Intervention de Jean-Jacques Guillet

Réunion du 14 octobre 2015 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Guillet :

Le tiers du budget consacré aux dépenses publiques est dévolu pour l'essentiel à des subventions, en particulier à l'électricité. Celle-ci est vendue à un prix très bas, ce qui empêche de réaliser des investissements. On se retrouve donc avec une capacité de production de 1 400 mégawatts alors qu'il en faudrait environ 3 000. Le fait que l'électricité soit coupée régulièrement fait fonctionner toutes les sociétés qui fabriquent et distribuent des groupes électrogènes. La société d'électricité EDL a elle-même une filiale importante qui fournit ce type d'appareils. Le lobby des fabricants n'a aucun intérêt à ce qu'on construise des unités de production d'électricité. C'est aussi une traduction du confessionnalisme : toutes les communautés ont un intérêt dans une société de groupes électrogènes et personne n'a donc véritablement avantage à ce que la situation se résolve. Cette question illustre assez bien le blocage général de la vie politique et de la société au Liban.

Le confessionnalisme est-il un obstacle ? C'est incontestable, mais il n'y a pas, d'une certaine manière, de Liban sans confessionnalisme. Quand la Turquie ottomane a créé le système des millets dans l'ensemble de l'empire, on est parti du principe au Liban que le pays serait gouverné sur la base des communautés religieuses. La France a conforté ce système pendant la période du mandat. Si on voulait au contraire adopter un système de type républicain classique et laïque, il n'y aurait plus de Liban, ce pays étant fondé sur l'existence et la liberté des communautés.

Ce ne sont plus les grandes familles et les féodaux qui tiennent le pays, chez les chrétiens, les druzes ou les chiites. Samir Geagea ou le général Aoun n'en font d'ailleurs pas partie. Autrefois, on pouvait s'entretuer, mais les grandes familles arrivaient à s'arranger entre elles. Quant au général Aoun, je ne pense pas qu'il soit à la mesure du général de Gaulle, dont il s'inspire. Il fait reposer toute son action politique sur une alliance avec le Hezbollah, ne serait-ce que pour des raisons électorales. Il a le sentiment que le Liban ne peut pas continuer à exister sans une alliance entre chrétiens et chiites, ce qui le conduit à s'orienter vers la Syrie, alors qu'il en était l'ennemi à l'origine, ou vers l'Iran.

Enfin, le Liban n'est pas une priorité de l'Iran et de l'Arabie saoudite, mais il n'est pas impossible que leur confrontation ait une traduction un jour ou l'autre dans le pays. Cela étant, il y a moins de risque que ce soit le cas qu'ailleurs dans la région car la phobie de la guerre civile est particulièrement prononcée chez les Libanais.

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