Ce moment d'échange sur la politique à mener pour les outre-mer m'apparaît particulièrement important. C'est l'occasion d'un dialogue franc et sincère sur nos objectifs et nos priorités.
Comme les rapporteurs l'ont signalé, le budget 2016 est marqué par un effort sans précédent de maîtrise des dépenses publiques. Tous les ministères ont dû participer à la nécessaire diminution du déficit public. Et ceux dont les moyens humains ou budgétaires ne diminuent pas sont en première ligne dans la lutte à mener pour la sécurité de nos concitoyens, la justice, l'éducation, l'emploi, et une meilleure intégration d'une partie de la jeunesse dans les quartiers – c'est-à-dire ce qui concerne la politique de la ville.
Dans ce contexte très tendu, nous nous félicitons d'avoir pu protéger les crédits de paiement du ministère des outre-mer à 2,18 milliards au titre du PLF 2016, contre 2,17 milliards en loi de finances initiale pour 2015. Cela montre bien le respect des engagements du Président de la République et du Premier ministre en ce qui concerne le soutien de l'État aux outre-mer. C'est particulièrement net dans la mesure où nous avons pu préserver l'investissement des entreprises en conservant les moyens budgétaires nécessaires pour accompagner le développement des territoires, la commande publique, et développer une politique volontariste dans le domaine de la formation des jeunes tout en essayant de répondre aux problèmes de nos concitoyens dans celui du logement.
Gouverner, c'est fixer des priorités et faire des choix. C'est exactement ce que nous avons voulu faire dans ce budget, et nous avons choisi, dans le cadre de crédits stabilisés, de conserver au maximum les moyens d'intervention du ministère dans le respect des partenariats que nous entretenons avec les élus et les collectivités locales. À chaque fois que la commande publique fléchit ou que les entreprises ont un carnet un peu trop léger, on se tourne vers nous en faisant valoir que les entreprises ont besoin de l'effet d'entraînement des crédits de l'État pour travailler. Nous avons donc privilégié, dans nos choix, la sauvegarde des moyens d'action du ministère des outre-mer.
C'est un budget de relance de l'investissement et de la commande publique. Comme je l'ai annoncé avec ma collègue Sylvia Pinel, nous avons voulu préserver les politiques qui concernent le logement dans l'outre-mer. C'est ainsi que le maintien des crédits de la ligne budgétaire unique à 247 millions d'euros en autorisations d'engagements au titre de l'année 2016 montre que les moyens consacrés au logement social resteront à la hauteur des enjeux et de nos engagements.
Pour tenir compte des alertes lancées par les organismes, nous avons aussi voulu améliorer la situation pour que ceux qui s'engagent dans la rénovation du parc locatif ancien dans le cadre de la politique de la ville puissent disposer de moyens à la hauteur de leurs besoins. Nous avons donc obtenu l'extension du crédit d'impôt défiscalisation, s'agissant du logement social, aux opérations de rénovation des logements locatifs sociaux de plus de vingt ans situés dans les zones éligibles à la politique de la ville. C'est un vaste champ d'application de la mesure, car il sera ainsi possible de couvrir la remise aux normes techniques des bâtiments, mais également de prendre en compte la protection antisismique ainsi que le désamiantage, autant de contraintes qui peuvent parfois alourdir significativement la facture.
Nous savons que l'aide de l'État, actuellement plafonnée à 20 000 euros par logement, apporte une première réponse à l'insuffisance des fonds propres des bailleurs sociaux qui doivent faire face au défi exceptionnel que constitue le vieillissement de leur patrimoine. Évidemment, certains nous disent que ce n'est pas suffisant et qu'il faut faire mieux. Nous pouvons voir comment améliorer les choses, mais vous savez que nous devons travailler dans le respect d'une enveloppe définie. Quand on fait bouger les curseurs, il n'est pas évident que l'on ne soit pas obligé de renoncer à quelque chose auquel nous tenons afin d'améliorer telle ou telle ligne.
Nous avons aussi à faire en sorte que les obstacles qui peuvent empêcher la réalisation de ces logements soient levés les uns après les autres. Nous savons que l'utilisation de l'aide fiscale à l'investissement pour la construction d'immeubles destinés à du prêt locatif social est désormais plus difficile, dans la mesure où ce type d'opération doit obligatoirement être financé par des subventions de la LBU alors que ce n'était pas le cas précédemment. Au congrès de l'Union sociale pour l'habitat, nous avons indiqué que nous allions réunir un groupe de travail pour faire des propositions d'améliorations et de simplifications de la liste des pièces nécessaires pour compléter les dossiers de défiscalisation dans le domaine du logement social. Les organismes s'étaient plaints du nombre de pièces exigées et de la difficulté à produire certains justificatifs. Du coup, bon nombre de dossiers ne sont pas totalement bouclés au moment de présenter la demande de défiscalisation. Or la défiscalisation est pratiquement un préalable pour ces dossiers… Nous allons donc travailler ensemble pour éviter que la liste des pièces demandées change sans que le ministère des outre-mer ne soit parfaitement associé.
Par ailleurs, ce budget prévoit le maintien des enveloppes consacrées à la politique contractuelle, avec plus de 160 millions d'euros d'autorisations d'engagement. Et je me réjouis de voir que nous avons soit signé les contrats de plan État-région, soit nous sommes en bonne voie pour le faire et le protocole précédent a été signé. Je répète que nous avons la volonté d'accompagner toutes les collectivités avec détermination.
J'en profite également pour rassurer les élus de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie : il n'y aura pas d'année blanche dans l'exécution des contrats de développement.
Nous avons aussi préservé un autre outil particulièrement important au programme 123, il s'agit des 40 millions d'euros au titre du fonds exceptionnel d'investissement créé par le Président de la République en 2012, et des presque 30 millions d'euros de crédits dédiés à la bonification des prêts concessionnels consentis par l'AFD aux collectivités. Lorsque les taux que la collectivité obtient sur les marchés sont trop élevés, l'AFD intervient pour les améliorer.
Je considère donc que les arbitrages sur lesquels nous avons construit ce budget ont été favorables aux outre-mer.
Le soutien à la commande publique au service du développement des territoires se traduit aussi par l'appui apporté par l'État pour la construction d'équipements scolaires. Les enveloppes dédiées à La Guyane et à Mayotte sont bien évidemment maintenues au titre du budget 2016 : 10 millions d'euros chacune. Le programme 123 bénéficie également des crédits affectés aux constructions scolaires dans le second degré en Nouvelle-Calédonie : 12 millions d'euros. À cet égard, nous avons significativement amélioré la consommation de ces crédits à Mayotte, en travaillant directement avec les communes et en faisant appel à des constructions modulaires. Compte tenu du nombre de bâtiments à construire, il était clair que nous n'arriverions pas à nous en sortir en procédant autrement.
Dans le Pacifique, nous avons budgété les 12 millions d'euros de mesures nouvelles qui correspondent au retour de l'État au soutien de la politique de protection sociale en Polynésie française. Cette mesure était très attendue par les élus depuis l'année dernière.
Un mot, enfin, sur la politique de continuité territoriale. L'année dernière, face à l'évolution de l'aide à la continuité « tous publics » qui menaçait d'absorber la totalité des crédits, nous avons réagi. En 2015, nous avons clairement réservé la priorité au passeport mobilité emploi et à tout ce qui concerne la mobilité pour formation : nous considérons en effet que le plus important pour l'avenir des outre-mer, c'est de permettre aux jeunes et aux adultes d'acquérir des connaissances et des aptitudes professionnelles. Le dispositif a été complété en 2015 afin de donner la possibilité aux parents d'un enfant malade de l'accompagner lorsqu'il doit être évacué dans le cadre sanitaire. Une expérimentation a été menée au cours de l'année 2015 ; nous nous sommes rendu compte qu'un coup d'arrêt indiscutable était mis à l'augmentation exponentielle de ces crédits, notamment à La Réunion. Nous ferons le bilan et nous verrons comment faire évoluer le dispositif.
Mais nous avons également intégré dans l'aide à la continuité une autre attente forte de nos concitoyens. Les familles endeuillées, notamment celles qui résident en métropole, pouvaient autrefois bénéficier d'une aide lorsqu'elles devaient rapatrier un corps au pays, ou s'y rendre pour assister aux obsèques. Cette aide avait été supprimée en 1993 ; nous avons décidé de la rétablir dans le budget de cette année. L'État accompagnera, sous condition de ressources, les familles qui ont besoin de partir en outre-mer du fait du décès d'un parent direct ; nous prendrons également en charge une partie des frais de rapatriement des corps, qui peuvent atteindre des montants considérables auxquels les familles doivent faire face sans l'avoir toujours prévu.
Bien évidemment, le budget de la continuité territoriale ne diminue pas : il s'élève à près de 33,6 millions d'euros, en nette progression par rapport aux 32,3 millions qui figuraient dans la loi de finances initiale pour 2015. Je précise que l'aide à la continuité funéraire s'appliquera aussi en Polynésie et dans les collectivités d'outre-mer, puisqu'ils sont eux aussi exposés à faire face à des frais considérables lorsque survient un décès.
Les moyens d'action du ministère pour le programme 138 « Emploi outre-mer » sont eux aussi préservés. Nous avons notamment réaffirmé notre soutien au SMA, dont l'action est extrêmement utile pour les jeunes des outre-mer. Nous maintenons les moyens qui permettront de remplir l'objectif « SMA 6 000 » sur le quinquennat, avec un accueil de stagiaires en plus grand nombre et un taux d'insertion consolidé.
L'année 2016 sera également celle du changement de statut de l'agence de l'outre-mer pour la mobilité, que nous avons voté précédemment ; nous espérons qu'en tant qu'opérateur public, elle confortera la montée en puissance du transfert des crédits de l'Association pour la formation professionnelle des adultes, et continuera d'apporter un accompagnement utile et efficace pour nos jeunes ultramarins, leur permettant d'accéder à une qualification et un emploi.
L'an dernier, nous avons lancé un programme de soutien et d'accompagnement des TPE ; les initiatives prises – aide au premier emploi, accompagnement de l'économie sociale et solidaire – seront amplifiées cette année. Des moyens financiers supplémentaires ont été dégagés grâce à la convention du 30 septembre 2014 signée avec la Caisse des dépôts et consignations. Nous poursuivrons dans cette voie avec la toute nouvelle agence de développement économique des territoires France Entrepreneur, lancée il y a quelques jours.
Nous comptons beaucoup sur la mobilisation des réseaux au service de la création d'emplois dans le secteur associatif : ce sont autant d'ouvertures pour une politique novatrice et adaptée aux besoins des outre-mer.
En matière d'emploi, des efforts particulièrement intéressants sont faits en Martinique et en Guadeloupe.
Beaucoup d'aides ont été mises en place, mais nous avions l'impression qu'elles ne donnaient pas les résultats attendus, notamment en termes d'embauches de jeunes. Le préfet de la Martinique a donc pris l'initiative de nommer des médiateurs économiques : ce sont des jeunes qui se rendent dans les petites entreprises pour expliquer aux entrepreneurs les aides auxquelles ils peuvent prétendre, et comment s'y prendre pour déposer un dossier. Car si beaucoup de chefs d'entreprise ne faisaient pas de démarches, c'est parce qu'ils ignoraient quelles étaient les aides proposées ou parce qu'ils ne savaient pas comment remplir le dossier. Dès lors, les aides n'étaient pas utilisées pleinement.
En Guadeloupe, un pacte pour l'emploi des jeunes a été signé entre le MEDEF et l'État. Le constat est là encore que beaucoup d'aides existent, mais que les chefs d'entreprise ont du mal à s'y retrouver : l'idée est donc de créer un guichet unique de dépôt des dossiers, guichet qui indique aussi au chef d'entreprise combien il devra vraiment débourser pour embaucher. Cette expérience va être menée.
Ces deux démarches me semblent particulièrement utiles : des crédits sont là, des dispositifs existent ; encore faut-il que les chefs d'entreprise les comprennent et s'en saisissent. Nous devons les épauler.
Notre effort d'aide à la création d'emplois se maintient donc. Pour équilibrer ce budget, nous avons toutefois dû opérer des choix.
Nous n'avons pas voulu répartir de la même façon les économies nécessaires sur chaque ligne budgétaire – rogner un peu de LBU, ôter quelques crédits au SMA… – au risque de rendre notre politique illisible. Nous avons préféré faire porter l'effort sur le dispositif des exonérations de charges.
Nous avons donc poursuivi la rationalisation des exonérations, en les recentrant sur les bas salaires. J'entends bien que ce n'est pas forcément ce qui était attendu des entreprises, mais les rapports des différents corps d'inspection et de la Cour de comptes montrent bien que l'effet incitatif de la baisse des charges s'estompe avec l'élévation du salaire : supprimer ou diminuer les charges sociales est efficace pour les salaires modestes, jusqu'à deux SMIC environ. À partir de trois SMIC, l'effet est nul : ce que recherchent alors les chefs d'entreprise, c'est une compétence, une qualification, et ils sont prêts à y consacrer les moyens nécessaires.
Nous avons également voulu préserver les TPE et PME, qui constituent l'immense majorité des entreprises ultramarines, et des entreprises qui embauchent sur place. Les entreprises de moins de onze salariés conserveront donc le bénéfice de l'aide à 100 % jusqu'à 1,4 SMIC, contre 1,3 pour les autres, et du dispositif dégressif jusqu'à 2,3 SMIC, montant qui me semble tout à fait raisonnable.
Par ailleurs, nous avons beaucoup insisté l'an dernier sur le problème des secteurs exposés à la concurrence, en particulier l'hôtellerie. Ces entreprises bénéficieront en 2016 d'exonérations renforcées, comme nous nous nous y étions engagés.
Nous aurons ainsi en 2016 une nouvelle baisse du coût du travail outre-mer. Le CICE atteindra 9 % au 1er janvier prochain, et les cotisations patronales d'allocations familiales baisseront à la fin du premier trimestre. Au total, ces mesures se montent à 200 millions d'euros, qui bénéficieront aux entreprises ultramarines.
C'est pourquoi, monsieur le rapporteur spécial, je ne suis pas d'accord avec vous sur les avantages accordés aux entreprises ultramarines : celles-ci bénéficient bien d'un CICE à 9 %, contre 6 % en métropole. Le Gouvernement prend ainsi en considération la situation particulière des entreprises ultramarines. L'allégement supplémentaire ainsi obtenu du coût du travail n'a pas besoin d'être supporté par le budget de la mission « Outre-mer ».
L'aide fiscale à l'investissement représente une dépense fiscale supérieure à 800 millions d'euros ; elle permet l'investissement, chaque année, de plus de 2 milliards d'euros dans les départements et collectivités d'outre-mer. Le Gouvernement n'entend pas revenir sur le soutien apporté à l'acquisition et au renouvellement des moyens de production outre-mer : les entreprises ultramarines sont confrontées à des handicaps structurels, reconnus, bien identifiés par l'Union européenne ; l'aide fiscale à l'investissement est un outil fondamental pour les compenser. Chacun le comprend ; nous en avons encore parlé récemment à nos interlocuteurs bruxellois.
Nous rencontrions toutefois une difficulté technique : le droit national fixe la fin de ce dispositif au 31 décembre 2017. Cela a une conséquence pratique : de nombreux dossiers, qui seront soumis à agrément durant les derniers mois du dispositif, risquent d'être bloqués. Afin de répondre à cette difficulté, nous avons donc prévu dans l'article 43 du projet de loi de finances un dispositif transitoire. Nous espérions ainsi, en précisant en particulier que les dossiers pourraient être déposés jusqu'à la fin de l'année 2017, avoir clarifié les conditions dans lesquelles il serait possible d'investir outre-mer au cours des deux prochaines années.
Cet article, à nos yeux plutôt intéressant, a toutefois fait naître une inquiétude : puisqu'il était possible de déposer des dossiers jusqu'au 31 décembre 2017, fallait-il entendre que le dispositif ne s'arrêterait qu'en 2018 ?
Christian Eckert et moi-même avons donc travaillé avec les élus et les socioprofessionnels ; nous avons pris la décision de faire évoluer le dispositif dès cette année afin de donner aux entreprises ultramarines une plus grande visibilité sur ce qui se passera après 2017. Bien sûr, nous avions déjà une idée précise de ce que nous allions proposer, mais nous souhaitions procéder à une concertation approfondie. Toutefois, pour éviter de nourrir les inquiétudes, nous avons décidé de poser d'ores et déjà les bases du nouveau dispositif. Cela permettra de clarifier nos intentions. Il est évident que personne n'entend suspendre les aides aux entreprises ultramarines : le chômage de masse frappe durement les territoires, ce qui rend d'autant plus indispensable d'aider ces entreprises à surmonter leurs handicaps structurels.
Le mécanisme retenu distingue les collectivités dotées de l'autonomie fiscale des autres.
Dans les premières, où nous ne pouvons pas utiliser le mécanisme du crédit d'impôt, nous devons conserver les mécanismes de défiscalisation classiques, pour le logement social comme pour l'investissement productif. Nous maintiendrons donc le dispositif existant, sans pour autant nous interdire de réfléchir à des évolutions de ses modalités de fonctionnement – je pense par exemple à la possibilité de déconcentrer la décision – ou de renforcer les contrôles. Si nous voulons sauvegarder ce dispositif, il nous faut éviter d'attiser les critiques et donc donner des gages de sérieux.
Dans les collectivités qui relèvent de la fiscalité de droit commun, en revanche, nous pourrons associer la défiscalisation à une généralisation du mécanisme de crédit d'impôt : celui-ci s'appliquera désormais à l'ensemble du secteur du logement social. Dans le secteur de l'investissement productif, le crédit d'impôt sera étendu aux opérations réalisées par les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 20 millions d'euros, seuil actuellement en vigueur. La défiscalisation classique sera maintenue pour les investissements d'un montant inférieur au seuil d'agrément.
Ces informations permettront aux acteurs économiques d'y voir plus clair : le dispositif actuel ne sera pas simplement prorogé ; il sera modernisé, en tenant compte des imperfections constatées aujourd'hui, et calé sur les différentes géographies ultramarines.
Cette annonce est importante, car de nombreuses questions s'étaient fait jour depuis l'an dernier. Ce dispositif sera à même, me semble-t-il, d'assurer le développement économique des territoires, ainsi qu'une bonne articulation de nos dispositifs fiscaux avec les besoins et les attentes des entreprises.
Le contexte financier national et européen est, nul ne l'ignore, extrêmement contraint. Ce budget concilie l'impératif de réduction des dépenses publiques et la volonté, réaffirmée par le Président de la République, de faire des outre-mer une chance pour la France. Cet exposé liminaire visait à répondre aux inquiétudes qui se sont exprimées : j'espère, monsieur le rapporteur spécial, que vous voilà rassuré.
Vous avez également, monsieur Ollier, évoqué le resserrement des exonérations de cotisations sociales, traité, comme cela se doit, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. M. Letchimy a également abordé cette question. Je m'en suis expliquée.
Nos choix n'auront pas d'incidence négative sur l'économie ; ce qui importe aujourd'hui, j'en suis persuadée, c'est que les chefs d'entreprise apprennent à connaître et à utiliser les aides qui leur sont destinées.
S'agissant de l'aide au fret, il nous est difficile de l'étendre : les trajets régionaux ne peuvent recevoir les mêmes financements que les trajets entre la métropole et les outre-mer. Il faudra trouver une autre solution ; aujourd'hui, je ne vois pas laquelle.
M. Marie-Jeanne a souligné les problèmes majeurs des prisons outre-mer. La modernisation et la mise aux normes sont extrêmement en retard, le nombre de places très insuffisant, et du coup le taux de suroccupation relativement élevé.
Un rapport a pris la mesure du problème, et le ministère de la justice a mis en chantier certaines réhabilitations urgentes – on se souvient que la prison du Camp Est en Nouvelle-Calédonie a été appelée « la honte de la République ». Des efforts considérables ont été également été faits à Mayotte.
Il nous faut maintenant hiérarchiser les investissements. Je n'ignore pas les mouvements d'humeur des personnels pénitentiaires des Antilles : nous y sommes extrêmement attentifs. Mais nous sommes dans une perpétuelle course-poursuite entre la construction de places et l'augmentation du nombre de personnes placées en détention.
Le développement des aménagements de peine et des peines alternatives est l'une des clés du problème. Mais cela suppose de pouvoir faire appel à des associations à même de prendre en charge les détenus concernés. C'est un gros travail, auquel Christiane Taubira s'attelle avec beaucoup de détermination. Nous avons également rouvert un centre pour mineurs en Guadeloupe.
Nous travaillons avec le Défenseur des droits pour améliorer les situations qui méritent de l'être. L'aide juridictionnelle va, vous le savez, être réformée pour permettre un meilleur accès de tous au droit.
Vous avez évoqué les centres de semi-liberté : je verrai, avec Mme la garde des sceaux, comment nous pouvons accélérer les projets en ce domaine. Ce sont des dispositifs très importants notamment pour les jeunes, à qui il faut permettre de sortir de la délinquance et de prendre au plus vite un meilleur chemin.
Nous comptons beaucoup sur le travail confiant entre les élus et les services de police et de gendarmerie, notamment au sein des comités de prévention de la délinquance. Vous faites vraiment là oeuvre utile.
La création d'une cour d'appel à Mayotte va certainement dans le sens de l'histoire, mais il n'y a pas à ma connaissance de projet à court terme en ce sens. Il existe aujourd'hui une chambre d'appel détachée. Je verrai avec Mme Taubira ce qu'elle peut proposer dans des délais raisonnables.
Je crois avoir répondu aux questions que M. Aboubacar a posées sur la défiscalisation.
L'avenir de la filière nickel en Nouvelle-Calédonie est une question grave, et je sais que les élus travaillent d'arrache-pied pour essayer de la sauver. J'espère de tout coeur que nous y arriverons. Le contrat de développement a été prolongé. Il me semble que la Nouvelle-Calédonie a été traitée de façon très équitable.
En ce qui concerne la Polynésie française, nous avons réactivé la commission de suivi de l'indemnisation des victimes des essais nucléaires, qui n'avait pas encore été réunie : elle est maintenant installée, grâce à Mme Marisol Touraine. Elle suivra de près le fonctionnement et les actes de l'autorité indépendante – mais celle-ci, comme son nom l'indique, ne reçoit pas d'ordres… Nous pouvons souhaiter que les décisions prises soient plus satisfaisantes, et qu'il y ait davantage de reconnaissance pour les victimes. Il ne paraît pas nécessaire de changer la loi, mais d'en faire une interprétation plus compréhensive : vous n'ignorez pas que l'on peut indemniser une victime sauf si son exposition au risque est « négligeable » – et tout dépend de ce que l'on entend par ce mot. Il faudra regarder de près les décisions rendues.
Nous constatons aussi que le nombre de dossiers déposés est bien moindre que ce à quoi on pourrait s'attendre : il faut, là encore, voir avec les intéressés si une aide peut leur être apportée.
Nous allons bien évidemment respecter les engagements relatifs à la dette nucléaire.
Nous y sommes attentifs à la situation budgétaire de la Polynésie française. En raison de la baisse des dotations qui affecte les collectivités métropolitaines, vous savez que le budget de la Polynésie n'est plus, depuis l'an dernier, indexé sur la dotation globale de fonctionnement (DGF) : c'est une situation favorable à ce territoire. Nous soutenons le régime de solidarité de Polynésie française (RSPF) et nous l'avons inscrit dans notre budget afin d'assurer son bon fonctionnement.
En ce qui concerne Saint-Martin, nous avons pris des mesures concernant le RSA. Vous soulignez à raison la nécessité d'améliorer le cadastre afin de lever l'impôt correctement. Nous avons constaté une certaine nervosité de la population : nous devons nous montrer vigilants.
Un mot enfin sur la COP21 et la biodiversité. La Conférences des parties pourra créer une prise de conscience : 80 % de la biodiversité française est outre-mer, beaucoup de solutions innovantes aussi ; c'est grâce aux outre-mer que la France se retrouve avec un domaine maritime immense, et nous savons le rôle majeur des océans dans la lutte contre le réchauffement climatique. J'espère donc que les peuples pourront apprécier l'importance des outre-mer pour notre pays.