Intervention de Ségolène Neuville

Réunion du 28 octobre 2015 à 9h00
Commission élargie : finances - affaires sociales

Ségolène Neuville, secrétaire d'état chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion :

Vous avez été nombreux à évoquer le financement du RSA, osant même des comparaisons avec celui de l'AAH. Disons-le tout net : ce gouvernement ne souhaite pas établir de concurrence entre les minima sociaux. Sous la majorité précédente, l'AAH a été revalorisée de 25 %, et c'est heureux ; nous avons, de notre côté, considéré qu'il fallait revaloriser non seulement le RSA, mais aussi le complément familial et l'allocation de soutien familial. Ces prestations destinées aux familles nombreuses ou monoparentales s'intègrent au plan de lutte contre la pauvreté, lancé par Marie-Arlette Carlotti, dont les effets commencent aujourd'hui à se faire sentir.

Nombre de parlementaires – dont les mandats dans des conseils départementaux expliquent probablement l'implication – ont également abordé la question de la recentralisation du RSA. Les travaux menés par le Gouvernement avec l'ADF ont permis d'aboutir à un diagnostic partagé de la situation. Les dépenses du RSA étant très dynamiques, le Gouvernement s'est engagé à débloquer un fonds d'urgence pour tous les départements en difficulté en 2015. La question de la recentralisation doit s'inscrire dans un débat plus global, celui de la politique de la solidarité et de la gestion des minima sociaux dans notre pays. Toute réflexion sur le sujet doit également prendre en compte le fait que le transfert vers l'État des recettes dynamiques pourrait également handicaper les départements. De plus, en cas de recentralisation du RSA, comment s'effectuerait le pilotage des politiques de solidarité et en particulier d'insertion ? Une mission parlementaire sur le sujet démarrera début 2016 afin de répondre à l'ensemble de ces questions.

Plusieurs d'entre vous se demandaient comment la prime d'activité allait être connue des bénéficiaires. Un kit de communication est prévu à la fois sous forme dématérialisée et sous forme papier ; des courriers et des courriels ciblés seront envoyés aux bénéficiaires des dispositifs précédents. Les CAF et les partenaires associatifs participeront à cet effort de communication.

Quels seront les gagnants et les perdants de cette réforme ? Quelque 1,25 million de ménages bénéficieront d'environ 100 euros de plus par mois. Pour les 800 000 autres bénéficiaires, la réforme sera de faible impact. Mais il y aura également des perdants : d'une part, 300 000 ménages de concubins qui n'étaient pas imposés ensemble – l'un des conjoints pouvait donc recevoir la prime pour l'emploi (PPE) alors que le foyer avait des revenus élevés – et d'autre part, environ 400 000 ménages qui pâtiront de la différence des modes de calcul entre la PPE et la prime d'activité. En effet, la PPE était annuelle et prenait en compte les revenus de l'année précédente, alors que la prime d'activité se fondera sur les revenus trimestriels. Ainsi, une personne qui avait des revenus élevés pendant seulement une partie de l'année pouvait bénéficier de la PPE, mais ne touchera pas la prime d'activité. Au total, la prime d'activité est plus réactive et plus proche de la réalité des revenus. De plus, les quelque 130 000 personnes qui travaillent en ESAT y seront éligibles puisqu'elle concerne les salaires situés entre 0,5 et une fois le SMIC. Enfin, la prime d'activité est cumulable avec l'AAH.

S'agissant de l'AAH, monsieur Cordery, l'épargne handicap ne figurera plus parmi les revenus du patrimoine pris en compte dans le calcul de l'allocation. En effet, ce dispositif, qui permet aux proches d'une personne handicapée d'assurer à celle-ci une sécurité une fois qu'ils ne seront plus là, ne doit pas être confondu avec une assurance vie.

Vous avez également été nombreux à m'interroger sur les personnes handicapées qui partent en Belgique et le nombre des places dans les établissements français. Tout d'abord, madame Le Callennec, l'ONDAM ne diminue pas, mais augmente de 1,75 %. La hausse de l'ONDAM médico-social est supérieure encore : 1,9 %. Nous continuons donc d'ouvrir des places, à hauteur d'un peu plus de 4 000 par an. Cependant l'emploi des personnes handicapées passe non seulement par la modernisation des ESAT, mais encore par le développement du travail en milieu ordinaire. Nous travaillons donc avec le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) et l'Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées (AGEFIPH)pour instaurer de nouvelles prestations d'accompagnement.

Malgré l'augmentation du nombre global des places, il reste toujours des personnes en situation critique, « sans solution ». Ma prédécesseure, Marie-Arlette Carlotti, avait commencé à agir pour leur venir en aide : une circulaire prise en novembre 2013 pour la résolution des situations critiques, puis le rapport de Denis Piveteau, « Zéro sans solution » – que je suis chargée de mettre en oeuvre –, représentent les premier pas de ce travail. Les parlementaires y participent également : un amendement au projet de loi de modernisation de notre système de santé, voté par le Sénat, reprend ainsi une proposition de ce rapport : modifier les procédures pour permettre de faire face à toutes ces situations critiques. En effet, si la question des places est centrale, il ne faut pas négliger celle de l'organisation globale. À partir du 10 novembre, une expérimentation va démarrer dans une vingtaine de départements.

Cette démarche est complémentaire des annonces relatives au fonds d'amorçage destiné à lutter contre les départs forcés en Belgique. En effet, les gens partent généralement parce qu'ils ne trouvent pas de solutions dans leur département : non parce qu'il y manque forcément des places, mais parce qu'il y manque des places adaptées à leur situation. Il s'agit souvent de personnes porteuses de handicaps particulièrement lourds, qui présentent des troubles du comportement.

Ce fonds de 15 millions d'euros, qui a été critiqué par certains d'entre vous, n'est – son nom l'indique – qu'un fonds d'amorçage, et il importe de connaître les chiffres globaux. Chaque année, l'assurance maladie finance des places en établissements non conventionnés en Belgique, pour un montant de 82 millions d'euros ; elle verse également, via la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), 70 000 d'euros aux établissements conventionnés. Le nombre des conventions n'augmentera plus, mais ces mesures ne remettent pas en cause l'accord franco-wallon ; en effet, l'objectif n'est pas de faire revenir en France les personnes qui sont déjà installées en Belgique, mais de couper le flux des départs non désirés.

Quant à la somme de 15 millions d'euros, elle correspond au fait qu'entre 2013 et 2014 le montant versé aux établissements belges conventionnés est passé d'environ 56 à 80 millions d'euros, soit une augmentation de 24 millions. Elle concerne aussi bien les départements que l'assurance maladie, qui cofinancent les établissements d'adultes. Quelques départements ont déjà émis le souhait de travailler avec nous dans ce domaine ; je voudrais qu'ils s'y décident tous. En effet, ce fonds d'amorçage, déjà disponible, devrait permettre de commencer à créer des solutions sur mesure : à la suite d'une alerte, la personne handicapée sera orientée et l'assurance maladie contactera l'ARS et la MDPH concernées pour construire une réponse adaptée dans son département. C'est la première fois qu'est prise une mesure de cette ampleur, alors que les départs en Belgique durent depuis des années. Quelle que soit votre affiliation politique, je vous demande donc de soutenir cette décision du Gouvernement.

En 2015, le budget des MDPH augmente de 4 millions d'euros ; une augmentation est également est prévue pour 2016, pour accompagner les modifications des pratiques exigées dans le rapport Piveteau. Un gros travail de simplification administrative est également engagé avec l'association des directeurs de MDPH ; c'est dans ce cadre que nous avons allongé la durée de l'AAH au-delà de deux ans et étendu à six mois la durée de validité des certificats médicaux, qu'il fallait auparavant renouveler tous les trois mois. La dématérialisation des démarches entre les CAF et les MDPH fait également partie des mesures de simplification administrative qui doivent aider les MDPH dans leur charge.

Monsieur Charroux, vous m'avez interrogée sur le budget spécifique du ministère, le réseau des services départementaux et régionaux « Jeunesse, sport et cohésion sociale » et l'impact de la réforme territoriale. Les directions régionales seront alignées sur la nouvelle carte des régions et fusionnées avec les directions départementales du chef-lieu. Les ressources humaines ainsi dégagées pourront être redéployées en renfort des effectifs départementaux, au plus près du terrain. Quant au budget spécifique, hors variation du périmètre, il augmente de 2,4 %.

Enfin, s'agissant de l'aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d'origine – domaine dans lequel nous sommes extrêmement engagés –, le décret a enfin été publié il y a un mois et entrera en vigueur au 1er janvier 2016. Dans le budget annuel du programme 304, 60 millions d'euros seront ainsi consacrés à cette prestation. On peut tous se féliciter de cette avancée qui vient conclure un long travail et réparer une injustice envers toutes ces personnes qui ont travaillé toute leur vie en France.

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