Intervention de Luc Alain Vervisch

Réunion du 6 octobre 2015 à 13h30
Commission d'enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux epci

Luc Alain Vervisch, membre du conseil d'administration de l'AFIGESE :

Je vais répondre dans l'ordre inverse des questions.

Monsieur le député, y a-t-il une taille raisonnable pour les communes ? Les moyens financiers des toutes petites communes sont tels qu'elles n'ont guère la capacité d'agir concrètement sur leur patrimoine. L'intercommunalité est une solution technique intelligente à l'émiettement communal. Je dirais volontiers que c'est un canot de sauvetage sur lequel embarquent les communes : le canot ne se substitue pas aux passagers, mais il est là pour leur permettre de continuer à flotter et à avancer.

Par voie de conséquence, y a-t-il une taille pertinente, au niveau intercommunal, pour mettre en place des outils de gestion, des moyens financiers, de redistribution, de définition d'objectifs, tout en préservant la présence territoriale des communes ? Le projet de loi sur la nouvelle organisation territoriale de la République a fixé un seuil de 15 000 habitants, issu du débat entre votre Assemblée et le Sénat. Il faudra voir à l'usage ce que cela donnera, mais un tel seuil me paraît pertinent. La moyenne des populations retenue dans la plupart des pays européens tourne autour d'une dizaine de milliers. Sous l'angle purement technique, c'est assez approprié.

Les questions de psychologie n'interviennent pas tant sur la maîtrise de la gestion que sur la comptabilité analytique. Sans doute parce qu'elles ont peu de moyens, les petites communes sont plus économes – pour elles, un euro, c'est un euro. Voilà pourquoi, en règle générale, la moindre décision est prise avec le souci de la pertinence.

Certes, des questions techniques peuvent se poser, s'agissant de la comptabilité analytique. Mais je connais une petite commune de l'Essonne qui a développé depuis très longtemps une comptabilité analytique dont elle est très contente. Elle ne compte pourtant que 1 200 habitants

Peut-on aller plus loin en généralisant la comptabilité analytique à l'ensemble du système d'information financière, dans une logique de maîtrise des coûts des politiques publiques ? Je peux vous citer la ville d'Angers, qui réfléchit aujourd'hui sur cette question. J'ai fait allusion au conseil départemental du Bas-Rhin. Ces collectivités pourraient, le cas échéant, diffuser leurs connaissances.

Cela m'amène à répondre à votre question, madame la députée, sur le prix de l'innovation financière. Celui-ci a été lancé en 2005 pour récompenser une démarche technique facilitant la mise en oeuvre des politiques publiques en fonction des choix des élus. Le travail de Vitrolles, qui portait sur une tarification progressive de l'eau, s'inscrit pleinement dans cette logique.

Nous ne jugeons pas les orientations d'une politique publique. Nous nous contentons d'apprécier si la démarche technique engagée permet de mener à bien les objectifs politiques. C'est ce que nous avons souhaité récompenser et reconnaître à Vitrolles.

Nous cherchons aussi des expériences qui soient diffusables. Si la démarche vous intéresse, nous pourrons vous fournir davantage d'éléments sur les causes du choix et sur le dossier lui-même.

En 2005, nous avions récompensé le département des Pyrénées-Orientales qui avait travaillé sur un chèque personnalisé pour la mise en oeuvre de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), à l'époque où la loi ne le permettait pas encore. En l'occurrence, ce département avait été novateur et ambitieux, dans une logique de concrétisation de l'APA sur son territoire, mais aussi de maîtrise de la dépense. Ce dispositif de chèque personnalisable a été diffusé par la suite.

J'en viens, monsieur le président, à la réforme de la DGF, même si les calculs me manquent pour donner un avis très éclairé.

Il y a très clairement une part de remontée, au niveau intercommunal, de la dotation de centralité, compte tenu du fait qu'aujourd'hui, une partie des charges de centralité sont bien devenues d'intérêt communautaire. C'est la reconnaissance d'un fait qui avait été effectivement négligé.

Aller vers la dotation territoriale, comme la loi le permet – d'abord sous condition d'unanimité avec la loi de décembre 2010, ensuite sous condition de majorité qualifiée – me semble assez pertinent dans la mesure où un territoire intercommunal est mieux à même que l'État d'apprécier la réalité des disparités locales. Encore faut-il qu'il le fasse sur la base d'éléments que l'on puisse considérer comme objectifs. Force est cependant de reconnaître que la pratique des conseils communautaires sur la répartition du FPIC ne va pas tout à fait dans ce sens-là. Mais le jour où les conseils communautaires seront véritablement communautaires, on pourra considérer l'intercommunalité comme un espace plus marqué de la définition des moyens de la gestion.

Pour autant, et pour revenir sur la question de la taille, je ne pense pas que l'intercommunalité soit la panacée. La dernière année de mes fonctions au département, nous avions visité en Allemagne une nouvelle commune : nous y avions constaté qu'après la réforme communale, il y avait trois bibliothèques contre une seule dans la commune la plus importante, auparavant. Cela montre que l'intercommunalité, dans la mesure où elle porte du service sur un territoire plus vaste, est généralement amenée à le faire à des niveaux qualitatifs ou quantitatifs plus importants : d'où l'augmentation des coûts.

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