Daniel Boisserie, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la gendarmerie nationale. M. Boisserie, rapporteur titulaire des crédits de la gendarmerie, vous prie de bien vouloir excuser son absence. Il m'a demandé de le suppléer et je m'acquitterai évidemment de cette tâche avec plaisir, tout en m'efforçant de relayer le plus fidèlement possible ses analyses et ses interrogations.
Je ne m'étendrai pas sur le budget et les évolutions de crédits prévus en 2016. Je me contenterai de souligner avec satisfaction que les ressources sont consolidées et adaptées au contexte sécuritaire et opérationnel. Tous financements compris, la gendarmerie bénéficiera de 8,37 milliards d'euros en autorisations d'engagement, et de près de 8,23 milliards d'euros en crédits de paiement. Pour la quatrième année consécutive, les effectifs seront en hausse, palliant ainsi en partie les effets de la politique de déflation menée sous le quinquennat précédent. Un tel effort est absolument nécessaire.
Les forces de sécurité – mais également l'ensemble des acteurs de la chaîne judiciaire ainsi que les forces armées – ont été en première ligne à la suite des attentats qui ont frappé notre pays en janvier dernier. Je tiens ici à leur rendre hommage et à leur témoigner toute notre reconnaissance.
Cette nouvelle donne sécuritaire a conduit à une mobilisation opérationnelle sans précédent des forces de l'ordre. Il n'existe aujourd'hui aucun sanctuaire sur le territoire national face à la menace terroriste et ses ramifications, qui peuvent s'implanter aussi bien en milieu urbain qu'en milieu rural. Le niveau de menace n'est probablement pas amené à diminuer à moyen terme, et notre pays doit apprendre à vivre durablement dans un contexte sécuritaire dégradé.
Or, à ce risque sécuritaire sont venues s'ajouter les conséquences d'une crise migratoire d'une ampleur sans précédent en Europe depuis plusieurs décennies. Provoquée par des crises géopolitiques d'une violence extrême, elle voit des centaines de milliers d'êtres humains fuir la guerre, les persécutions et les violences dans l'espoir d'un avenir meilleur au sein de l'Union européenne. Au-delà des questions sanitaires et sociales, ce drame humanitaire représente un autre défi majeur en matière d'ordre public.
Je salue à cet égard l'initiative du Gouvernement qui a déposé un amendement abondant la mission « Sécurités » à hauteur de plus de 42 millions afin de mettre en oeuvre le plan Migrants. Sur cette enveloppe, 19,8 millions d'euros bénéficieront à la gendarmerie, permettant le recrutement de 370 équivalents temps plein travaillé (ETPT) supplémentaires en plus des 184 postes déjà prévus.
Mais il ne faudrait pas croire que ces crises nouvelles ont fait disparaître les autres risques et menaces. La gendarmerie doit donc évidemment continuer à remplir ses missions traditionnelles : lutte contre la délinquance et l'insécurité, contre les trafics, maintien de l'ordre, renseignement, missions de police judiciaire, sans oublier les déploiements en opérations extérieures.
Il convient donc de saluer les décisions prises en matière budgétaire, qui permettront une augmentation des moyens humains et matériels au service de la sécurité publique. Toutefois, pour les raisons que je viens de rappeler, il est sans doute utile de faire plus à l'avenir. Je souhaiterais faire part de quelques réflexions en ce sens.
Je suis conscient que la réserve est nécessaire au pilotage de la dépense publique. Mais nous devons prendre toute la mesure du changement de monde à l'oeuvre en matière de sécurité au sens large, et en tirer toutes les conséquences aux plans budgétaire et opérationnel.D'après les dernières informations dont nous disposons, les crédits encore gelés au titre de 2015 atteignent 51 millions d'euros. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer s'ils seront effectivement débloqués ?
Par ailleurs, vous avez récemment indiqué, et je m'en réjouis, que « les initiatives seront prises pour que la disponibilité des crédits budgétaires soit organisée dèsle début del'année 2016 ». Où en sont vos négociations avec Bercy sur ce point ?
Je rappelle que, si l'on soustrait les sommes faisant l'objet de dépenses obligatoires, la mise en réserve initiale d'environ 100 millions d'euros s'applique en réalité à une assiette très réduite, de l'ordre de 300 millions d'euros. Or ces sommes servent notamment à l'équipement des gendarmes.Il me semble donc absolument indispensable de dégeler dès le début de la gestion les crédits mis en réserve. Je sais votre implication constante à ce sujet ; je doute en revanche de la bonne volonté d'autres ministères…
Il n'est pas acceptable que les dégels n'interviennent qu'en fin d'année. Cela fait peser une incertitude paralysante et, pour tout dire, vexatoire pour nos forces de l'ordre, alors que notre pays et nos concitoyens comptent sur leur engagement sans faille, aujourd'hui encore davantage qu'hier.
Je souhaiterais maintenant dire quelques mots sur les effectifs. Chaque année depuis le début du quinquennat, ceux des forces de l'ordre ont été augmentés. Mais un décalage existe toujours entre le plafond des emplois autorisés par le Parlement et les effectifs réels, aux dépens de ces derniers.Certes, ce plafond fixe une limite haute en termes d'effectifs. Mais il représente surtout le nombre de postes que les pouvoirs publics estiment nécessaires à la production de sécurité et à la protection de nos concitoyens. Sinon, en toute logique, il faudrait l'abaisser.
Depuis des années, ce plafond est fictif, la gendarmerie ne disposant pas des ressources nécessaires pour procéder aux recrutements permettant d'atteindre ce niveau. En 2016, et sans tenir compte des 370 nouveaux ETPT, ce « trou à l'emploi » atteindrait 1 959 ETPT soit 2 % des emplois autorisés. Cela correspond à environ 195 brigades si l'on considère, de manière optimiste, un effectif moyen de dix hommes par brigade.
Des économies de postes peuvent probablement être dégagées après des redéploiements d'effectifs et la réorganisation de la « carte gendarmerie ». Cela permettrait d'abaisser d'autant le plafond autorisé. Mais ceci fait, il conviendrait de combler l'écart entre les effectifs théoriques ainsi recalculés et les effectifs réels.
Partagez-vous cette analyse ? Pensez-vous que ces « trous à l'emploi » doivent être résorbés, au moins partiellement, compte tenu de la nouvelle donne sécuritaire appelée à perdurer ?
Enfin, pourriez-vous nous donner des précisions sur le processus d'optimisation du maillage territorial, avec le réexamen des implantations et des petites brigades dont la faiblesse en effectifs ne permet pas une réelle production de sécurité ?