Monsieur Piron, vous venez d'évoquer le Louvre-Lens : il est le symbole d'une action culturelle réussie. Démocratisation, excellence et décentralisation culturelle définissent ce musée inauguré par le Président François Hollande après huit années de travaux.
Le Louvre parisien attire plus de 8,8 millions de visiteurs, ce qui le place loin devant le British Museum londonien et le Metropolitan Museum of art de New York, mais, à Paris, le public ne peut voir que 10 % des 350 000 oeuvres qu'abrite le musée : 90 % d'entre elles se cachent dans les réserves, parfois en attente de restauration.
Le Louvre-Lens, avec ses 900 oeuvres exposées, puise dans huit départements du Louvre parisien : antiquités orientales, égyptiennes, grecques, étrusques et romaines, arts de l'Islam, objets d'art, arts graphiques, sculptures et peintures. Il s'intéresse à toutes les techniques et à toutes les périodes couvertes par la maison mère.
Le Louvre implanté à Lens ne se contente pas du statut de mini-Louvre. L'agence japonaise SANAA, concepteur du site, et le scénographe du Louvre-Lens ont choisi de ne pas céder à l'accrochage classique des musées des Beaux-Arts, en créant notamment une Galerie du Temps. Dans un espace décloisonné de 3 000 mètres carrés, 205 oeuvres retracent l'histoire de l'art, de l'Antiquité à 1830 : aucune n'est accrochée au mur, et les visiteurs peuvent déambuler au milieu des tableaux, sculptures, gravures ou manuscrits. Nous pouvons saluer le travail de l'équipe du Louvre-Lens et de son directeur, Xavier Dectot : l'établissement a accueilli 1,4 million de visiteurs depuis son ouverture, dont 500 000 durant la deuxième année. La bonne situation géographique, l'architecture contemporaine et l'exposition inaugurale de qualité sont à l'origine de cette réussite.
Dans une région en difficulté, l'implantation du Louvre est un vrai bol d'air. Si certains voient le Louvre-Lens comme un coût déraisonnable et une charge pour les collectivités et l'État, qui n'a financé directement que 4 % de la construction, je vois ce musée comme une chance pour tous les habitants de la région. La construction a coûté 150 millions d'euros financés notamment à 60 % par la région Nord-Pas-de-Calais et à 20 % par l'Europe. Son budget annuel de 15,5 millions d'euros est assumé à 80 % par la région.
Les objectifs de fréquentation avaient été fixés, avant l'ouverture du musée, à 700 000 visiteurs pour la première année, puis à 500 000 visiteurs par an. L'objectif est tenu et même dépassé, puisque l'année inaugurale a vu défiler 900 000 visiteurs. Après le musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MuCEM) de Marseille, le Louvre-Lens est le musée le plus fréquenté de province.
L'éducation et la démocratisation culturelles sont au coeur du projet de ce musée. Il s'agit d'objectifs majeurs dans un département dont les habitants de moins de vingt ans représentent 27 % de la population, alors qu'on en compte 24,5 % au niveau national, où le taux de diplômés de l'enseignement supérieur est inférieur de 10 % au taux moyen enregistré dans le pays, et où le revenu moyen est très inférieur à celui des Français. Parmi les 1,4 million de visiteurs du Louvre-Lens, 50 % sont originaires du Nord-Pas-de-Calais et 16 % du territoire environnant, ce qui montre que la population du Nord s'est véritablement approprié le musée. La médiation et l'attention portée à la diversification du public sont exemplaires. Des actions et des ateliers spécifiques sont développés pour tous les niveaux scolaires : écoliers, collégiens, lycéens, mais également pour les étudiants de la région et les enseignants. Au total, ce sont près de 70 000 élèves et enseignants qui ont visité le Louvre-Lens en 2013.
À côté de ces actions fondamentales, le musée présente aussi des expositions ambitieuses pour attirer un public étranger ou français – nous regrettons seulement que la moyenne d'âge des visiteurs individuels soit élevée : cinquante-deux ans. Beaucoup d'entre eux ne seraient pas venus dans la région sans le Louvre, et le musée permet de réinventer notre vision d'une région trop souvent dépréciée. Le Président François Hollande a annoncé qu'une grande exposition sur la Mésopotamie serait organisée, en collaboration avec le musée national d'Irak, dans l'antenne de Lens, à l'automne 2016. Le Louvre-Lens est entré dans le paysage national culturel ; il va y rester.
Cette implantation porte la conviction que le développement de l'offre culturelle est un puissant facteur de cohésion et de transformation sociales, d'essor économique, et de renouveau territorial.