Intervention de Antoine Valbon

Réunion du 14 octobre 2015 à 13h30
Commission d'enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux epci

Antoine Valbon, délégué régional Île-de-France de l'ADGCF, directeur général des services de la communauté d'agglomération Seine Amont :

Les sujets que vous avez évoqués nous occupent en permanence.

Je commencerai par les perspectives sur lesquelles nous travaillons pour 2016, 2017 et 2018 – et jusqu'à 2020, échéance cruciale concernant les futurs Établissements publics territoriaux (EPT) de la métropole du Grand Paris. J'y oeuvre aux côtés de mes collègues qui vont former avec nous le futur EPT rassemblant les communes du Val de Bièvre, de la Seine Amont, du Grand Orly, des Portes de l'Essonne et des communes isolées, soit un territoire de près de 700 000 habitants, formé de 22 à 24 communes. De la prospective sur laquelle nous nous fondons aujourd'hui en préparant les budgets, il ressort un autofinancement nul. Notre effort vise d'abord à faire en sorte qu'il ne soit pas négatif – la loi ne nous le permet pas –, ensuite à identifier de nouveaux modes de fabrication de nos produits économiques qui utilisent l'argent là où il est : très concrètement, dans les entreprises. Nous sommes donc en train de construire des montages – fonciers, opérationnels – en faisant beaucoup plus appel aux fonds privés.

En ce qui concerne la DGF, les modifications prévues par le projet de loi incluent quelques simplifications légitimes, notamment la réintégration à la DGF de la dotation nationale de péréquation (DNP). Nous avons un grand besoin de simplification, car, par rapport à l'époque de mes débuts, l'opacité est devenue telle que les collectivités ne peuvent absolument pas maîtriser leur destin, notamment leurs attributions. En voici un exemple très précis. En 2014, notre territoire de la Seine Amont a formé un recours auprès du ministère de l'intérieur à propos de la DGF, car je n'étais pas d'accord avec les critères retenus par la préfecture. Au bout de six mois, nous avons eu gain de cause, car il y avait effectivement des erreurs, et obtenu un rattrapage de 950 000 euros. Or l'analyse que nous avions effectuée est impossible dans les petites communes : elle nécessite un niveau d'expertise que l'on ne peut développer que dans de gros territoires. La simplification doit être extrêmement poussée : il faut revenir aux principes des années 1980.

Nous avons aussi besoin d'en revenir aux raisons d'être de plusieurs dotations et compensations. Certaines d'entre elles sont destinées à compenser des recettes dont les collectivités ont été privées par les lois de finances. Aujourd'hui, ces dotations ne représentent dans nos budgets que 23 % des montants que nous devrions normalement toucher. La nécessité d'une réforme est donc manifeste. Il n'est plus possible que les recettes des collectivités, notamment les dotations, dépendent entièrement des lois de finances.

J'en viens à la réforme de la taxe professionnelle. Dans un territoire industriel comme le nôtre, elle fut un choc terrible. Le niveau de la contribution économique territoriale (CET) sollicitée aujourd'hui est sans commune mesure avec celui qu'atteignait la TP. Il fait d'ailleurs l'objet de quiproquos étonnants : les petites et moyennes entreprises, en particulier, sont choquées que l'on ose relever les niveaux des bases minimum qui sont imposés par délibération alors qu'ils sont dix fois inférieurs aux niveaux de TP de 2010.

Ce problème est lié à celui que j'ai précédemment exposé concernant les variables d'ajustement. En effet, si aujourd'hui le niveau de la compensation n'est pas excessivement éloigné de celui qui aurait résulté du maintien de la TP, il diminue d'année en année, ce qui met nos collectivités en grave péril.

Quant à la mutualisation, nous l'avons elle aussi évoquée avec le ministre, auquel nous avons demandé si des expertises avaient été conduites. Tel n'est pas le cas. Or, dans cette affaire, il importe de se départir de toute approche subjective. La Seine Amont mutualise : elle mutualise les ressources, les services juridiques, RH et achats ; mais l'objectif, c'est l'efficience. En aucun cas la mutualisation n'a permis de véritables économies. Cela dit, vous pouvez parfaitement considérer cette appréciation comme subjective ; c'est lorsque nous disposerons d'expertises et d'études dignes de ce nom que l'on pourra débattre sérieusement de cette question. Mais aucune étude n'a été menée par les associations de collectivités ni par le ministère.

S'agissant enfin des aléas climatiques et environnementaux, notre territoire est particulièrement concerné puisque la moitié de Seine Amont est située en zone inondable, l'autre moitié correspondant aux carrières qui ont permis de bâtir Paris, sans parler des sites industriels où la pollution majore de 30 à 50 % le coût de réalisation de toute opération. De ce fait, nous bénéficions d'un haut niveau d'expertise sur ces questions et nous avons d'importants défis à relever pour adapter nos modes d'investissement et de réalisation des équipements, d'autant que la puissance publique est contrainte de construire sur les territoires situés en zone inondable. Mais cela suppose des niveaux d'investissement qui ne sont pas actuellement à notre portée.

L'exemple déjà cité de l'OIN EPA ORSA, à laquelle nous sommes étroitement associés, le confirme. Concernant Les Ardoines ou Ivry Confluences, l'opération suppose des adaptations des rez-de-chaussée, des aménagements destinés à l'isolation thermique et à l'autosuffisance énergétique des bâtiments, la surélévation de voies de manière à pouvoir déplacer les populations en cas d'inondation – autant de surcoûts de 30 à 50 % que nous ne pouvons assumer.

En conséquence, soit nous prenons du retard dans la réalisation de ces opérations, qui sont attendues dans le cadre de la métropole, pour atteindre l'objectif de construction de 70 000 logements par an ; soit nous les réalisons – je songe notamment à Ivry Confluences –sans prendre toutes ces précautions, auquel cas nous respectons certes le plan de prévention des risques d'inondations (PPRI), mais non les recommandations sur lesquelles nous travaillons actuellement dans le cadre du projet de territoire du futur plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi).

Dès lors, je ne vous cache pas qu'une crue centennale, susceptible de survenir demain, pourrait placer la métropole du Grand Paris dans une situation bien pire que celle récemment observée dans le sud du pays.

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