Intervention de Ségolène Neuville

Réunion du 28 octobre 2015 à 9h00
Commission élargie : finances - affaires sociales

Ségolène Neuville, secrétaire d'état chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion :

Le Gouvernement fait de la solidarité une priorité, et c'est pourquoi l'examen des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » de cette matinée revêt une importance particulière.

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » fait partie des missions du budget de l'État qui connaissent l'augmentation la plus dynamique. Cette évolution résulte notamment du transfert des ressources affectées à la prime pour l'emploi (PPE) dans le cadre de la création de la prime d'activité. À périmètre constant, les crédits de la mission sont entièrement préservés, soit plus 0,07 % entre 2015 et 2016. Il s'agit donc d'une stabilisation au sein d'un budget général de l'État en baisse qui traduit la volonté du Gouvernement de défendre les dépenses de solidarité, car nous savons que le contexte économique est difficile pour les personnes les plus vulnérables.

Madame Pane, vous avez rappelé l'importance de la réforme du financement des mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Cette évolution est une très bonne nouvelle puisqu'au-delà de la simplification qu'elle apporte, nous maîtriserons mieux l'évolution des crédits. Si nous constations des impasses de financement, nous ouvrirons des crédits complémentaires en fin de gestion. Je sais que cela fera plaisir à M. le rapporteur spécial.

Vous m'avez interrogée sur l'avenir de la mesure d'accompagnement social personnalisé (MASP) instituée par la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, qui n'a pas connu le succès attendu. La MASP est financée par les départements, la mesure d'accompagnement judiciaire (MAJ) par l'État ; elles peuvent constituer une alternative à la protection juridique pour les personnes en difficulté sociale. Une évaluation de ces dispositifs est envisagée d'ici la fin de l'année avec le ministère de la justice et l'Assemblée des départements de France (ADF), dont la participation sera déterminante puisque la mise en oeuvre des MASP relève de leur compétence.

Vous m'avez également interpellée au sujet du consentement de la personne à protéger ; le Gouvernement s'attache à améliorer la protection juridique des majeurs, notamment sur cette question. Plusieurs dispositions, portées par Mme Laurence Rossignol, ont ainsi été introduites dans le projet de loi d'adaptation de la société au vieillissement, comme l'extension du document individuel de protection aux mandataires personnes physiques ou l'articulation entre désignation d'une personne de confiance et mesure de protection juridique des majeurs.

S'agissant de la durée des mesures de tutelles, la loi du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit permet effectivement au juge des tutelles de déterminer une durée supérieure à cinq ans, sans pouvoir dépasser dix ans, mais cette décision doit être spécialement motivée et recueillir l'avis conforme d'un médecin inscrit sur une liste établie par le procureur de la République. Il s'agit de situations où il est constaté que l'altération des facultés personnelles de la personne concernée n'est manifestement pas susceptible de connaître une amélioration. Cette mesure ne remet pas en cause le consentement de la personne. Bien au contraire, elle vise à moduler le caractère automatique de la révision quinquennale qui, en l'absence d'évolution prévisible de la situation de la personne protégée, est souvent mal vécue par les familles.

Vous m'interrogez enfin sur l'augmentation du nombre de mesures de protection des majeurs qui sont ordonnées par les juges des tutelles. Les dispositions de la loi du 5 mars 2007, qui visent à rendre effectif le principe de subsidiarité des mesures de protection juridique, ont produit leur effet : le nombre de décisions a progressé de 2,5 % par an entre 2011 et 2014, contre 7 % à 8 % au cours de chacune des années précédant la réforme.

La loi de 2007 a mis en place des schémas régionaux de la protection juridique, opposables pour la délivrance des habilitations à exercer des mandataires judiciaires. Ces schémas viennent d'être révisés. Ils permettront, sur le fondement d'une évaluation des besoins, d'établir les perspectives pour les 5 années à venir en matière d'offre afin de prendre en charge, de manière prévisionnelle, l'augmentation du nombre de mesures de protection des majeurs.

J'en viens au programme 157 « Handicap et dépendance ». Monsieur le rapporteur, vous m'interrogez sur le mode d'évaluation des ressources pour les minima sociaux et plus particulièrement sur l'allocation d'adulte handicapé (AAH). L'AAH est un minimum social, c'est aussi une allocation différentielle tenant compte des ressources des personnes, et, pour le moment, il existe des règles de cumul déterminées par un arrêté de 2010, qui prennent en compte les revenus du travail, mais aussi les revenus du patrimoine dit imposable. Ainsi, par exemple, une résidence secondaire ou une épargne de 50 000 euros sur un compte assurance vie ne sont pas prises en compte dans le calcul de l'AAH.

Ce qui est prévu par le budget 2016, c'est l'intégration dans la base ressources de l'ensemble des revenus du capital, y compris donc, ceux qui ne sont pas imposables aujourd'hui. Il s'agit simplement d'aligner cette allocation sur les autres minima sociaux, à savoir le revenu de solidarité active et l'ASPA.

J'ai bien entendu vos inquiétudes : il ne s'agit bien entendu pas de supprimer, par principe, l'AAH aux personnes qui ont du capital, seuls sont pris en compte les revenus du capital. Il ne s'agit pas non plus de pénaliser quelqu'un qui aurait quelques centaines d'euros sur son livret A. En ce qui concerne les prestations annexes auxquels les intéressés ont éventuellement droit lorsqu'ils sont bénéficiaires de l'AAH à taux plein, nous restons vigilants car nous ne souhaitons pas que, pour quelques euros supplémentaires, quelqu'un puisse perdre un complément de ressources ; nous effectuerons un lissage afin de parer à cet effet de seuil.

Concernant les ESAT, la grande nouveauté de ce budget réside dans leur transfert au sein du budget financé par l'objectif national des dépenses maladie (ONDAM), alors qu'ils rassortissaient à celui de l'État. Ce transfert répond à une attente exprimée par les handicapés et leurs familles mais aussi par les gestionnaires d'établissements : la gestion du parcours des intéressés sera facilitée puisque ce sont souvent les mêmes personnes qui administrent les ESAT et les autres types de structures. Pour cette intégration au sein d'un budget unique, les négociations auront lieu dans le cadre de contrats pluriannuels d'objectif et de moyens facilitant le passage des personnes d'un établissement à l'autre, particulièrement lorsqu'elles vieillissent.

Les personnes handicapées voient leur espérance de vie augmenter comme l'ensemble de la population. Les personnes âgées handicapées de moins de 60 ans peuvent être admises en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ; en revanche, elles ne peuvent pas bénéficier de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) pour couvrir les frais relatifs au tarif dépendance de l'établissement. Toutefois, de nombreux EHPAD développent des projets d'établissements adaptés à cette problématique en se fondant notamment sur des partenariats avec le secteur du handicap.

Mais l'EHPAD est loin d'être la seule réponse à proposer aux personnes handicapées vieillissantes, beaucoup d'initiatives sont prises sur l'ensemble du territoire national, elles sont soutenues par les agences régionales de santé (ARS), à qui j'ai prévu de demander de faire un point sur les différents modèles de structures existants : s'agit-il d'unités destinées aux personnes handicapées vieillissantes au sein d'établissements d'accueil pour personnes handicapées, ou d'accueil de personnes handicapées vieillissantes au sein de structures pour personnes âgées ? En effet, en fonction du type d'établissement, le mode de financement est différent, ce qui est sans conséquences pour l'ONDAM, mais importe grandement aux intéressés ; j'attends cet état des lieux au printemps prochain car une circulaire budgétaire sera alors publiée afin de donner des instructions aux ARS et diffuser les bonnes pratiques.

S'agissant de la question de la barrière d'âge pour la perception de la prestation de compensation du handicap (PCH), nous sommes en train de constituer, Marisol Touraine et moi, un groupe de travail rassemblant l'ensemble des acteurs concernés, parmi lesquels, bien entendu, les départements. Le service de la PCH n'est pas uniforme sur l'ensemble du territoire, c'est pourquoi nous souhaitons harmoniser les critères d'attribution, parmi lesquels figure celui de l'âge.

En ce qui concerne la situation des bénéficiaires de l'AAH âgés de plus de 62 ans accueillis dans des établissements en Belgique ; la perception des minima sociaux, qu'il s'agisse de l'AAH ou de l'ASPA, est réservée aux personnes qui séjournent, en situation régulière, sur le territoire national. En principe, il s'agit de prestations de solidarité devant respecter ces conditions de résidence. Toutefois, l'examen de la réglementation en vigueur monte qu'il résulte des dispositions de l'article R. 816-3 du code de la sécurité sociale que le critère de résidence en France peut être rempli par les personnes handicapées venant de France et accueillies au titre de leur handicap en Belgique. Cela dépend, en fait, du lieu de résidence fiscale ; cette analyse doit être approfondie afin de lever toute ambiguïté.

Monsieur Cordery, vous m'avez interrogée sur les plateformes coopératives de services territorialisés, cette question a été évoquée lors de l'examen du projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement. Les expertises juridiques ont confirmé que ce dispositif s'apparente davantage à un mode de coopération ou de mutualisation de services. Les outils de coopération existent déjà et répondent aux objectifs prévus par ces plateformes et c'est pour cela que nous pouvons apporter des réponses appropriées dans le cadre législatif et réglementaire existant.

Monsieur Charroux, vous avez évoqué une insuffisance de crédits pour le financement de l'AAH. Cette allocation est financée par le budget de l'État à hauteur de 8,5 milliards d'euros. Il est prévu de stabiliser la dépense en 2016 par plusieurs mesures, dont la prise en compte de la totalité des revenus du patrimoine, que j'ai déjà mentionnée, et l'harmonisation des critères d'attribution entre les divers territoires, mesures qui devraient aboutir à une meilleure maîtrise de la dépense.

La loi de 2005 a permis la prise en compte de nouveaux handicaps, notamment le handicap psychique, ce qui a augmenté très nettement les dépenses d'AAH jusqu'en 2013 environ ; depuis, la situation est stabilisée et la hausse du nombre de nouvelles demandes est beaucoup moins importante. La dynamique de l'AAH est moins sensible au vieillissement des personnes handicapées que celle d'autres prestations, particulièrement en ce qui concerne l'AAH 2, perçue par les personnes dont le taux d'invalidité se situe entre 50 % et 79 %, et qui n'est plus servie au-delà de l'âge légal de départ à la retraite. Seule l'AAH 1 continue d'être servie, et le rapport est de 60 % pour l'AAH 1 contre 40 % pour l'AAH 2 ; ainsi, le vieillissement de la population est sans effet dynamique sur l'allocation, c'est même plutôt l'inverse, puisqu'elle est remplacée par l'ASPA à partir de 62 ans.

Le coût du dispositif de la prime d'activité sera de l'ordre de 4 milliards d'euros, ce qui représente le montant du coût de la prime pour l'emploi (PPE) et du RSA-activité en 2014, à raison de 2,2 milliards pour la première et de 1,8 milliard pour le second. À ce titre, 3,95 milliards ont été inscrits au budget. Ce que vous n'avez pas dit, monsieur Charroux, c'est que, depuis 2008, le barème de la PPE est gelé, de sorte qu'année après année l'enveloppe globale a diminuée. Sans réforme, l'enveloppe totale aurait été tout juste supérieure à 3,5 milliards d'euros en 2016. En y consacrant 3,95 milliards d'euros, nous lui redonnons une dynamique.

Cette enveloppe est conforme aux annonces faites dans la loi, fondées sur l'hypothèse d'un taux de recours de 50 %, qui, bien entendu, ne sera pas atteint dès le 1er janvier prochain. Le ministère lancera un programme de communication afin de faire connaître la prime à l'activité ; un simulateur sera disponible sur les sites internet des caisses d'allocations familiales afin que les intéressés puissent savoir s'ils sont éligibles à la prestation, et, le cas échéant, à quel taux. Totalement dématérialisée pour ceux qui le souhaitent, la procédure sera plus simple. Il y aura, par ailleurs, beaucoup moins d'indus, ce qui était le cas du RSA-activité, car le changement de situation devait être déclaré chaque mois, pour la prime d'activité, cette déclaration sera trimestrielle.

Vous m'interrogez sur le financement du RSA, et notamment sur le report de charges du Fonds national des solidarités actives, dont le montant initial, qui s'élevait à 143,5 millions en 2013, a pu être ramené à 96 millions en 2014. Le rétablissement de l'équilibre financier du FNSA en 2015 constitue une priorité de gestion qui nécessitera la levée intégrale de la réserve de précaution ainsi qu'une ouverture de crédits complémentaires en collectif budgétaire.

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