Monsieur le président, mesdames et messieurs, votre invitation est un honneur pour l'AFIGESE. Je vous prie tout d'abord d'excuser le président Laurent Mazière, qui aurait dû être à ma place, mais qui a pris hier ses fonctions de directeur général des services au Conseil départemental de l'Allier et qui a jugé inapproprié – même pour une excellente raison – d'être absent dès le deuxième jour.
Je suis très heureux de participer à vos réflexions, à la fois comme membre du conseil d'administration de l'AFIGESE – dont je fus le président, entre 2002 et 2006 – et comme professeur associé à l'université de Cergy-Pontoise. J'ajoute que je suis également aujourd'hui consultant à titre privé ; je travaille notamment beaucoup sur les questions liées à la métropole du Grand Paris.
L'AFIGESE rassemble aujourd'hui près de 360 collectivités locales, représentées par l'intermédiaire de leurs cadres territoriaux : directeurs des finances, responsables de services financiers, responsables de services de contrôle de gestion, évaluateurs des politiques publiques. À ce titre, ce sont plus de 600 personnes qui participent régulièrement aux travaux de notre association.
Ces travaux ont pris la forme de nos dernières Assises, les vingtièmes, qui se sont tenues la semaine dernière à Tours. Ils prennent également la forme de séances de formation à caractère technique relativement poussé, mais aussi – et c'est sans doute le plus important – de groupes de travail qui réfléchissent, dans une configuration associant des cadres territoriaux et, le cas échéant, des partenaires publics et privés, à la professionnalisation de nos métiers, à la mise en oeuvre et au partage de bonnes pratiques, et à la définition d'outils permettant aux collectivités territoriales d'améliorer et de qualifier davantage encore leur gestion. Si vous le permettez, monsieur le président, l'AFIGESE enverra à votre commission un certain nombre de documents, dont vous pourrez apprécier la pertinence et, éventuellement, l'intérêt de la généralisation.
Dans un premier temps, j'interviendrai sous l'angle managérial, pour vous montrer – ce qui est notamment ressorti des réflexions de la semaine dernière – comment les cadres financiers, gestionnaires, évaluateurs, prennent aujourd'hui en compte la contrainte budgétaire, pour tenter de dégager au bénéfice de leurs élus des pistes d'amélioration, des éléments de choix, une objectivation des priorités, et leur permettre de décider dans les meilleures conditions.
Dans un deuxième temps, je mettrai ma casquette de professeur à l'université pour revenir sur certaines questions de fond au regard du nouveau contexte budgétaire. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt la majeure partie des contributions qui ont été apportées à votre commission par les intervenants précédents. Cependant, sur certains points, je tiendrai un propos un peu différent. Cela appellera naturellement le débat.
Il est donc important de remarquer qu'aujourd'hui, une bonne partie des outils de gestion qui existent depuis longtemps – comme le travail sur la fiscalité, sur la qualité de la comptabilité, sur l'introduction du contrôle de gestion dans des éléments de tarification, etc. – évoluent dans un sens beaucoup plus large autour de la meilleure identification du coût des politiques publiques dans leur ensemble.
Le premier exemple qui me vient à l'idée est celui du pacte financier et fiscal construit entre les communes et leurs groupements, historiquement pour faciliter la redistribution d'une partie de la ressource fiscale, soit au bénéfice des communes sur lesquelles étaient implantées des bases de taxe professionnelle importante, soit au bénéfice des communes considérées comme défavorisées. Aujourd'hui, en effet, le pacte financier et fiscal évolue beaucoup plus comme un outil de politique partagée : définition des grandes orientations d'action, des maîtrises d'ouvrage, de la répartition des responsabilités, voire des choix. Par exemple, en matière patrimoniale, ces choix doivent être faits ensemble : par la structure intercommunale quand elle assume la compétence, mais aussi par les communes quand elles accueillent les publics.
C'est le cas de la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise, qui a travaillé sur son pacte financier et fiscal dans une optique de maîtrise de son urbanisation jusqu'en 2020, pour définir avec ses communes un certain nombre de choix et, notamment, prendre des orientations clés en matière d'équipement scolaire – par exemple, en déterminant que le temps des constructions neuves était terminé, et qu'il fallait admettre que l'extension des capacités scolaires passerait désormais uniquement par l'extension des groupes existants. C'est évidemment un choix technique, mais c'est aussi un choix politique, dans la mesure où il répond peut-être moins favorablement aux demandes des familles qui souhaiteraient avoir accès à des équipements plus proches de leur domicile.
Autre exemple : celui de l'analyse économique. Conçue depuis très longtemps, notamment au niveau de l'État, comme un élément d'appréciation des choix d'investissement, elle avait été très fréquemment négligée dans les collectivités locales, en partie faute de capacités techniques. Aujourd'hui c'est devenu un élément important d'aide à la décision.
On pourrait aussi citer certains travaux – menés dans les années 1980 et oubliés depuis – d'analyse des coûts de la croissance urbaine. Il s'agit de mieux anticiper ce que représentera, en termes d'infrastructures, de superstructures, d'équipements collectifs et de services offerts à la population, telle ou telle augmentation démographique.
Je pense également à la comptabilité analytique, relativement peu répandue et qui l'a souvent été dans une logique d'identification des coûts des services, pour faciliter les choix en matière de tarification, et éventuellement en matière de modes de gestion. Or la tendance actuelle, dans les collectivités les plus avancées, est de généraliser la comptabilité analytique à l'ensemble des actions, pour identifier le coût des politiques publiques dans leur ensemble. Je peux vous citer le cas du conseil départemental du Bas-Rhin, qui a mené à bien une démarche globale de recherche du coût de ces politiques publiques – démarche intéressée puisque le conseil départemental est en négociation avec la métropole urbaine de Strasbourg sur d'éventuels transferts de compétences.
Il me semble donc qu'il conviendrait de réfléchir, car ce serait un vrai moyen d'amélioration de la connaissance, à une modification importante du plan comptable général, adopté progressivement à partir de 1997. Celui-ci est certainement plus performant que le précédent, mais il est encore loin de faciliter l'information exhaustive sur le coût des politiques publiques. En ce domaine, nous pourrions prendre l'exemple de la Suisse, qui a beaucoup développé la modernisation de ses outils.
S'agissant ainsi de la gestion patrimoniale, alors que le patrimoine des collectivités territoriales est assez souvent mal connu, et pas nécessairement géré de façon optimale, des politiques de gestion patrimoniale se sont mises en place depuis quelques années afin d'apprécier si la collectivité doit ou non rester propriétaire, et si elle doit, ou non, confier la gestion d'une partie du domaine privé à des professionnels du métier. En outre, l'analyse patrimoniale est devenue un élément de justification auprès des prêteurs dans une logique de meilleure qualité du bilan, et un outil intéressant dans les relations avec les tiers, notamment en matière de tarification. Ainsi, certaines collectivités ont commencé à faire évoluer leur tarif en fonction de l'utilité individuelle, ou non, de l'utilisation du patrimoine public par des partenaires, même associatifs.
C'est un exemple intéressant d'amélioration et donc de construction d'un outil dans une logique qui, derrière l'aspect financier, intègre la recherche des valeurs du service public. Le domaine public est-il fait pour servir de façon générale à chacun, sans que l'on ait à apprécier l'utilité individuelle que chacun peut en tirer ? Ou la collectivité territoriale a-t-elle son mot à dire par rapport aux pratiques individuelles, voire aux pratiques collectives ? En effet, soit ces pratiques s'inscrivent dans le cadre des politiques publiques définies par la collectivité : auquel cas, les associations doivent être soutenues. Soit ces pratiques s'inscrivent simplement dans un cadre d'intérêt partagé par plusieurs personnes, mais en dehors du champ prioritaire de l'action publique : auquel cas, la réponse peut très bien être différente.
J'en viens au partage de la culture du contrôle de gestion. À l'origine, il y a une vingtaine d'années, la plupart des outils de contrôle de gestion ont été mis en place, notamment sous l'inspiration de techniques anglo-saxonnes, dans un objectif de réduction abrupte des coûts. À présent, la plupart des collectivités les considèrent comme des instruments de dialogue. Cela signifie que les contrôleurs de gestion interviennent aujourd'hui dans des champs qui ne sont plus simplement les champs initiaux du contrôle et de l'analyse de leur service. Ils interviennent, par exemple, dans la négociation avec les délégataires pour qualifier le niveau de la délégation et exiger des partenaires privés la performance que l'on est en droit d'en attendre.
L'évaluation des politiques publiques – évidemment développées dans les collectivités qui en ont la capacité – est entendue, quant à elle, comme un outil d'objectivation des priorités d'action publique. À cet égard, la démarche qui consiste à montrer qu'une politique publique doit s'évaluer au regard non seulement de l'impact qu'elle a pour son décideur ou la collectivité qui en a la compétence, mais également de l'impact général qu'elle a sur le terrain, me paraît très intéressante.
Ainsi a-t-on expliqué à un conseil départemental qui avait demandé une évaluation de ses politiques d'insertion que l'on pouvait non seulement apprécier le coût des mesures prises mais également anticiper ce que coûterait ce que l'on ne faisait pas – soit les effets d'une absence totale de politique d'insertion en termes de non-employabilité, de désespérance sociale, voire d'autres aspects qui concernent éventuellement l'État ou d'autres collectivités que le département mais qui, d'une façon générale, ont un impact sur les finances publiques.
La mutualisation des moyens est considérée aujourd'hui non plus uniquement comme un outil opérationnel, efficace sur le terrain intercommunal, mais comme instrument de politique globale de gestion des ressources humaines, comme une réponse aux stratégies de maîtrise de la masse salariale. En effet, il est quasiment impossible pour une petite commune d'avoir une politique de masse salariale active sur son personnel en place, compte tenu des règles statutaires et de la quantité des agents concernés. En revanche, cette politique est plus facile à mettre en oeuvre à l'échelle d'une structure intercommunale.
Je terminerai sur la performance en matière de fiscalité. Voici plus de vingt ans que des observatoires ont été créés dans les collectivités territoriales. À l'époque, ils servaient essentiellement de relais auprès des services fiscaux de l'État – qui n'étaient pas encore ceux des directions départementales des finances publiques. Aujourd'hui, les observatoires fiscaux sont également des outils d'observation générale du territoire – sur la présence des entreprises, sur l'habitat individuel ou collectif, etc. – pouvant contribuer à la définition de certaines politiques, en matière de transports, d'implantation d'équipements publics… En outre, la performance fiscale se développe dans des domaines qui ne sont plus ceux de la fiscalité directe : la prévision en matière de droits de mutation, dans les départements ; l'amélioration de l'efficacité des organismes de recouvrement de la sécurité sociale en matière de versement transports, afin de lutter contre un taux d'évasion relativement important de la part des contributeurs.
Voilà comment les cadres financiers, gestionnaires, évaluateurs, contribuent à la réflexion politique, et essayent de donner à leurs élus les meilleurs moyens de faire des choix : à court et moyen terme, par exemple en matière d'investissements ou de mode de gestion ; et à plus long terme, pour redéfinir, en tant que de besoin, le champ du service public et les priorités de l'action publique que peuvent attendre nos concitoyens dans la période qui s'ouvre.
Pourquoi réadapter le champ du service public ? Peut-être est-il important de rappeler que la baisse de l'investissement, qui est une préoccupation, n'est pas liée à la baisse des dotations. De fait, l'investissement public a atteint un pic en 2007, et a commencé à baisser de façon assez nette à partir de 2008 – d'après les statistiques.
Certes, on pourrait dire que la crise est passée par là. Mais d'une façon générale, l'ensemble des collectivités territoriales y avaient plutôt bien résisté. La réalité est vraisemblablement que 2007 marque la fin d'une première vague de vingt-cinq ans de décentralisation qui a abouti à une deuxième vague de décentralisation du territoire, cette fois sous la responsabilité directe des collectivités locales, et, à un moindre degré la fin d'une première vague d'action intercommunale. Cela signifie que la baisse que l'on continue à constater et qui sera vraisemblablement entérinée dans les cinq ou six années à venir, n'est pas simplement liée à la baisse des dotations de l'État. Cette dernière joue un rôle non négligeable, mais pas nécessairement le plus important.
Certaines études estiment aujourd'hui, compte tenu de ce que je viens dire, et compte tenu du cycle classique de l'investissement local dans lequel les premières années suivant les élections sont en général plutôt « calmes », qu'en fait la majeure partie des collectivités pourront absorber budgétairement la contrainte de la baisse des dotations d'État par une baisse de leurs investissements. La véritable difficulté se présentera après 2017, parce que nous entrerons dans une période où la structure des budgets locaux se sera durablement modifiée. En effet, rien ne permet d'affirmer que les dotations d'État retrouveront leur niveau antérieur.
Nous allons donc nous retrouver dans une situation où l'épargne brute sera structurellement plus faible que pendant toute la première partie de la décentralisation, et où l'investissement lui-même sera structurellement moins important qu'il ne l'avait été jusque-là. La baisse est estimée entre 10 et 12 %, en volume, par rapport à ce qu'il aurait été autrement.
Parmi nos collègues de l'État, le sentiment est que faire 10 % d'investissement en moins revient à réaliser en dix ans ce que l'on aurait réalisé en neuf. Serait-ce si problématique, par rapport au niveau d'équipement public ? C'est la vision que pourrait avoir Bercy. Cela ne signifie pas que nous la partagions au sein de l'AFIGESE.
L'autre point qu'il est important de comprendre est que la baisse des dotations – et je parle en tant qu'universitaire – a le mérite de nous amener à pointer du doigt trois questions qui ne sont pas encore réglées aujourd'hui.
La première est celle de la logique même de dotations d'État dans une République décentralisée. S'il n'y avait pas de dotations, si les structures communales et intercommunales assuraient par la tarification et les ressources fiscales le financement de leurs services publics, le débat n'aurait presque pas lieu d'être. D'ailleurs, les dotations d'État ont pour origine une fiscalité locale disparue : la DGF, dans sa première version jusqu'en 2004, est ainsi issue du versement représentatif de la taxe sur les salaires, lui-même issu de la taxe sur les salaires, elle-même issue de la taxe locale sur les ventes au détail qui existait jusqu'en 1967 ; de même la dotation de compensation par salaire a été introduite dans la DGF…
De fait, la quasi-totalité des dotations d'État actuelles sont d'anciens impôts locaux. Cela permet de dire à certains – et je partage cette opinion – qu'en fait la péréquation verticale n'existe pas car les outils de péréquation de la DGF ne sont en fait que de la redistribution organisée de ce qui était jadis des impôts locaux, lesquels avaient d'ailleurs leurs outils de péréquation – par exemple, la taxe locale avait une péréquation organisée au niveau départemental. Je pense donc légitime de se demander ce que signifie aujourd'hui le fait, pour l'État, de verser des dotations aux collectivités territoriales, et ce que signifie pour elles le fait de les accepter.
Si je voulais être provocateur, je dirais que cela nous amène directement à la deuxième question non réglée : celle de la valeur, au sens qualitatif du terme, de la fiscalité locale actuelle.
Pourquoi avoir supprimé la part salaires de la taxe professionnelle ? Parce qu'on estimait qu'elle pesait sur l'emploi. Pourquoi avoir supprimé la taxe d'habitation régionale ? Parce qu'elle était vue comme injuste. Pourquoi avoir plafonné les droits de mutation des départements ? Parce qu'on estimait que cela rendait la France peu concurrentielle par rapport aux pays voisins.
Bref, pourquoi la DGF a-t-elle pris l'ampleur qu'on lui connaît ? Parce que les impôts locaux sont inadaptés et que l'ensemble des acteurs publics, qu'il s'agisse de l'État, du législateur, des élus locaux ou des cades territoriaux, n'ont pas été en situation de proposer une fiscalité locale moderne, adaptée à l'assiette actuelle : celle de la production économique, de l'occupation de l'espace foncier, et de la généralisation de tout ce qui se rapporte au virtuel. C'est ainsi – certes, ce n'est pas facile – que nous ne savons pas taxer une bonne partie de l'activité qui se développe sur les réseaux.
Cela aboutit à des solutions souvent globalement bien conçues. Mais, comme tout le monde le sait, le Diable se niche dans les détails. Prenons l'exemple de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), fondée d'une certaine façon sur la croissance économique et dont on pourrait penser qu'elle a un lien naturel avec la capacité financière des entreprises. Le fait qu'à la suite d'importantes pressions du bloc communal, elle ait été confiée aux communes et aux intercommunalités, la rend extrêmement fragile. En effet, pour des raisons en partie techniques, elle fluctue énormément d'une année sur l'autre. Par voie de conséquence, tout ce qui découle de la CVAE est en soi-même un élément d'incertitude considérable. Je n'invoque pas le produit lui-même : je parle du calcul du potentiel fiscal, donc de la répartition de la solidarité nationale, intercommunale, au niveau du Fonds de péréquation intercommunal et communal (FPIC).
Je remarque par ailleurs que la facilité fiscale avec laquelle nous avons construit l'offre de services publics qui s'est développée pendant trente ans, nous a sans doute fait perdre la réalité qui est celle du contribuable. Je citerai l'exemple du foncier bâti – probablement l'un des impôts les plus pertinents au niveau local. Sur la période 1984-2008, les bases de foncier bâti ont été multipliées par 3,3 et le produit intérieur brut l'a été par 2,8. L'écart, correspondant à la croissance résidentielle naturelle et à la valorisation des nouvelles bases, peut être considéré comme tout à fait logique. Mais le taux moyen de foncier bâti a augmenté de 40 %. C'est-à-dire qu'en fait, non seulement le monde local a tiré parti de la croissance territoriale qu'il a contribué à développer par son action, mais il a « joué » du levier fiscal pour apporter une réponse à la demande de services de nos concitoyens.
D'une certaine manière, construire un budget en partant sur la dépense et en l'équilibrant par la recette n'est pas, à long terme, la meilleure façon de penser l'efficience de la dépense publique. Mais, vous le savez, les états de vote des taux sont ainsi conçus : en réalité, ce que l'État vous demande de voter, c'est le montant nécessaire à l'équilibre budgétaire. Et donc, depuis 1980, il voit l'impôt comme un outil permettant d'assurer un équilibre global.
La troisième question qui, à mes yeux, n'est absolument pas réglée, est celle de la péréquation.
Il y a deux raisons à cela. La première, c'est le choc financier que représente la montée en charge de la péréquation dite horizontale avec la baisse des dotations de l'État. Pour autant, viser l'objectif d'un milliard ou de 1,2 milliard d'euros sur le FPIC, par exemple, paraît tout à fait logique en termes de solidarité. Ce qui est beaucoup plus préoccupant dans les outils de péréquation actuelle, ce sont les indicateurs. Certes, il est plus facile de critiquer que de proposer. J'en évoquerai deux, néanmoins : le potentiel fiscal et le revenu par habitant.
Le potentiel fiscal utilisé aujourd'hui n'a plus de signification, dans la mesure où il associe des bases et des produits et, de ce fait, mélange des effets de richesse par la capacité et des effets de richesse par la pression fiscale, lesquels sont en général contradictoires. Je veux dire par là qu'une commune qui a des bases faibles a tendance à avoir des taux élevés. Or, dans son potentiel fiscal, on prend en partie en compte la pression fiscale qui existait avant la réforme de la taxe professionnelle. Il en résulte que des territoires qui étaient considérés comme pauvres sont vus comme plus riches, et que des territoires qui étaient considérés comme riches sont considérés comme plus pauvres. J'ignore s'il vaut mieux prendre des bases ou des produits – la question récurrente ! – mais il faut en tout cas éviter un indicateur qui mélange les deux.
S'agissant du revenu par habitant, il a été utilisé à l'origine pour le monde urbain, notamment dans le cadre de la règle relative à la dotation de solidarité urbaine (DSU), parce que c'est un indicateur de charges. On considère que les revenus faibles sont représentatifs de publics ayant des difficultés à assurer un certain nombre d'éléments de vie quotidienne élémentaires – que la collectivité publique a vocation à leur apporter. Mais ce qui fonctionne très bien dans le monde urbain fonctionne très mal en milieu rural. Aujourd'hui, le revenu par habitant est pris en compte au niveau d'une partie de la dotation de solidarité rurale (DSR). Et il est pris en compte au niveau du FPIC, dans tous les territoires, y compris ruraux.
Or, dans une petite commune, le revenu par habitant peut évoluer d'une année sur l'autre pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la réalité des services publics. Je citerai l'exemple d'une petite commune du Val-d'Oise, Nesle-la-Vallée, dans laquelle, à la suite de la réalisation de plus-values immobilières, le revenu constaté et utilisé pour la répartition des fonds en 2015 a explosé. Par voie de conséquence, le revenu de sa communauté de communes a augmenté dans des conditions telles que sa contribution au FPIC a augmenté de 80 % !
Comment voulez-vous faire de la prévision quand les dispositifs de péréquation, qui sont conçus pour régler des problèmes de fond, aboutissent à ce que d'une année sur l'autre, les évolutions, en particulier dans le monde rural, soient aussi perturbantes ?
Tels sont les points que je souhaiterais voir traiter car on ne construira pas une vraie logique de péréquation, partagée et admise, notamment par les contributeurs, si les indicateurs que l'on utilise ne sont pas profondément revus pour les rendre plus pérennes et surtout plus compréhensibles.