Intervention de Éric Ciotti

Réunion du 29 octobre 2015 à 09:
Commission élargie : finances - défense nationale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Ciotti :

Nous examinons ce budget dans un contexte particulier, monsieur le ministre : c'est le premier budget de votre ministère après les événements terribles qui ont frappé notre pays au début de l'année 2015 ; c'est le premier budget après les manifestations qui ont réuni il y a quelques jours, dans toutes les villes de France, des milliers de policiers qui ont exprimé leur colère et leur malaise ; c'est le premier budget dans le cadre de la crise migratoire d'ampleur inédite qui frappe l'Union européenne, notamment notre pays.

De façon, hélas, plus classique, ce budget s'inscrit une fois de plus dans un contexte d'augmentation de la délinquance, ainsi qu'en témoignent les chiffres – ce sont les vôtres, monsieur le ministre –, tant sur longue que sur courte période. Depuis le début du quinquennat du Président de la République actuel, les atteintes aux biens ont augmenté de plus de 20 %, et les atteintes volontaires à l'intégrité physique de plus de 9 %. Sur les trois derniers mois, les neuf agrégats suivis par le nouveau service statistique du ministère de l'intérieur sont tous en hausse, sauf les homicides.

Monsieur le ministre, nous vous avons exprimé notre soutien, dans un moment d'unité nationale, lorsque vous avez dû prendre des décisions courageuses. Nous avons ainsi voté, je le souligne, tous les textes visant à lutter contre le terrorisme, qui sont désormais devenus des lois de la République. Nous vous avons aussi soutenu, je le rappelle, après les événements de Sivens, lorsque vous avez été mis en cause de manière injuste et totalement scandaleuse. Nous aurions aimé soutenir ce budget, dans un contexte qui devrait susciter l'unité nationale, ainsi que vient de le tweeter le président de la commission des lois. Mais, sincèrement, monsieur le ministre, ce budget est-il de nature à relever les défis, à y apporter des réponses concrètes ? Hélas, non ! Trois fois hélas !

Je n'ignore pas les contraintes budgétaires globales et suppose que vous avez subi des réunions interministérielles compliquées et des arbitrages difficiles, mais une augmentation de 0,96 % du budget du ministère de l'intérieur n'est en rien à la hauteur du contexte, qui est à la fois – tout le monde en convient – inédit et tragique : des menaces permanentes et très fortes pèsent sur notre pays et sur son avenir. Nous le savons tous, mais je le redis après avoir présidé pendant six mois la commission d'enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes.

Au-delà de ce chiffre très faible, il y a dans ce budget quelques artifices qu'il convient de souligner. Vous évoquez en permanence l'augmentation des effectifs. Je ne la conteste pas, mais elle est à relativiser. Ce n'est d'ailleurs pas moi qui le fais, mais la Cour des comptes : dans ses rapports sur l'exécution du budget, elle relève l'écart très important qui existe entre le plafond d'emplois voté chaque année en loi de finances et son exécution. En 2014, selon la Cour, cet écart s'est établi à un niveau jamais atteint : 2 395 ETP.

En outre, vous aviez annoncé, hors plan Migrants, 690 ETP supplémentaires en 2016, dont 390 dans le cadre du plan de lutte contre le terrorisme. En réalité, l'augmentation ne sera que de 547 ETP, puisque vous allez supprimer dans le même temps 143 ETP dans des services stratégiques du ministère. Entre 2012 et 2014, je le souligne, il y a eu 2,4 millions de patrouilles en moins sur le terrain du fait de la suppression du mécanisme d'optimisation opérationnelle.

Enfin, si l'on retranche les 136 millions d'euros réservés à l'installation de la police judiciaire de la préfecture de police de Paris (PJPP) aux Batignolles, on constate en fait une diminution des moyens de fonctionnement affectés à la police et à la gendarmerie nationales. Le général Favier, directeur général de la gendarmerie nationale, estimait nécessaire de renouveler 3 000 véhicules. Vous allez en changer 2 000, ce qui est important, mais insuffisant.

Pour toutes ces raisons, les députés du groupe Les Républicains voteront contre ce budget.

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