Madame la ministre, vous êtes parvenue, et nous ne pouvons que vous en féliciter, à obtenir que les crédits prévus pour la mission « Outre-mer » soient maintenus ; vous avez respecté le sérieux budgétaire en adoptant une ventilation un peu différente des crédits. Le maintien du niveau d'engagement financier de l'État est la preuve que les outre-mer, confrontés à des difficultés particulières, restent une priorité pour le Gouvernement.
En ce sens, l'accent mis sur les conditions de vie et la lutte contre la vie chère est fondamental. Les moyens du programme 123 sont significativement augmentés, ce qui permettra la mise en oeuvre de politiques volontaires en matière de logement, d'éducation ou encore d'infrastructures. Il s'agit ici de permettre aux habitants des territoires ultramarins d'avoir la possibilité de vivre mieux.
Outre-mer peut-être plus qu'ailleurs compte tenu des chiffres du chômage, il est nécessaire de mettre en place une action déterminée pour encourager l'activité économique. Le programme 138 « Emploi outre-mer » met l'accent sur la compétitivité des entreprises, sur la qualification des salariés et sur la lutte contre l'exclusion, grâce notamment à un fort soutien apporté au service militaire adapté, qui permet aux jeunes en difficulté de prendre un nouveau départ en acquérant une vraie employabilité.
L'aide aux entreprises constitue un levier essentiel de la croissance et du soutien à l'emploi. Ces aides passent par des exonérations de cotisations patronales et par la montée en puissance du CICE.
Par ailleurs, la mobilisation des crédits en faveur de l'insertion professionnelle permettra une amélioration de la qualification des travailleurs.
J'aurais pu également évoquer les orientations fixées à l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM).
Pour ces raisons, madame la ministre, et au-delà des questions que soulèveront mes collègues, le groupe socialiste, républicain et citoyen soutiendra ce budget.
M. Philippe Gomes J'ai l'impression de tenir, ce soir, des propos identiques à ceux que je tiens depuis 2012. Année après année en effet, j'accueille, comme sans doute de nombreux parlementaires réunis ici, les budgets consacrés à nos territoires ultramarins avec un sentiment partagé, entre dépit et soulagement.
Du soulagement d'abord, parce que pour l'année prochaine encore, le budget de la mission « Outre-mer » est préservé, alors même que nous traversons une période budgétaire particulièrement contrainte. Croyez bien, madame la ministre, que nous en avons tous conscience. Avec 2,018 milliards d'euros en crédits de paiement pour l'année 2016 – soit une augmentation inférieure à 1 % – le budget des outre-mer présente une relative stabilité par rapport aux années précédentes.
Comme l'an dernier, il apporte quelques réels motifs de satisfaction. J'aurai l'occasion de revenir plus dans le détail sur ces différents points lors de l'examen du texte en séance publique.
Mais ce soulagement, tout relatif, s'accompagne néanmoins du dépit de constater cette année encore combien votre budget manque cruellement d'ambition, ne serait-ce que dans ses fléchages. Plus globalement, la part allouée aux outre-mer dans le financement transversal ne permet aucunement à nos territoires de rattraper leurs injustes retards – dont la liste est longue – par rapport à l'hexagone.
Du dépit encore, en raison du flou autour de la fin annoncée des aides fiscales en faveur des investissements outre-mer. Ces aides répondent pourtant aux réalités ultramarines ; elles structurent et dynamisent nos économies en favorisant notamment la naissance de véritables filières et la valorisation de nos territoires. Afin de redonner une dynamique à nos économies locales en souffrance, et assurer ainsi la relance par l'investissement et la création d'emplois, il m'apparaît plus que nécessaire de proroger les aides fiscales en faveur des investissements outre-mer, comme l'a demandé entre autres M. le rapporteur spécial.
Je précise ici que j'ai bien entendu vos réponses, madame la ministre, ainsi que celles de M. le secrétaire d'État au budget : je suis donc rassuré sur l'avenir de la défiscalisation.
Du dépit sur d'autres aspects de votre budget : je m'interroge ainsi sur le recentrage des exonérations sur les bas et moyens salaires, et sa justification par la montée en puissance du CICE. Cette baisse des exonérations correspondrait à une volonté de coordination entre les exonérations issues de la LODEOM et celles du CICE dont le taux est majoré à 9 % pour les entreprises ultramarines à partir de 2016. Ce remaniement du dispositif expliquerait une baisse des crédits de plus de 70 millions d'euros.
Mais ce CICE à 9 % entrera-t-il en vigueur en janvier ou en avril 2016 ? Cela n'aurait évidemment pas les mêmes effets comptables sur les entreprises concernées.
S'agissant de l'application du CICE outre-mer, je souligne à nouveau la situation particulière des collectivités d'outre-mer régies par l'article 74. Vous le savez Madame la Ministre, le CICE – renforcé ou pas ! – n'est à ce jour toujours pas applicable dans les collectivités publiques dotées de l'autonomie fiscale. L'an passé, autour de cette même table, pour justifier le choix de votre gouvernement de maintenir l'exclusion de ces collectivités de ce dispositif, vous n'aviez pas hésité à parler de « rançon de la responsabilisation ». Expression malheureuse : cette exclusion représente surtout un lourd préjudice pour les collectivités concernées, qui affichent pour la plupart des trésoreries exsangues, ce que vous n'ignorez pas, madame la ministre.
C'est le cas à Saint-Martin par exemple, où les entreprises, en crise, demeurent privées de cette opportunité de développement et se retrouvent dans une situation inextricable de double concurrence : celle de leur immédiat voisin néerlandais et celle des DOM voisins.
Je remercie à ce propos M. Aboubacar de ses remarques très justes sur la situation de Saint-Martin.
Je regrette donc ici, une nouvelle fois, qu'une loi nationale instaure une disposition discriminante à l'égard d'autres territoires français. Madame la ministre, pour compenser l'absence du CICE dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution, allez-vous instaurer, en accord avec l'État, une politique contractuelle débouchant sur la mise en place de véritables schémas de développement économique ?