Intervention de François de Mazières

Réunion du 28 octobre 2015 à 16h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Mazières :

Je m'associe aux félicitations adressées à nos deux rapporteurs pour avis. Je concentrerai, quant à moi, mon intervention sur les problèmes de patrimoine, mais je tiens à rappeler que la labellisation ne concerne pas uniquement les scènes nationales, puisque 290 établissements sont labellisés. Celles-ci sont très nécessaires, mais pourront-elles se maintenir, compte tenu des contraintes ? On l'espère.

J'en viens au budget du patrimoine. A priori, celui-ci augmente de 16 % en 2016, mais il s'agit d'une hausse en trompe-l'oeil. En effet, l'augmentation de 121 millions d'euros des crédits de paiement sera absorbée par la budgétisation, à hauteur de 118 millions d'euros, de la redevance d'archéologie préventive. Si l'on neutralise l'effet de cette budgétisation et que l'on intègre l'inflation, les crédits du patrimoine diminuent en fait de 4,5 millions d'euros en 2016. Surtout, si l'on observe les choix budgétaires opérés par le ministère, on s'aperçoit que la protection du patrimoine monumental n'est plus assurée. Les crédits de l'action correspondante sont en effet stabilisés par rapport à 2015, mais ils le sont à un niveau bien inférieur à celui de 2012 ; la variation est tout de même de 50 millions d'euros en crédits de paiement, soit une baisse de 16 % depuis 2012. Je me souviens que l'on disait, il y a quelques années, qu'en deçà de 300 millions d'euros, on ne pourrait plus sauvegarder notre patrimoine dans de bonnes conditions ; nous y sommes !

Le problème de l'exécution budgétaire est plus grave encore. Les crédits de l'action « Patrimoine monumental » présentaient un taux de consommation de seulement 80 % en 2014, du fait de moindres dépenses d'investissement – moins 13 millions d'euros – et d'intervention : moins 37 millions d'euros. Comme vous le soulignez, monsieur le rapporteur pour avis, non seulement 5 % des monuments historiques sont en péril aujourd'hui, mais de plus en plus de monuments attendent des travaux urgents, qui sont reportés faute d'argent. Sont concernés non seulement les monuments publics, mais aussi les monuments privés : de plus en plus de châteaux sont en vente, et les associations de défense du patrimoine nous alertent sur le fait que les difficultés croissantes liées à la gestion de ces biens posent un problème de conservation.

Face à ces constats, le législateur peut agir, comme en témoignent les propositions de notre collègue sénateur Vincent Eblé sur les dépenses fiscales relatives à la préservation du patrimoine historique bâti. Son rapport d'information ouvre en effet des pistes très intéressantes quant aux objectifs de la dépense fiscale. Je pense, par exemple, à la question fondamentale de la réintégration des monuments historiques inscrits, qui ont été exclus du bénéfice des avantages fiscaux. De fait, si l'on veut rénover les monuments historiques, on ne peut oublier les monuments inscrits, qui sont plus nombreux aujourd'hui que les monuments classés. Qu'en pensez-vous, monsieur le rapporteur pour avis ?

Par ailleurs, l'enthousiasme qu'a suscité l'ouverture, sept jours sur sept, des grands établissements culturels m'inspire la question suivante. La ministre s'est voulue rassurante en indiquant, dans le dossier de presse diffusé par le ministère, que près de 70 emplois équivalents temps plein seraient mobilisés pour accompagner la mesure. Mais, dans votre avis, vous évoquez 94 emplois. Pouvez-vous nous éclairer sur les effectifs réellement mobilisés ? Surtout, cette prévision est-elle réaliste, au regard de la diminution de 63 équivalents temps plein du plafond d'emplois du ministère ? En outre, le budget de fonctionnement d'un musée est lourd ; il s'élève, pour un jour cumulé de fonctionnement du Louvre, d'Orsay et du château de Versailles, à 735 000 euros, selon le plafond annuel de performances, soit 39 millions d'euros par an. Se pose donc, de manière générale, la question du financement de cette mesure.

Enfin, lorsque je constate que les budgets des établissements publics sont en déficit – qu'il s'agisse de celui que je gérais il y a encore quelque temps, la Cité de l'architecture et du patrimoine, ou de celui du musée du quai Branly, qui est en déficit de 5 millions –, je suis très inquiet pour l'avenir de la culture en France.

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