Intervention de Antoine Valbon

Réunion du 14 octobre 2015 à 13h30
Commission d'enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux epci

Antoine Valbon, délégué régional Île-de-France de l'ADGCF, directeur général des services de la communauté d'agglomération Seine Amont :

La masse salariale.

En matière d'investissements, les grosses opérations ont été « lissées » ; cette formule d'usage signifie très concrètement qu'elles ont toutes été décalées de un à trois ans. La construction du centre aquatique, opération phare du programme municipal du mandat en cours, a ainsi été décalée de trois ans. Le programme relatif aux espaces verts a été minoré de 100 000 euros, le programme 2015 concernant la voirie de 777 000 euros. Les chantiers que l'on conserve et auxquels on donne la priorité sont ceux qui bénéficient de subventions dans le cadre de différents programmes partenariaux. Je songe évidemment au programme FEDER (Fonds européen de développement régional) pour lequel notre territoire est le seul éligible du Val-de-Marne. C'est également le cas des opérations grâce auxquelles nous bénéficierons demain d'une réduction des coûts de fonctionnement : je pense à l'optimisation énergétique du patrimoine, qui représente 900 000 euros par an.

Le report concerne aussi les groupes scolaires à construire dans les grandes ZAC (zones d'aménagement concertées), ce qui est très inquiétant dans la mesure où de vastes opérations sont prévues sur ces territoires, dont la fameuse opération d'intérêt national Établissement public d'aménagement Orly Rungis-Seine Amont (OIN EPA ORSA), pour laquelle les collectivités sont responsables du niveau d'équipement. La réalisation de deux groupes scolaires dans la ZAC des Ardoines est ainsi retardée.

J'en viens à Ivry-sur-Seine, grosse commune de 60 000 habitants dont il faut bien avoir la situation à l'esprit pour comprendre la manière subjective dont les élus apprécient la baisse des investissements. Les Parisiens la qualifient souvent de vingt et unième ou de vingt-deuxième arrondissement, selon les cas. Car le niveau d'équipement à Ivry se veut équivalent à celui de Paris. Voilà pourquoi la réduction des dépenses de fonctionnement a constitué pour cette commune le principal levier d'action face à la baisse des dotations – qui y a atteint 4,3 millions d'euros entre 2014 et 2015.

En investissement, la seule baisse intervenue en 2015 est la minoration du programme de la ville concernant les opérations HLM : sa participation est passée de 1,7 à 1,5 million d'euros. En fonctionnement, en revanche, les baisses sont sensibles. Elles touchent notamment les crédits au secteur culturel et particulièrement les projets artistiques, ce qui n'est pas sans conséquences dans une commune où les artistes ont récemment pris une place importante grâce à la réhabilitation d'entrepôts. Elles se traduisent également par la suppression des classes de pleine nature – ex-classes de découverte –, du dispositif des chèques vacances pour les jeunes, des vacances de printemps pour les enfants. Ce dernier exemple, qui pourrait sembler anodin en province – à Marseille, ce service n'existait pas ! –, a beaucoup marqué les esprits et suscité de nombreuses discussions. Il en va de même de la suppression de la Nuit blanche, événement typiquement parisien, mais dont l'extension à Ivry, comme à quelques autres villes de banlieue, était révélatrice. Est-elle vraiment grave ? On peut se poser la question ; mais, à l'heure où l'on crée la métropole du Grand Paris en invoquant la péréquation et le rééquilibrage entre l'est et l'ouest, cette suppression revêt une connotation particulière : elle accentuera les fractures au lieu de les réduire.

À Choisy-le-Roi, éligible à la DSU-cible, les baisses, toujours compte tenu des équilibres précédemment évoqués, atteignent 1 837 000 euros entre 2014 et 2015. Or, comme la plupart des communes en DSU-cible, Choisy se caractérise, étant donné son potentiel fiscal, par un niveau de dépenses de fonctionnement très limité sur lequel elle ne peut donc pas jouer, contrairement à Vitry et à Ivry, notamment en raison d'un effectif beaucoup plus réduit. De ce fait, c'est sur les investissements que la diminution des dotations s'est immédiatement répercutée. La réalisation d'une crèche a été échelonnée sur trois exercices, au lieu d'un seul comme initialement prévu. Deux écoles ont été réhabilitées au moyen de constructions non classiques, mais modulaires ; cela peut paraître anodin, mais n'oublions pas que nous parlons de la petite couronne et du Grand Paris. Le programme d'éclairage public et d'investissement dans la voirie est passé de 500 000 à 70 000 euros : autrement dit, on fait l'impasse sur cet investissement.

Quant à Valenton – la plus petite commune du territoire avec 12 000 habitants, également en DSU-cible –, la baisse y atteint 533 000 euros en 2015. Dans une ville de cette taille – c'est souvent aussi le cas en province, si j'en crois mes échanges avec mes collègues de l'ADGCF –, faute de grands investissements, c'est sur un ensemble cumulé de petites opérations de fonctionnement que les baisses font sentir leurs conséquences. Ainsi, le conseil municipal a décidé de mettre fin à la distribution de dictionnaires qui était traditionnelle en fin d'école élémentaire ; aux séjours d'hiver et aux classes transplantées ; aux sorties du mercredi dans les centres de loisirs ou ALSH (accueils de loisirs sans hébergement) ; aux voeux du maire au personnel, y compris aux personnalités ; à diverses manifestations culturelles. Il a aussi gelé les subventions aux associations. En investissement, on observe de petites réductions dans toute une série de domaines. Enfin, la fiscalité des ménages a progressé de 1,5 %.

Au niveau de l'EPCI lui-même, la situation est à la fois plus trouble et plus simple.

Plus simple du point de vue financier, car notre agglomération est jeune et parce que la progression de la fiscalité économique a compensé les baisses de dotations. Cet état de fait s'explique par le dynamisme économique du territoire, qui accueille de gros sites industriels comme Sanofi ou Air Liquide.

Plus floue, en raison de la situation particulière de la métropole du Grand Paris résultant de la loi MATPAM puis de la loi NOTRe : depuis 2013, dans les 19 EPCI de la petite couronne – j'en discute souvent avec mes collègues –, il y a un quasi-gel des investissements, des grosses opérations et des grands engagements. Ici, les effets de la baisse des dotations se cumulent avec ceux de la mise en oeuvre des métropoles. Le flou est tel qu'il est aujourd'hui impossible de faire des prospectives et des maquettes budgétaires. En particulier, le débat sur le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), que vous aborderez dans quelques jours, crée de fortes incertitudes.

Il y a un an, André Vallini, à qui les représentants de l'ADGCF demandaient si les baisses de dotations aux collectivités avaient fait l'objet d'études d'impact, leur répondait par la négative, mais ajoutait que l'on pouvait, au doigt mouillé, identifier trois leviers d'action : premièrement, la fiscalité, à utiliser avec mesure ; ensuite, le fonctionnement, par des non-remplacements, par l'arrêt des heures supplémentaires liées aux fêtes et manifestations, etc. ; enfin, la réduction du niveau d'épargne. D'après mon expérience, en région parisienne comme en Picardie et à Marseille, il est tout à fait possible de faire jouer ces trois leviers. Toutefois, il en résultera, pour les territoires de la petite couronne, une mise à niveau du volume et de la qualité des services publics qui les rapprochera de ce qui est proposé dans d'autres territoires de la République ; autrement dit, un très net nivellement par le bas. Je le répète, ce nivellement est possible – il est d'ailleurs en cours –, mais il ramène notre métropole au niveau qui est observable en province, loin de celui qui était historiquement le sien.

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