Intervention de Sylvia Pinel

Réunion du 28 octobre 2015 à 16:
Commission élargie : finances - affaires sociales

Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité :

C'est avec plaisir que je vous retrouve aujourd'hui pour examiner le budget de la politique du logement pour 2016, et je remercie vos rapporteurs pour la qualité de leur travail. Dans ce projet de loi de finances, le Gouvernement poursuit son effort en faveur de la relance de la construction et pour l'accès au logement. Les dépenses de mon ministère s'élèvent à près de 18 milliards d'euros, auxquels s'ajoutent 14 milliards de dépenses fiscales. Je dirai que ce budget est à la fois préservé et maîtrisé, et au service de la justice et de l'efficacité.

Le plan de relance de la construction, engagé en 2014, commence à porter ses fruits et nous observons des signes tangibles de reprise : les statistiques publiées ce matin font état d'une hausse des permis de construire de 4,3 % entre juillet et septembre 2015 par rapport au trimestre précédent. Les mises en chantier se sont, quant à elles, stabilisées et entament une légère reprise, avec une augmentation de 0,5 % au troisième trimestre 2015 par rapport au précédent. Cependant, cette tendance est encore fragile. C'est pourquoi nous entendons la soutenir afin de créer des emplois et de répondre aux besoins de nos concitoyens.

Pour 2016, nous prévoyons également des mesures en faveur du logement social, de l'accession à la propriété et de la rénovation énergétique.

Par ailleurs, depuis mon entrée en fonction, j'ai tenu à ce que chaque territoire reçoive une réponse appropriée à ses spécificités. Pour cette raison, j'estime que notre action ne saurait se cantonner à la seule production dans les zones tendues : elle doit également prendre en compte la situation des zones qui sont confrontées à la vacance ou à un patrimoine dégradé et où les enjeux se posent en termes de revitalisation.

J'aborderai d'abord la question du logement social, qui joue un rôle de redistributeur et de régulateur déterminant dans notre pays. Il permet à plus de 4 millions de ménages de pouvoir se loger et de préserver leur pouvoir d'achat. Il doit être mis au service de la mixité dans nos villes et nos quartiers. Nous pouvons faire deux constats.

Aujourd'hui, 1,7 million de ménages sont en attente d'un logement social. Ce secteur, même s'il a mieux résisté que d'autres, avec près de 120 000 logements financés en 2014, en incluant l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), connaît un ralentissement par rapport à 2013.

Le Président de la République a annoncé, lors du congrès du Mouvement HLM – j'en profite pour saluer Jean-Louis Dumont – que le montant des aides à la pierre serait augmenté à hauteur de 500 millions d'euros et sécurisé par la création d'un fonds national dédié.

Ce fonds prévoit une gouvernance partagée entre l'État, les bailleurs sociaux et les collectivités locales. Je souhaite que l'on définisse un mode de fonctionnement souple, réactif et véritablement partenarial. Cela permettra de mieux cibler les aides pour les zones qui en ont le plus besoin et de financer des logements adaptés à la demande locale. Il définira la programmation des aides à la pierre, c'est-à-dire leur affectation et leur montant, par territoire et par produit.

Ce fonds sera intégralement consacré au financement du logement social et ne pourra avoir d'autre finalité. Ainsi, il apportera aux collectivités territoriales et aux bailleurs plus de visibilité et de stabilité.

Enfin, il aura l'obligation de valider une équation financière vertueuse : pas d'engagements supérieurs aux crédits de paiement disponibles, donc pas de génération de dettes pour les bailleurs sociaux.

À travers ce fonds, l'État portera sa contribution à 250 millions d'euros en 2016. Ils s'ajoutent aux 4 milliards d'euros d'aides fiscales et au financement d'Action Logement, de l'ANRU et de la Caisse des dépôts. S'agissant d'Action Logement, je veux répondre à notre rapporteur à propos des dispositions censurées par le Conseil constitutionnel : nous travaillons activement à l'élaboration d'un projet de loi spécifique, qui va être prochainement envoyé au Conseil d'État.

Je tiens également à vous indiquer qu'une participation substantielle de l'État sera prévue dans le projet de loi de finances pour 2017.

Les bailleurs sociaux prennent aussi part à cet effort, d'une part, en contribuant au FNAP, d'autre part, en mutualisant leurs fonds propres. De plus, la baisse de la rémunération des banques pour la collecte du livret A dégagera environ 200 millions d'euros pour bonifier des prêts aux bailleurs sociaux. Quant aux décotes octroyées dans le cadre de la cession du foncier public, elles constituent des ressources supplémentaires.

Je voudrais rappeler trois mesures adoptées en première partie du PLF, qui traduisent les engagements pris par le Président de la République.

Les plus-values en cas de cession de terrains ou d'immeubles pour y réaliser du logement social seront, l'an prochain, totalement exonérées de taxe. La décote sur le prix de vente du foncier public sera déplafonnée sur les terrains militaires. Elle sera également étendue à des opérations de réhabilitation.

Mais trop souvent encore, la volonté de production de logements sociaux se heurte à des obstacles de nature politique. En effet, malgré nos efforts, les bailleurs ont souvent souffert du blocage de leurs projets du fait de l'égoïsme de certaines municipalités. C'est pourquoi nous travaillons, avec le délégué interministériel à la mixité sociale dans l'habitat, Thierry Repentin, sur la mobilisation du foncier public, qui doit s'accélérer et s'amplifier dans les prochains mois ; parallèlement, nous oeuvrons en faveur de l'émergence des projets retardés ou bloqués.

Nous serons fermes et vigilants quant à l'application de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU). Nous avons d'ailleurs décidé de la renforcer dans le cadre du projet de loi « Égalité et Citoyenneté », en cours d'élaboration. Il transcrira certaines annonces du comité interministériel qui s'est déroulé, ce lundi, aux Mureaux.

Des moyens humains seront également mobilisés pour mettre en oeuvre les nouvelles orientations du Gouvernement en faveur du développement de la mixité sociale dans l'habitat.

Pour accomplir ces missions, le schéma d'emploi du ministère suivra exactement la programmation triennale, sans suppressions de postes supplémentaires.

Si l'État encourage la production de logement social, il soutient également les communes, situées dans les zones tendues, qui font un effort important de construction. Pour ces maires bâtisseurs, un dispositif a été mis en place cette année. L'aide s'élève à environ 2 000 euros par logement construit au-delà du seuil de 1 % du parc existant et contribuera à financer les infrastructures et les équipements publics nécessaires à l'accueil de nouveaux habitants. Les communes carencées, qui ne respectent pas les obligations de construction sont exclues de ce dispositif. Environ 1 200 villes sont éligibles. Je prendrai très prochainement un arrêté répartissant les dotations, sur la base des permis de construire délivrés au premier semestre 2015.

En complément, le fonds de soutien à l'investissement des collectivités territoriales, annoncé par le Président de la République, mobilisera une enveloppe de 500 millions d'euros pour financer notamment la construction de logements, d'hébergements et les dépenses liées à l'accroissement démographique.

Puisque j'évoque la question de l'hébergement, je voudrais souligner l'engagement du Gouvernement pour renforcer nos capacités d'accueil des sans-abri et des personnes en situation de grande précarité, mais aussi des réfugiés, dans le cadre du programme 177.

L'accueil des réfugiés constitue un défi. Il relève de notre devoir et de notre responsabilité d'offrir des conditions de vie dignes à ces hommes et à ces femmes jetés par la guerre sur les chemins de l'exil. Les crédits dédiés à l'hébergement progressent de plus de 74 millions d'euros dans le texte initial du PLF. Ils seront abondés par amendement de 70 millions d'euros supplémentaires pour renforcer les capacités d'accueil des réfugiés, notamment au sein des logements sociaux vacants, et développer des solutions d'accompagnement adaptées.

Mais je le dis très clairement : il n'y aura pas de concurrence entre ces deux publics, chacun faisant l'objet de procédures et d'un accompagnement spécifiques. 130 millions d'euros de crédits nouveaux viennent d'être ouverts. Ils nous permettront de répondre à l'augmentation de la demande d'hébergement toujours plus importante pendant la période hivernale. J'ai d'ailleurs pris, en avril dernier, la décision de pérenniser 2 000 places du dispositif hivernal pour assurer la continuité de la prise en charge de ce public.

Nous poursuivons également la mise en oeuvre du plan triennal pour réduire le recours aux nuitées hôtelières, que j'ai lancé le 3 février 2015. Il vise à sortir de la gestion d'urgence et à favoriser des modes d'hébergement plus dignes et mieux adaptés. Au total, nous prévoyons, en 2016, 17 500 places supplémentaires en logement adapté. Pour ce faire, nous encouragerons l'intermédiation locative, qui est un moyen efficace et économique pour loger les plus modestes. Une prime de 1 000 euros sera versée par l'ANAH aux propriétaires qui y recourent et pratiquent un loyer social.

J'aborderai maintenant la question des aides personnelles au logement, qui sont indispensables à nombre de nos concitoyens.

Les allocataires sont très majoritairement des ménages modestes, qui gagnent moins d'un SMIC. Du fait de la situation économique et sociale, le coût de ces prestations a fortement progressé. Il s'établit aujourd'hui à 18 milliards d'euros, sans pour autant que leurs effets soient totalement satisfaisants.

Nous avons engagé une réforme des APL pour assurer une plus grande équité entre les bénéficiaires. Les mesures présentées dans le projet de loi de finances sont issues des conclusions rendues en mai 2015 par le groupe de travail présidé par François Pupponi et auquel participaient des députés issus de la majorité et de l'opposition. Je tiens à les remercier pour la qualité de leurs travaux.

Les crédits de la mission intègrent une économie estimée à plus de 200 millions d'euros en 2016 et à plus de 300 millions en 2017. Elle est rendue possible grâce à trois modifications.

La situation financière réelle des bénéficiaires dans le calcul de leurs aides sera mieux évaluée, car elle tiendra compte de leur patrimoine et non plus seulement de leurs revenus.

Un plafond de loyer excessif par rapport aux ressources déclarées sera également introduit ; en cas de dépassement, l'aide sera dégressive.

Enfin, l'égalité de traitement entre les allocataires est rétablie par la suppression d'une exonération liée à l'âge dans la prise en compte des ressources.

Je ne doute pas que nous aurons l'occasion de revenir en détail sur ces mesures et je suis consciente qu'il est difficile de les évaluer sans leurs décrets d'application qui pourront d'ailleurs tenir compte, monsieur le député Goldberg, de vos remarques.

Je tiens à souligner que ces propositions ne sont pas des économies faites à l'aveugle, mais bien des mesures ciblées et guidées par le principe d'équité. La participation de la politique du logement à l'effort d'économie préserve ainsi les objectifs principaux de cette politique : aider les ménages les plus modestes à accéder à une habitation et à s'y maintenir durablement.

L'accession sociale à la propriété est un autre moteur de la construction et répond à une aspiration profonde des Français. J'ai donc souhaité préserver et renforcer les aides aux ménages modestes qui veulent s'engager dans un projet d'achat ou dans la réalisation de travaux. Les APL accession seront maintenues, comme vous l'avez souligné, madame la présidente, et comme le recommandait votre groupe de travail. Pour permettre à un plus grand nombre de ménages aux revenus modestes et de classe moyenne d'accéder à la propriété, les conditions et les modalités d'attribution du prêt à taux zéro ont été élargies en 2014 et 2015.

Comme le Président de la République l'a rappelé la semaine dernière, le Gouvernement est prêt à prendre toutes les mesures nécessaires pour relancer l'accession, secteur essentiel de la construction. Ces mêmes ménages peuvent bénéficier de la garantie publique de l'État sur leur prêt d'accession sociale, les plafonds de ressources ayant été augmentés et alignés sur le prêt à taux zéro, pour plus de simplicité et de lisibilité.

Enfin, pour dynamiser le prêt social location-accession, le plan de financement sera fixé dès la signature du contrat avec un taux et un PTZ connus à l'avance.

Comme je vous l'indiquais en introduction, j'ai souhaité adapter les dispositifs que nous mettons en oeuvre en fonction des territoires et de nos priorités. C'est cette préoccupation qui avait présidé à l'instauration d'un prêt à taux zéro pour l'acquisition de logements anciens à réhabiliter, dans près de 6 000 communes rurales. Après un an d'application, comme je m'y étais engagée l'an dernier devant cette même commission, le Gouvernement souhaite renforcer ce dispositif en l'élargissant à la totalité de la zone C, soit 30 000 communes couvrant 90 % du territoire. Ce faisant, nous renforcerons sa visibilité, sa simplicité et surtout son efficacité.

Nous lui assignons un triple objectif : faciliter l'accession des ménages à la propriété dans du bâti ancien, limiter l'étalement urbain et lutter contre l'habitat dégradé. Il permettra en outre de favoriser la réalisation de travaux de rénovation, qui profiteront prioritairement à des TPE et à des artisans du bâtiment et participeront ainsi à une reprise de l'activité dans ce secteur.

Pour aider les copropriétés et les ménages à financer des travaux de rénovation énergétique d'ampleur, le Gouvernement reconduit également le crédit d'impôt transition énergétique et l'éco-prêt à taux zéro. Cette prolongation offrira une meilleure visibilité aux banques, notamment pour distribuer l'éco-prêt aux copropriétés.

Cette année, le budget de l'Agence nationale de l'habitat a été abondé de 70 millions d'euros supplémentaires pour atteindre l'objectif d'aider 50 000 ménages aux revenus modestes à lutter contre la précarité énergétique. Ce but sera maintenu en 2016.

Par ailleurs, un nouveau microcrédit à taux zéro sera disponible pour financer le reste à charge pour les ménages modestes qui peinent à le financer.

Je sais les inquiétudes de certains parlementaires sur le financement de l'ANAH. Elles sont principalement dues à l'instabilité de sa ressource principale, les quotas carbone. Mais je sais pouvoir compter sur votre soutien pour pérenniser l'action efficace et juste de cette agence, au service des territoires et de nos concitoyens les plus fragiles.

J'évoquerai enfin le dispositif d'investissement locatif intermédiaire pour les zones tendues, que nous avons assoupli dans la loi de finances pour 2015. Depuis le 1er janvier, il est possible, dans ce cadre, de louer à un ascendant ou à un descendant. Cette disposition a permis de débloquer de nombreuses opérations. L'occupant doit appartenir à un foyer fiscal distinct du propriétaire, il ne peut pas non plus percevoir d'APL et il est également soumis à un plafond de revenu. Ces conditions doivent nous permettre de nous prémunir des abus.

Nous avons voulu améliorer le mécanisme précédent et lever certains freins, tout en évitant les travers de l'investissement locatif débridé des années 2000, qui pèse encore fortement sur nos finances publiques. J'ai la conviction que le dispositif doit son succès à sa simplicité et à sa lisibilité pour les investisseurs. C'est pourquoi il est primordial de donner de la stabilité à ce dispositif lancé il y a seulement un an.

Il a contribué à l'augmentation de 23 % des ventes de logements neufs au second trimestre 2015, par rapport à l'année passée. En effet, les ventes de logements destinés à être mis en location ont augmenté de 66 % au premier semestre par rapport à 2014.

Le Gouvernement a également mis en place des mesures significatives pour faire baisser les coûts de construction, avec la simplification des normes et la mise à disposition du foncier.

Enfin, dans le but d'obtenir des effets plus rapides sur l'activité et sur l'emploi, nous poursuivons notre action pour accélérer la délivrance des permis de construire et la mise en chantier pour faciliter les projets d'aménagement et de construction et pour limiter les recours contentieux abusifs qui bloquent certains programmes.

En conclusion, dans un contexte de dépenses maîtrisées, mon ministère est doté d'un budget à la hauteur des objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés pour relancer la construction et aider les ménages à se loger.

La poursuite du plan de relance de la construction doit contribuer au retour de l'activité et à la création d'emplois dans un secteur crucial pour notre économie et pour l'aménagement des territoires. Mais nous devons veiller dans le même temps à la protection des plus fragiles de nos concitoyens, ce que permet ce budget.

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