élèves ont grossi les rangs déjà trop nombreux des 20 000 décrocheurs annuels et des 150 000 jeunes qui sortent du système scolaire sans diplôme chaque année. Ce sont les établissements situés en zone d'éducation prioritaire, en particulier les lycées professionnels, qui sont le plus touchés par ce phénomène.

Revenir sur cette loi, c'est non seulement lutter contre l'injustice et repenser l'école en termes d'égalité, mais c'est aussi créer un cercle vertueux autour de l'élève en difficulté en concentrant autour de lui l'essentiel des efforts et des moyens, et non pas en remettant entre les mains des directeurs des caisses d'allocations familiales le devenir de son cadre familial. C'est également une façon de lutter contre la pauvreté.

Revenir sur cette loi, c'est également élargir notre horizon et penser notre avenir. Paradoxalement, au moment où la « loi Ciotti » était mise en application, l'Europe plaidait d'autres méthodes en matière d'échec scolaire. Dans sa communication au Parlement et au Conseil européens du 31 janvier 2011, la Commission européenne met en avant des mesures d'intervention centrées sur l'ensemble de l'école et visant à améliorer le climat scolaire et à créer un environnement d'apprentissage favorable à l'éducation. La Commission préconise la mise en place de systèmes d'alerte rapide, une meilleure coopération avec les familles, une meilleure orientation et un soutien financier.

On jugera à l'aune de ces principes tout à la fois le décalage du dispositif « Ciotti » et l'ambition de réussite que vous portez, madame la ministre, dans le cadre d'un projet européen fondé sur la concertation et l'innovation pédagogique.

La communication de la Commission européenne recensait les expériences menées dans de nombreux pays que l'on retrouve, comme par hasard, mieux placées que le nôtre dans les évaluations internationales. Il existe certes quelques expériences en France, mais elles ont subi ces dernières années les effets de la suppression des moyens de l'éducation.

En attendant une réflexion approfondie sur l'absentéisme et, plus généralement, sur l'école et ses missions, la présente proposition de loi vise à abroger le contrat de responsabilité parentale, qui est vidé de son sens, et les dispositions relatives à la suspension des allocations. Nous voulons nous placer à l'avant-garde du destin européen, et la République est pour nous le cadre et le garant de la justice par l'éducation.

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