Dans le temps qui m'est imparti, je me bornerai à vous livrer quelques remarques que m'inspire le rapport pour avis de notre collègue Michel Françaix sur les aides à la presse.
Je tiens tout d'abord à remercier le rapporteur pour la qualité de son travail ; il nous fournit des clés de compréhension tout à fait essentielles sur la situation de la presse, sujet à la fois passionnant et complexe, qu'il maîtrise parfaitement.
Dans un contexte de réformes engagées depuis plusieurs années dans un secteur qui vit une profonde mutation, il était tout à fait opportun de dresser, comme il l'a fait, un premier bilan des évolutions récentes et de formuler des propositions pour les années à venir.
À cet égard, on peut remarquer la pertinence des recommandations contenues dans le rapport et se réjouir de l'annonce récente faite par la ministre de la culture et de la communication quant à la création d'une nouvelle catégorie de presse, afin de mieux cibler les aides postales. Comme le suppute notre rapporteur, il sera probablement délicat de la délimiter.
Depuis l'origine, le soutien public à la presse et à l'information trouve sa justification dans l'exigence de liberté et de garantie du pluralisme. Ces aides s'articulent autour de trois axes : la diffusion, le pluralisme et la modernisation. Ce dernier volet comprend le fonds stratégique qui intervient pour l'aide au développement de la presse numérique.
Comme l'indiquait notre collègue Jean-Noël Carpentier dans son rapport pour avis l'an dernier, le numérique est avant tout une chance pour la démocratie, mais son arrivée a fait bouger les lignes. Les nouveaux moyens d'accès à l'information et la révolution des technologies obligent toute la chaîne de la presse papier, de l'impression à la diffusion en passant par la distribution, à se réinventer pour ne pas disparaître.
Cependant, notre collègue Michel Françaix relève dans son rapport que les soutiens existants semblent insuffisants pour le secteur des médias émergents. Un rapport de Jean-Marie Charon, remis à la ministre de la culture et de la communication en juin 2015, s'en fait l'écho. Rappelons néanmoins que l'époque où la presse d'information citoyenne en ligne était pénalisée par rapport à la presse papier par un taux de TVA de 19,6 % est révolue : comme la presse écrite, elle bénéficie du taux de TVA super réduit de 2,1 % depuis février 2014, à la suite de l'adoption, à l'unanimité de l'Assemblée nationale, d'une proposition de loi portée par le président de notre commission et par le rapporteur pour avis.
Si le développement du numérique représente un enjeu majeur, nous devons veiller à ce qu'il ne se fasse pas au détriment de la qualité éditoriale. L'économiste Julia Cagé, que le rapporteur a auditionnée, remarque que les grands titres ont progressivement remplacé les journalistes d'investigation par des journalistes postés devant leurs écrans lorsque la presse en ligne a émergé. Cette substitution a parfois affecté la qualité du titre, papier et numérique. Or la presse d'information, quel que soit son support, ne survivra qu'en faisant le pari de la qualité.
La vigilance s'impose aussi en ce qui concerne la liberté d'expression des journalistes. Si certains repreneurs interviennent parce qu'ils sont convaincus de la nécessité de soutenir la presse pour défendre la pluralité de l'information, tous n'affichent pas cette même volonté. On peut redouter les conséquences de certains rachats sur le pluralisme ou même sur l'indépendance des journalistes vis-à-vis du propriétaire du journal. L'exemple récent de la reprise de Canal + peut légitimement nous alerter.
Certains financiers ou grands partons, qui ont fait fortune dans d'autres secteurs, semblent plutôt s'inscrire dans des stratégies personnelles ou purement financières lorsqu'ils achètent des journaux. La création du fonds d'investissement, baptisé Media One et destiné à racheter des médias, en est une illustration flagrante. Or, on est en droit de se demander si le pluralisme de la presse et des idées peut perdurer dans un pays où quelques financiers possèdent la plupart des médias.
Cette situation suscite des questions sur la qualité de l'information, la pertinence des aides publiques, la liberté des journalistes et le pluralisme. C'est pourquoi nous ne pouvons que suivre le rapporteur lorsqu'il suggère, pour l'application de la conditionnalité des aides, la mise en place de critères relatifs à la déontologie et à l'emploi de journalistes.