Intervention de André Chassaigne

Réunion du 28 octobre 2015 à 16:
Commission élargie : finances - affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Je reviendrai pour l'essentiel sur la question du logement et les articles du projet de loi de finances rattachés au présent budget. Ce projet de budget pour 2016 contient en effet plusieurs mesures qui posent de sérieuses interrogations, que d'autres intervenants ont d'ailleurs soulevées.

Je ne reviendrai pas sur la reconduction pour trois ans de l'éco-prêt à taux zéro, dit éco-PTZ, ni sur la mesure de prolongation pour un an du crédit d'impôt pour la transition énergétique accordé aux particuliers ayant financé certaines dépenses de rénovation énergétique de leur résidence principale. Ce sont des mesures que nous soutenons, de même que l'augmentation du nombre de communes éligibles au PTZ rural dans l'ancien.

Je voudrais m'arrêter en premier lieu sur le dossier de la création du Fonds national d'aide à la pierre, qui suscite l'inquiétude des bailleurs sociaux et des associations. En effet, la rédaction actuelle de l'article 56 du projet de loi de finances ne correspond pas aux annonces faites le 24 septembre dernier par le Président de la République lors du congrès de l'Union sociale pour l'habitat. Le chef de l'État avait alors rappelé que l'État devait rester un financier direct du logement social et qu'il contribuerait à ce titre, en 2016, à la constitution du nouveau Fonds national d'aide à la pierre à hauteur de 250 millions d'euros de crédits de paiement. Or il apparaît que les crédits de paiement consacrés aux aides à la pierre dans le programme 135 ne sont aujourd'hui que de 100 millions d'euros, et non de 250 millions d'euros.

D'autre part, dans la rédaction actuelle de l'article, la participation de l'État au fonds est présentée comme optionnelle, ne venant qu'en complément des cotisations des bailleurs, et non l'inverse. Cette participation est, par ailleurs, très minoritaire comparée aux 270 millions d'euros de cotisations des bailleurs.

Entendons-nous bien : nous ne sommes pas opposés à la création de ce fonds et à l'objectif, louable, de gérer de façon collégiale la répartition des aides à la pierre entre l'État, les bailleurs sociaux et les collectivités locales. Mettre fin à la gestion verticale de l'attribution de ces aides, déconnectée des besoins des territoires, est en effet une bonne chose. C'est le mode d'alimentation du fonds qui pose problème et fait craindre le franchissement d'une nouvelle étape dans le désengagement de l'État.

En proposant en effet de faire contribuer de manière majoritaire les cotisations versées par les bailleurs sociaux à la Caisse de garantie du logement locatif social, vous proposez en réalité de faire reposer la construction de logements sociaux sur la trésorerie des bailleurs, issue des loyers, donc des locataires. Au final, c'est aux classes populaires qu'il serait demandé de financer le logement social de demain, tandis que les ménages les plus aisés bénéficient de nombreux dispositifs fiscaux… Ainsi, 3 milliards d'euros environ seront encore consacrés aux réductions d'impôts octroyées aux investisseurs qui achètent des logements locatifs neufs, par exemple pour y loger leurs enfants ou papa et maman !

Le second point noir de ce budget concerne bien sûr la réforme des APL, d'une part avec la prise en compte du patrimoine des locataires dans le calcul des APL et d'autre part avec l'introduction d'un plafond de loyer au-delà duquel l'APL loyer serait dégressive. Cette seconde mesure permet d'éviter certains abus, mais le risque est réel que la mesure affecte les locataires du secteur privé qui, malgré de faibles ressources, payent un loyer cher, dans des logements petits et souvent indécents, autrement dit les mal-logés, les jeunes, dont le taux d'effort approche parfois 50 %.

S'agissant de la prise en compte du patrimoine, vous proposez de renvoyer la définition des modalités de prise en compte du patrimoine à un décret, sans autre indication. Nous ne pouvons signer de chèque en blanc à un dispositif qui porte évidemment le risque de réduire les allocations de locataires modestes, qui détiennent certes un patrimoine, mais bien, limité : une petite maison, un mobile-home pour passer les vacances, un Livret A ou autre épargne défiscalisée.

Nous ne considérons pas comme une mesure de justice de contraindre ces personnes à accepter de se séparer de leurs biens ou d'être expulsés. Nous ne pouvons non plus cautionner une traque aux ressources cachées des locataires aux ressources modestes ou moyennes. S'il y a des ressources cachées aujourd'hui, elles sont davantage à rechercher dans les paradis fiscaux, la fraude et les stratégies d'optimisation fiscale des grandes entreprises que dans le portefeuille de nos concitoyens.

Nous ne voterons pas ce budget.

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