Intervention de Gilda Hobert

Réunion du 28 octobre 2015 à 16h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilda Hobert :

Je tiens tout d'abord à remercier nos rapporteurs pour avis pour leurs rapports circonstanciés qui démontrent, par le bilan qu'ils dressent, l'importance des processus de création et du patrimoine, qui sont des fleurons de notre nation.

L'augmentation des crédits de la culture pour 2016 concrétise l'attachement porté à ces missions : avec près de 668 millions d'euros d'autorisations d'engagement sur la période 2016, ce budget dépasse de plus de 9 millions celui du précédent exercice.

Cette augmentation est primordiale, par exemple, pour les soixante et onze scènes nationales qui prennent de grands risques. Elles jalonnent notre territoire où elles font partager des savoirs, innovent et perpétuent une tradition culturelle. L'éclectisme est sans doute ce qui définit le mieux ces scènes nationales, qui regroupent soixante-dix disciplines, où se côtoient le théâtre, la musique ou le cirque, et qui ont accueilli plus de 3 millions de spectateurs durant la saison 2013-2014.

Je tiens tout de même à relayer la parole de certains artistes et créateurs, qui disent pratiquer inconsciemment une sorte d'autocensure de leurs élans créatifs. Ils craignent en effet que des idées ou des conceptions esthétiques particulières ne soient pas suivies, notamment sur le plan financier.

Je souhaite évidemment saluer la diversité générale de ces scènes, qui dépasse le cadre artistique. Sur des territoires variés, cette diversité bénéficie à tous et participe à un maillage territorial indispensable au vivre ensemble et à l'équité de traitement entre tous les publics. C'est le cas par exemple à Bobigny, avec la MC93, mais aussi à Gennevilliers ou à Saint-Denis, où les projets des centres dramatiques sont également défendus par les municipalités. Des ateliers découverte sont souvent ouverts dans les locaux des scènes nationales, dans des écoles en milieu rural et urbain et dans des quartiers, qu'ils soient ou non prioritaires.

Les scènes nationales, fortes de leur succès, doivent être soutenues par l'État et les collectivités. Elles restent profondément dépendantes des subventions et de leurs conditions d'attribution. Elles pratiquent des tarifications réduites et même la gratuité, ce qui est certes attractif, persuasif et indispensable pour les publics les plus éloignés de l'offre culturelle, mais ce qui implique de construire des budgets très serrés.

Madame la rapporteure pour avis, vous avez cité Chambéry. Le cas de l'espace Malraux est criant de vérité. Devant une baisse drastique des subventions de la commune, de l'ordre de 22 %, la programmation a dû être amputée de près de quinze spectacles, et le risque est grand que le label « Scène nationale » soit retiré à cette structure. Quinze spectacles en moins, c'est trente-six salariés et quatre-vingts intermittents qui risquent de perdre leurs emplois, preuve que ces scènes ont, en plus d'une responsabilité artistique et publique, une responsabilité professionnelle et humaine.

Devant l'importance du développement de ces lieux, saluée par l'augmentation du budget de la culture dans le projet de loi de finances, en ayant conscience des fragilités, notamment financières, qui demeurent, pensez-vous que puissent être maintenues des scènes de création, notamment les scènes nationales, sur les territoires en tension, alors que leur présence, bien que précaire, est indispensable ?

Nous retrouvons ces points sensibles avec la question du Louvre-Lens, dont la construction est un acte politique et culturel fort, prônant le développement par la culture de territoires en crise. Se mêlent des motifs de satisfaction – une programmation ambitieuse, une démocratisation de la culture, avec une fréquentation des jeunes de moins de dix-huit ans en hausse constante – et des sujets sur lesquels il faut rester vigilant, comme le refus d'une appellation « Musée de France » faute de collection permanente. Comment, selon vous, ne pas entraver la vitalité de ce musée, vitrine nouvelle du patrimoine et de la culture française, dont l'emplacement à Lens est une richesse pour le territoire, mais peut également être source de fragilité ?

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