Mesdames et messieurs les députés, je me félicite de la qualité de la contribution du Parlement au débat sur les crédits de la sécurité. Je remercie les rapporteurs pour les questions qui m'ont été posées et qui me donnent l'occasion d'apporter des réponses précises sur les orientations budgétaires du Gouvernement en matière de sécurité.
M. Galut a souligné à juste titre l'évolution des crédits de fonctionnement et d'investissement de la police et la gendarmerie, qui contraste avec la situation passée. De fait, entre 2007 et 2013, ils avaient connu une diminution de 8 %. Pour la seule police, la diminution était de 17 %, son budget hors titre 2 (HT2) étant passé de 1,131 milliard d'euros à 936 millions d'euros entre 2007 et 2013. Et il en fut de même des crédits de la gendarmerie HT2.
Pendant la même période, les crédits T2 qui financent les effectifs de la police et de la gendarmerie avaient augmenté, alors que les effectifs diminuaient de 13 000 agents. La raison en est très simple : on compensait par des mesures catégorielles très coûteuses la diminution massive des effectifs, pour éviter certaines tensions au sein des forces.
Le budget que nous proposons aujourd'hui est évidemment très différent de ce qui a prévalu jusqu'à une période récente. Pour 2016, nous proposons une augmentation de 3,1 % des crédits HT2 de la police et de la gendarmerie. En 2014, l'augmentation était de 0,2 % et en 2015 de 1,5 %. Cela signifie que, grâce aux arbitrages rendus par le Président de la République et le Premier ministre, et grâce à la mobilisation de notre administration, les crédits HT2 dont bénéficient la police et la gendarmerie augmentent de façon très significative : sa progression double par rapport à l'an dernier. J'ai en effet la volonté de remettre à niveau les moyens de la police et de la gendarmerie, dans un contexte sécuritaire difficile.
Cette évolution positive des crédits ouverts en loi de finances initiale a été consolidée par la mise en oeuvre du plan de renforcement des moyens pour lutter contre le terrorisme, à la suite des attentats du mois de janvier 2015.
Je tiens à préciser que, depuis le début du quinquennat, nous avions décidé d'augmenter de 432 les effectifs de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), et de lui allouer un budget supplémentaire de fonctionnement de 12 millions d'euros par an. Nous avons souhaité compléter cet effort après les attentats du mois de janvier, pour procéder à une remise à niveau des moyens face au renforcement de la menace. Nous avons alors décidé de créer, jusqu'à la fin du quinquennat, 1 404 postes dans la police et dans la gendarmerie. Ces 1 401 postes se répartissent de la manière suivante entre les différents services : 500 postes supplémentaires au sein de la DGSI sur la période – ce qui porte à 1 000 le nombre de postes créés dans cette direction d'ici à la fin du quinquennat ; 500 postes au sein du Renseignement territorial ; 100 postes au sein de la Direction du renseignement de la préfecture de police de Paris (DRPPP) ; 106 postes au sein de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) ; 60 postes au sein de la police de l'air et des frontières (PAF), de manière à nous mettre à niveau au moment où nous allons devoir mettre en oeuvre le Passenger Name Record (PNR) et améliorer, dans le cadre de l'ajustement de Schengen, les conditions de contrôle aux frontières intérieures de l'Union européenne. Nous voulons en effet mettre en place des contrôles systématiques et coordonnés face au risque terroriste, ce implique davantage de moyens au sein de la PAF ; enfin, 40 emplois au sein du service de la protection des personnalités (SDLP). Cela permettra à nos services, qui étaient à la peine, de disposer de moyens humains supplémentaires pour faire face au risque terroriste.
J'ajoute que nous faisons un effort budgétaire considérable sur le plan de l'équipement de nos services. Ainsi, nous avons décidé d'allouer 233 millions d'euros en crédit HT2 à nos services dans le cadre de la lutte antiterroriste. Ces crédits se répartissent en plusieurs enveloppes.
Une enveloppe d'un peu plus de 20 millions d'euros permettra d'équiper en moyens informatiques les différents services de police et de gendarmerie, et de moderniser nos infrastructures de communication, après une période de désinvestissement ayant abouti à l'obsolescence d'un certain nombre de nos réseaux informatiques. Cela nous a d'ailleurs posé des problèmes, comme on a pu le constater en octobre 2014, au moment du retour de trois djihadistes de Turquie : le système de circulation hiérarchisée des enregistrements opérationnels de la police sécurisés (CHEOPS) n'a pas fonctionné comme il l'aurait dû, en raison de ce sous-investissement.
D'autre part, 50 millions d'euros seront consacrés à l'acquisition d'armes, de gilets pare-balles et de véhicules. Ainsi, 3 092 armes, modernes et efficaces, vont être allouées aux services de police et de gendarmerie en 2015 ; quelque 4 100 gilets pare-balles lourds ; quelque 16 000 gilets pare-balles légers ; et 1 186 véhicules qui ont déjà été commandés pour équiper les forces, dans le cadre du plan de lutte antiterroriste.
Nous avons beaucoup augmenté les moyens, à la fois humains et HT2, pour faire face au risque terroriste et équiper nos forces au meilleur niveau. Si l'on veut un État qui ait de l'autorité et des forces de sécurité qui aient les moyens de faire face, il faut fixer des priorités budgétaires. Malheureusement, de nombreux moyens ont été rabotés, pour ne pas dire presque réduits à néant dans certains domaines. Je pense notamment à l'investissement dans les commissariats – et il suffit de voir l'état du commissariat de Saint-Denis pour se rendre compte de la situation. Voilà pourquoi je me battrai, aussi longtemps que je serai dans cette maison, pour que nous disposions des moyens suffisants pour remplir nos missions.
Monsieur Galut, vous m'avez également interrogé sur la prise en compte du plan de lutte contre l'immigration clandestine dans le budget 2016. Je veux d'abord rendre compte des résultats que nous avons obtenus en matière de lutte contre l'immigration irrégulière. Au cours de l'année 2015, année qui n'est pas encore achevée, 197 filières d'immigration irrégulière ont été démantelées. À cette occasion, près de 3 000 personnes ont été interpellées, une grande partie d'entre elles ont été judiciarisées, alors même que notre pays n'a pas connu des afflux de migrants comparables à ceux que l'on constate, par exemple, en Allemagne ou en Autriche.
Je rappelle également que le nombre de demandeurs d'asile en France a baissé au cours de l'année 2014 de 2,34 %, mais qu'il a augmenté de 8 % depuis le début de l'année 2015. Cela devrait se traduire, au cours de l'année 2015, par une augmentation de l'ordre de 20 %. Il faut bien entendu tenir compte de l'effort de relocalisation et de réinstallation dans lequel notre pays s'est engagé du fait de ses positions européennes.
J'ajoute que, bien que nous soyons beaucoup moins concernés que d'autres par les flux migratoires, le nombre des filières que nous avons démantelé en 2015 a augmenté de 25 % par rapport à 2014. De la même façon, le nombre de filières que nous avions démantelé en 2014 avait augmenté de 25 % par rapport à 2013. Comme vous pouvez le constater, nous avons une très forte activité de lutte contre l'immigration irrégulière.
Je profite de la question qui a été posée par M. Galut pour aborder le sujet des effectifs. Sur décision du Premier ministre, 900 effectifs supplémentaires viendront renforcer les forces de l'ordre pour faire face à la situation migratoire particulière à laquelle l'Europe se trouve confrontée. Un amendement qui vous est proposé aujourd'hui prévoit les mesures suivantes : 530 recrutements supplémentaires dans les rangs de la police, pour renforcer les forces mobiles, la préfecture de police, la direction centrale de la police de l'air et des frontières ; 370 effectifs supplémentaires, destinés au renforcement des escadrons de gendarmerie. Ces moyens supplémentaires permettront à nos services de faire face. J'ai lu dans un quotidien d'aujourd'hui que la PAF était à la peine. C'est vrai, pour des raisons qui tiennent au fait qu'on l'a beaucoup affaiblie, et c'est bien pourquoi je veux beaucoup la renforcer. Ces efforts correspondent à un abondement en crédits de 22,6 millions pour la police et de 19,6 millions d'euros pour la gendarmerie.
À propos d'immigration irrégulière, je voudrais apporter de nouvelles précisions sur les reconduites à la frontière, parce que j'ai constaté qu'il y avait quelques « canards sans tête » qui continuaient à courir ! Et je tiens à dire aux députés ma fermeté et ma détermination, malgré les bruits, la désinformation, les polémiques à répétition qui n'ont pas lieu d'être.
D'abord, je le répète solennellement devant votre commission : l'affirmation selon laquelle on procéderait à l'éloignement ou à la récupération de migrants avec des jets privés est un mensonge, relevant d'une campagne orchestrée par des acteurs qui n'ont pas conscience qu'ils entretiennent ainsi un climat de nature à éloigner le pays de ses valeurs. Nous utilisons un Beechcraft, dans le cadre d'un contrat de location qui a été passé en 2006 par un ministre de l'intérieur dont chacun se rappelle le nom.
En 2012, il y a eu 108 vols d'éloignement ; en 2013, 121 ; en 2014, 131. Le nombre d'étrangers en situation irrégulière (ESI) qui ont été reconduits dans le cadre de ces vols a été, en 2012, de 382 ; en 2013, de 511 ; en 2014, de 502. Le coût de ces éloignements s'est élevé à 1,7 million d'euros en 2012 ; à 1,6 million en 2013 ; à 2,3 millions en 2014. Le coût par ESI éloigné a atteint 4 100 euros en 2015, contre 4 500 euros en 2012.
On me dit que cette audition est écoutée par la presse. Je forme donc le voeu que, sur ce sujet, on dise des choses qui correspondent à la réalité. Je tiens d'ailleurs à la disposition de tous ceux qui parlent, écrivent et font des commentaires, la totalité des documents qui sont de nature à rétablir la vérité – si toutefois la vérité intéresse quelqu'un.
Il y a un autre débat : procédons-nous à des éloignements de personnes qui ne sont pas éloignables ? Là aussi, les choses doivent être dites avec une extrême précision : à Calais, lorsque des migrants tentent de s'introduire dans le tunnel, ils sont interpellés et placés dans le centre de rétention administrative (CRA) de Coquelles ou, s'il n'y a pas de places, dans un autre CRA. Cela permet de vérifier leur nationalité, les passeurs les encourageant à déclarer qu'ils sont Syriens ou Irakiens afin d'éviter les mesures d'éloignement. En vérifiant ainsi l'adéquation entre leurs déclarations et la réalité, nous appliquons tout simplement la loi. S'il s'avère que les intéressés sont éloignables, nous les éloignons. S'ils ne le sont pas, bien entendu, nous les libérons. Telle est la réalité, et c'est le cas depuis toujours.
Je continuerai à mettre en oeuvre cette politique, car, si je ne le faisais pas, il serait impossible d'éloigner ceux qui sont en situation irrégulière et, dès lors, notre politique d'accueil des demandeurs d'asile ne serait plus soutenable. De plus, cela signifierait que je laisse dans l'impunité tous ceux qui tentent de franchir le tunnel et commettent, en cela, une infraction.
Dernier point : notre politique est-elle efficace ? Je vais vous donner des chiffres très précis que je n'ai pas encore rendus publics.
Dans le cadre de la visite que j'ai effectuée à Calais la semaine dernière, j'ai décidé de mettre en oeuvre une politique extrêmement précise dans le Calaisis et le Dunkerquois. Premièrement, nous renforçons les moyens en matière d'asile : nous multiplions les maraudes dans le camp de la lande pour inciter les migrants qui relèvent du statut de réfugié à demander l'asile en France, dans la mesure où ils ne peuvent pas passer au Royaume-Uni. Le nombre de demandes d'asile est ainsi passé de 400 en 2013 à 1 000 en 2014, puis à près de 2 000 en 2015. Cela nous permet d'accueillir ces migrants dans des conditions décentes hors de Calais, plutôt que d'organiser leur concentration dans des conditions inhumaines à Calais. En effet, grâce au concours de plusieurs communes, que je remercie de leur implication, ils sont placés dans des centres d'attente. Ces lieux n'ont pas vocation à durer, puisque les migrants sont immédiatement transférés dans des centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) à partir du moment où l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) se sont mobilisés pour leur accorder l'asile.
Deuxièmement, nous procédons à des éloignements dans les conditions que j'ai indiquées.
Troisièmement, nous mobilisons nos forces pour bien faire comprendre aux passeurs que l'on ne passe plus à Calais. Depuis que nous avons renforcé les moyens, et organisé un commandement opérationnel sur place, nous obtenons des résultats. Je vous donne les derniers chiffres : il y a eu 1 300 tentatives d'intrusion dans le tunnel le jeudi 22 octobre ; 1 040 le vendredi 23 ; 1 057 le samedi 24 ; 162 le dimanche 25 ; 464 le lundi 26 ; 628 le mardi 27 ; 277 le mercredi 28 ; et 241 cette nuit. En l'espace d'une semaine, nous sommes donc passés de 1 300 à 241 tentatives d'intrusion. Celles-ci ont donné lieu à 606 interceptions le jeudi 22 octobre ; une semaine après, ce jeudi 29 octobre, nous en sommes à 132. Quant au nombre de migrants qui sont parvenus à passer au Royaume-Uni, il a été de 64 le jeudi 22 ; 3 le vendredi 23 ; 2 le samedi 24 ; et 3 le dimanche 25. Depuis cette date, plus aucun migrant n'est passé au Royaume-Uni.
Je n'ai absolument aucun problème par rapport à la politique que nous menons à Calais dans un contexte humanitaire et migratoire extrêmement difficile. Compte tenu des commentaires que j'entends, j'estime qu'il est de mon rôle de communiquer et d'indiquer très précisément les résultats que nous obtenons au regard des moyens que nous mobilisons.
J'ai fait une réponse un peu longue à vos questions sur l'immigration irrégulière, monsieur Galut, mais il importe de faire preuve de rigueur et de précision sur ces sujets difficiles, qui sont préemptés par des acteurs cherchant à susciter des peurs, à convoquer des instincts et à créer un climat. Certes, on n'est jamais sûr de réussir. Mais on est absolument sûr de ne jamais réussir si l'on n'a ni politique, ni cohérence, ni volonté.
Vous m'avez interrogé, messieurs Galut et Comet, sur la marge de manoeuvre du budget de la gendarmerie en matière de réserve de précaution. Pour mémoire, les dépenses de fonctionnement et d'investissement de la gendarmerie sont constituées à 75 % de dépenses obligatoires – loyers et paiements contractuels. Le taux de mise en réserve appliqué est de 8 %. D'où un niveau de gel de 96 millions d'euros en 2015 pour les crédits de la gendarmerie HT2. Comme l'an dernier, j'ai veillé à obtenir un dégel anticipé des crédits mis en réserve pour permettre à la gendarmerie d'assurer l'ensemble de ses missions dans des conditions appropriées. Dès le 23 septembre, j'ai obtenu un premier dégel de 38 millions d'euros qui nous permet d'acquérir des véhicules et des munitions et de soutenir l'engagement de la gendarmerie mobile. Dans le cadre des discussions relatives à la fin de gestion que nous menons en ce moment avec le ministère chargé du budget et qui s'achèveront dans les semaines qui viennent, nous demandons le solde des crédits gelés, soit 51 millions d'euros.
Pour 2016, conformément à ce qui est ressorti des échanges du 22 octobre dernier entre le Président de la République et les représentants des forces de sécurité, notamment de la gendarmerie, il est prévu que les moyens essentiels nécessaires aux forces pour assurer leurs missions – véhicules, protections, armes, munitions – soient disponibles dès le début de l'année. Ainsi, nous pourrons acquérir ces matériels dans les meilleures conditions, contrairement à ce qui se passait les années précédentes.
S'agissant de l'avantage spécifique d'ancienneté, je répète ce que j'ai dit à plusieurs reprises aux organisations syndicales : nous ne pouvons pas régler cette question sans tenir compte de la position du Conseil d'État, sous peine d'être de nouveau confrontés à un problème juridique. Nous allons donc faire en sorte que cette allocation, qui était concentrée sur un certain nombre de personnes, puisse bénéficier au plus grand nombre, non seulement dans un souci d'équité, mais aussi pour nous conformer précisément aux préconisations du Conseil d'État. Tel est l'objet des discussions que nous menons actuellement avec les organisations syndicales.
Vous m'avez aussi demandé si j'ai l'intention de peser au niveau interministériel pour alléger les contraintes de la procédure pénale sur le travail quotidien des policiers et des officiers de police judiciaire. En octobre 2014, j'ai engagé un travail interministériel destiné précisément à convaincre de la nécessité de procéder à des simplifications de cette nature, puis j'ai saisi le Premier ministre au terme de ce travail. En effet, lorsque les forces de l'ordre consacrent des semaines à interpeller des personnes qui présentent un risque sécuritaire pour notre pays, je considère qu'il n'est pas normal qu'une grande partie de leur temps utile soit dévorée par des procédures qui peuvent être simplifiées dans le respect rigoureux des principes du droit, nous permettant ainsi de gagner considérablement en efficacité.
Conformément aux annonces faites par le Premier ministre, treize mesures de simplification de la procédure pénale seront mises en oeuvre afin d'alléger les tâches des policiers tout en préservant les droits des citoyens. Il s'agit notamment de permettre la récapitulation, dans un procès-verbal unique de fin de garde à vue, de l'ensemble des formalités procédurales liées aux droits de la personne gardée à vue ; de mettre en place des plates-formes téléphoniques de gestion de la garde à vue pour faciliter la recherche d'un avocat, d'un médecin ou d'un interprète, et de permettre ainsi à l'enquêteur de se consacrer au fond de l'affaire ; de dématérialiser les registres de garde à vue ; de supprimer la règle « un acte, un procès-verbal » ; d'étendre le recours aux procédures simplifiées pour les infractions pénales les plus simples et d'harmoniser ces procédures à l'échelle nationale ; de permettre au personnel de la police technique et scientifique de réaliser lui-même certains scellés judiciaires ; de permettre aux officiers de police judiciaire de requérir certaines données sans solliciter systématiquement l'autorisation du procureur – par dérogation au principe général en matière de réquisition ; de permettre aux officiers de police judiciaire d'accéder aux données de vidéoprotection ; de développer les échanges par voie électronique entre les services d'enquête et le parquet ; de décharger les enquêteurs de la notification de certaines décisions du parquet.
Vous pouvez le constater, nous avons pesé au niveau interministériel et obtenu des décisions qui n'avaient pas été prises jusqu'à présent.
Quant à l'expérimentation des nouveaux cycles de travail dans la police, elle est en cours, et nous prendrons les décisions idoines lorsqu'elle aura atteint son terme.
J'en viens aux questions posées par MM. Lebreton et Morel-A-L'Huissier sur la sécurité civile. Depuis un an, nous avons accompli des progrès considérables en matière de gouvernance de la politique de sécurité civile. Au niveau national, nous avons mis en place un véritable pacte de gouvernance avec les élus et créé un comité des financeurs. Un engagement tripartite a été signé à la fin du mois de septembre entre l'État, l'Assemblée des départements de France (ADF) et l'AMF. Au niveau local, les préfets ont des objectifs clairs et mènent un dialogue étroit et permanent avec les élus, dans le respect des prérogatives de chacun.
S'agissant de l'activité opérationnelle, l'année 2015 a été marquée par une implication accrue des services de sécurité civile. Ceux-ci concourent bien évidemment à la lutte contre le terrorisme, à travers la mobilisation des secours en cas d'attentat – ainsi que nous l'avons vu lors des attentats du mois de janvier –, l'engagement des équipes NRBC – compétentes face aux risques nucléaire, radiologique, biologique et chimique – ou les interventions du service de déminage dans les implantations qui doivent tenir compte du risque désormais plus prégnant d'actes terroristes ou malveillants. Si le nombre total des interventions des services de sécurité civile est en légère diminution, celui des interventions de secours à la personne, qui en constituent les trois quarts, a augmenté de 5,4 % depuis 2011.
Le réseau de communication ANTARES couvre désormais 95 % du territoire. Je confirme que tous les SDIS y seront rattachés d'ici à 2017. L'État maintient un effort financier important pour achever le déploiement d'ANTARES et améliorer la qualité de la couverture opérationnelle : il y consacrera 7 millions d'euros en 2016, après 17,8 millions entre 2013 et 2015. En outre, des travaux sont réalisés pour supprimer les « zones blanches » et répondre aux difficultés signalées par certains SDIS.
En ce qui concerne le système d'alerte et d'information des populations, il est prévu, pour un coût global de 78 millions d'euros, de réaliser un logiciel permettant la commande centralisée du système par le réseau national ou par les préfets, et d'installer près de 5 340 sirènes permettant une alerte rapide – dont certaines seront des sirènes existantes reconditionnées – dans 1 743 bassins de risques.
S'agissant de la flotte de bombardiers d'eau, je confirme ce que j'ai dit à Marignane : la priorité actuelle est le remplacement, à l'horizon 2020, des neuf Tracker, qui sont âgés de près de soixante ans. Ils sont essentiels pour le guet aérien armé et l'attaque des feux naissants. J'ai décidé de leur substituer des Dash. C'est un choix pertinent du point de vue opérationnel, qui sera inscrit dans la prochaine loi de programmation triennale. Nous comptons déjà deux Dash dans la flotte, qui pourront éventuellement être complétés par des Canadair, selon des modalités qui restent à préciser. Les Canadair et les Dash sont beaucoup moins anciens que les Tracker : les premiers sont âgés de dix-huit ans, les seconds de quatorze. Leur renouvellement n'est pas prévu à court terme. Grâce au maintien en condition opérationnelle de ces aéronefs, notre capacité d'intervention demeure à un niveau élevé.
Le transfert de la base avions de la sécurité civile (BASC) de Marignane vers Nîmes-Garons se poursuit sans difficulté. La livraison est toujours prévue au premier semestre de 2017. Les équipages de la sécurité civile disposeront alors d'un équipement à la hauteur de leurs besoins.
Pour ce qui est de la flotte d'hélicoptères, son dimensionnement est calculé au plus juste. Ayons l'honnêteté de le dire : il ne sera pas possible de créer de nouvelles bases sans en fermer d'autres. J'entends bien les demandes exprimées par des élus qui souhaitent disposer d'un appareil de sécurité civile dans leur département, mais, dans ce domaine, nous devons avoir une approche globale, qui tienne compte, d'une part, des besoins d'intervention dans tous les territoires, notamment en matière de santé, et, d'autre part, de la disponibilité de l'ensemble des appareils relevant des différents ministères : les hélicoptères bleus, blancs et rouges.
Les outre-mer font l'objet du même degré d'attention de la part du ministère de l'intérieur en matière de sécurité civile que les départements métropolitains. Les moyens aériens y sont importants : la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane disposent chacune de leur base d'hélicoptères de la sécurité civile ; en Polynésie, les appareils sont mutualisés ; à La Réunion, le secours héliporté est assuré par la gendarmerie. Depuis 2012, un Dash est prépositionné à La Réunion durant la saison des feux de forêt, lesquels avaient causé des dégâts très importants en 2011.
Les investissements dans les réseaux de communication se poursuivent. J'ai indiqué précédemment ce qu'il en était pour ANTARES. En cas de crise dans les départements et territoires d'outre-mer, le contrat opérationnel des forces militaires de la sécurité civile (FORMISC) prévoit l'envoi de renforts dans un délai de quarante-huit heures après l'alerte. Des matériels d'intervention sont prépositionnés dans ces territoires.
Conformément aux engagements qui ont été pris à Chambéry, nous menons depuis plusieurs mois une action très forte de recrutement de sapeurs-pompiers volontaires. En 2014, pour la première fois depuis quatorze ans, le nombre de sapeurs-pompiers volontaires a augmenté par rapport à l'année précédente, de 1 442 précisément. La stratégie dans laquelle nous nous sommes engagés commence donc à porter ses fruits. Nous devons la poursuivre avec volontarisme.
Vous êtes beaucoup revenu, monsieur Popelin, sur les économies que l'on peut attendre des rationalisations et des mutualisations. En matière de police technique et scientifique, la police et la gendarmerie nationales ont procédé à des rapprochements extrêmement porteurs en termes de mutualisation et prometteurs pour l'avenir. Aujourd'hui, la majorité des référentiels et protocoles utilisés par la police et la gendarmerie en matière de PTS sont communs. Dans le cadre de la modernisation de l'action publique (MAP), nous cherchons à créer le maximum de synergies opérationnelles.
S'agissant de la politique d'achat, l'acquisition des matériels spécifiques mobilisés par la PTS s'effectue désormais systématiquement par le biais de procédures mutualisées. À ce titre, un marché national des consommables de PTS commun à la gendarmerie et à la police est en cours de finalisation pour le cycle de 2015 à 2019. Ces équipements sont commandés et gérés par le service de l'achat, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure (SAELSI).
Autre enjeu : la rationalisation de l'emploi des plateaux techniques, notamment dans les zones à faible densité de population. Nous avançons aussi de façon significative sur ce point.
Nous accentuons la mutualisation de la fonction immobilière, avec la passation de marchés communs pour la maintenance des bâtiments et la création d'une agence qui centralise et coordonne l'ensemble des projets immobiliers. Je vous communiquerai, monsieur Popelin, un document retraçant la totalité des actions engagées à ce titre.
Plusieurs d'entre vous ont abordé des questions relevant de la problématique du rapprochement de la police et de la population. C'est un sujet sur lequel je souhaite mobiliser fortement le ministère de l'intérieur et accélérer notre action en 2016. Dans un contexte de violences croissantes commises à l'encontre des agents publics, le recours à l'enregistrement vidéo ou sonore, notamment au moyen de caméras-piétons, joue un rôle dissuasif et permet d'objectiver les faits. Je souhaite qu'un mot et un seul préside à la relation entre les forces de l'ordre et les citoyens : le respect, qui doit prévaloir dans les deux sens. Les caméras-piétons sont un des éléments qui apportent la traçabilité dont nous avons besoin en la matière. Le Conseil d'État a confirmé que leur généralisation était opportune, mais qu'elle devait fait l'objet d'une loi.