On parle souvent de la crise : dans le domaine de la presse papier, elle existe bel et bien, qu'il s'agisse d'une baisse des recettes publicitaires de 9 ou 10 %, ou encore de la baisse de la distribution de 7 à 8 %, voire de 10 à 12 % chez les kiosquiers… C'est dans ce cadre que nous essayons de trouver des solutions d'avenir, et c'est plus difficile quand un domaine est en crise.
Vous êtes tous d'accord pour accompagner la transition et éviter la rupture, et vous demandez que l'on aille plus vite. Or il n'est pas facile d'aller plus vite.
Si nous souhaitons classifier les différentes formes de presse, par exemple, c'est parce que la presse de loisir, même si elle est tout à fait respectable, a moins de raisons d'être aidée par le citoyen qu'une presse plus citoyenne. Or La Poste nous indique que, si elle ne reçoit plus d'argent de l'État, les prix doivent augmenter de 70 % dans les sept ou huit ans ; cela signifie qu'un journal sur deux dans la catégorie des loisirs risque d'être supprimé. Si, donc, il serait décevant de ne pas distinguer différents types de presse, il est également compliqué de prévoir tout d'un coup que certains ne seront plus aidés, car cela conduira à la suppression de nombreux emplois.
J'ai souligné le fait que je suis favorable aux aides conditionnelles. Mais je pense que les concentrations sont obligatoires, à défaut de quoi ce sont des concentrations à l'international qui domineront. Toutefois, s'il faut que nos groupes de presse soient plus puissants, nous pouvons conditionner l'aide publique au respect du pluralisme. Le pluralisme n'est pas forcément opposé à la concentration. Je préférerais qu'il n'y ait pas besoin de concentrations, que nous vivions dans un monde formidable où chacun pourrait sortir son journal du jour au lendemain. Je fais partie de ceux qui ont cru, en 1981, aux radios locales : nous avons bien vu que les Nostalgie, les NRJ et les autres ont été rachetées au bout de quatre ou cinq ans. Il faut permettre à certains petits journaux de vivre selon des modèles différentes, mais la concentration est obligatoire.
Les plus aidés, c'est vrai, sont ceux qui en ont le moins besoin. Le Figaro, Le Monde, Libération, et tous les titres rachetés par de gros patrons de presse, pourraient se passer des aides, mais nous ne pouvons pas dire d'un seul coup qu'ils ne recevront plus d'aides parce que tout va bien pour eux. C'est un fait : une partie de l'argent public ne va pas là où ce serait souhaitable.
Enfin, comment ferons-nous pour différencier la presse de loisir et la presse du savoir ? Ce n'est pas la question la plus simple qui m'ait été posée. Il faudra peut-être modifier la commission paritaire des publications et agences de presse. J'attends du Gouvernement qu'il nous présente, la semaine prochaine, les décrets d'application définissant précisément une presse du savoir et une presse de loisir. Il ne faut pas que la commission paritaire mette trois ans à décider.
Je pense que nous récupérerons un peu d'argent pour l'innovation, pour l'IPG, pour de nouveaux journaux papiers et le numérique, mais ce sera le quart de ce que nous pourrions avoir si l'argent donné à La Poste n'allait pas à la presse de loisir. Le sujet n'est pas simple, et je vous remercie, les uns et les autres, d'avoir loué ma persévérance.