Tout d'abord, si nous pouvons nous réjouir d'en avoir fini avec la baisse du rythme de construction dans le pays, il n'en reste pas moins vrai qu'avec 350 000 mises en chantier, nous sommes à un point très éloigné de l'objectif de 500 000 mises en chantier que le Gouvernement se fixait tous les ans depuis trois ans. C'est d'ailleurs la première fois, à mon avis, que ce chiffre n'a pas été cité.
Ceci étant dit, on ne peut que se réjouir que l'étiage ait été atteint, même si la reprise n'est pas encore totalement au rendez-vous. Cela laisse augurer de la fin du tunnel pour le secteur de la construction, mais pas avant 2017, ce qui pose un véritable au problème au regard de la restructuration de ce secteur qui pèse, selon L'INSEE, à peu près 0,4 point de croissance. Nous parlons souvent de croissance au sein de la Commission des finances ; le secteur de la construction en est un élément majeur et nous ne pouvons qu'espérer qu'il connaisse une amélioration dans les années à venir.
Je souhaite en venir aux quatre points qui me paraissent importants, et qui ont d'ailleurs bien été soulevés par mes collègues rapporteurs.
Le premier concerne les APL. J'ai travaillé, aux côtés de François Pupponi, au sein du groupe de travail sur les aides personnelles au logement. Au départ, nous avions l'ambition d'une réforme globale, qui devait épouser la réforme du RSA, en appréhendant l'ensemble des revenus de complément. Mais en cours de route, nous nous sommes aperçus que compte tenu de la dégradation de la situation sociale de bon nombre de nos compatriotes, nous n'avions pas les moyens d'aller bien au-delà de la simple correction d'un certain nombre de points délicats dans l'attribution de ces APL. Comme l'ont dit les rapporteurs, faisons attention aux effets collatéraux si nous manquons nos cibles – je pense aux jeunes et aux éléments patrimoniaux. Il faut en débattre, comme la ministre s'y est engagée ; en tout état de cause, il nous faudra être particulièrement vigilant.
La création du FNAP semblait une bonne idée au moment de son annonce : un fonds de deux fois 250 millions d'euros d'aide à la pierre, la moitié provenant de l'État et l'autre moitié de contributions. J'observe d'ailleurs que les fameux fonds de péréquation, qui faisaient hurler l'ensemble de l'opposition de l'époque, sont admis comme une des ressources stables de l'aide à la construction, et j'en suis heureux.
Mais d'où viennent les 250 millions versés par l'État ? S'agit-il du budget général, d'un recyclage de la baisse du taux de commissionnement des banques qui collectent les fonds déposés sur le livret A ? Vous avez indiqué, madame la ministre, que la baisse de 0,10 point du taux de commissionnement annoncée par le Président de la République représentait à peu près 200 millions d'euros, et que vous veillerez à ce qu'ils retournent bien à la construction et à la pierre. Si c'est là la contribution de l'État, elle va décevoir les bailleurs qui voyaient dans cette baisse du taux de commissionnement un allégement de leurs coûts financiers ! Je rappelle que le montage simple de n'importe quel logement réunit des fonds dits « gratuits » dans le jargon HLM – autrement dit de l'autofinancement et des subventions – plus de la dette. Et l'ensemble de ces coûts forme la charge qui doit être financée par les loyers.
Ce serait donc une mécanique à somme nulle : d'un côté nous prélèverions de l'autofinancement, notamment par le doublement de la cotisation due à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), qui constitue l'essentiel de l'approvisionnement de ce fonds pour la part des bailleurs. Nous prendrions donc de l'autofinancement pour ensuite donner des subventions au moment où les bailleurs devront construire : on commence à monter une usine à gaz… Et si jamais les 250 autres millions apportés de l'État provenaient d'une mécanique quasi similaire, c'est-à-dire des éléments qui devraient eux-mêmes financer le logement social mais qui transiteront finalement par ce fonds, je cherche l'effet de levier promis…
Troisième point, dans ce contexte, un autre élément n'apparaît pas dans votre ministère – et vous n'en êtes absolument pas responsable – c'est l'évolution de la dotation globale de fonctionnement. Elle conditionne nécessairement les capacités d'aménagement des territoires par les collectivités. Du fait de la délégation des aides à la pierre et du voeu que vous semblez avoir exprimé – et que je partage à titre personnel – d'une gouvernance par les territoires de ces sujets, il faudra que les collectivités aient les moyens de ces projets. Avez-vous anticipé l'effet de ciseaux né de la réduction de l'autofinancement des organismes et de la baisse des capacités des collectivités ?
Mon quatrième et dernier point porte sur les réfugiés. Nous avons tous été émus par ce qui s'est passé, et qui continue, sur les bords de la Méditerranée, au Moyen-Orient et malheureusement dans d'autres pays. Cela a amené l'ensemble de la communauté française à se mobiliser pour dégager des capacités d'hébergement sur nos territoires. Or je constate depuis très peu de temps que ces capacités sont utilisées en grande partie pour loger des personnes venant de la jungle de Calais. Je voudrais savoir si nous sommes certains que l'ensemble de ces capacités offertes par les associations et les collectivités en faveur des réfugiés de guerre est bien utilisé à cette seule fin.