Vous connaissez, monsieur le ministre, le contexte particulier du département de la Guyane en matière de sécurité. Vous ne m'en voudrez donc pas de cantonner mon intervention à ce territoire que je représente, avec le soutien du groupe Gauche démocrate et républicaine.
La Guyane est détentrice de bien tristes records nationaux en termes de sécurité, qu'il s'agisse de la sécurité des personnes, de celle des biens ou encore de formes de grand banditisme organisé qui n'existent presque nulle part ailleurs sur le territoire national. Je pourrais aussi évoquer le pillage des ressources, tant minérales qu'halieutiques. Mais je ne citerai qu'un seul chiffre, afin que mes collègues puissent réellement saisir le contexte dans lequel se situe ce territoire : le nombre d'homicides y atteint 10,2 pour 10 000 habitants. C'est un record national, mais c'est surtout huit fois plus que dans les Bouches-du-Rhône et dix fois plus qu'en Seine-Saint-Denis, deux départements qui font continuellement la une de l'actualité à cause des faits de violence qui s'y déroulent. Le plus préoccupant reste la délinquance juvénile, en particulier en milieu scolaire, d'autant qu'elle est trop souvent diffusée, voire glorifiée, sur les réseaux sociaux.
La hausse de 3 % des crédits alloués à la Guyane, largement supérieure à celle que nous observons à l'échelle du pays, démontre bien que le Gouvernement et vous-même avez compris l'urgence de mettre en place des actions pérennes sur cette partie du territoire français. Depuis mon arrivée sur les bancs de l'Assemblée nationale, je n'ai eu de cesse de tirer la sonnette d'alarme par tous les moyens disponibles, de concert avec l'ensemble de la classe politique locale. Aujourd'hui, il est rassurant de constater que le Gouvernement a enfin compris les véritables enjeux de sécurité de ce territoire. Certes, tout n'est pas rose, et j'ai bien peur que l'effort consenti ne se révèle insuffisant, tant la tâche nous semble ardue. Même si cet effort témoigne de la prise de conscience des décideurs, je milite pour que la représentation nationale appréhende de façon différenciée le contexte guyanais, tant il se distingue du cadre national.
Permettez-moi aussi de saluer le renforcement des crédits alloués au service des douanes et à la police aux frontières, particulièrement sollicitées sur cette partie du territoire. Il devrait participer de l'amélioration du dispositif de lutte contre le narcotrafic. En cette matière également, hélas, nous nous dirigeons vers une première place nationale : en seulement quelques années, la Guyane s'est muée en une véritable plaque tournante de la drogue entre l'Amérique du Sud et l'Europe, et il ne se passe pratiquement plus une semaine sans que le service des douanes n'annonce une nouvelle saisie spectaculaire.
Néanmoins, je souhaite mettre un bémol : les crédits du programme « Sécurité et éducation routières » ont été divisés par trois sur le triennal, alors même que nos routes sont de plus en plus meurtrières. La commune de Matoury, dont je suis le maire, a été récemment témoin de deux accidents particulièrement choquants. Permettez-moi d'avoir une pensée émue pour toutes les familles touchées par ces drames, notamment pour la garde des sceaux, qui y a perdu un très proche parent. Il me semble que la baisse de ces crédits constitue un signal défavorable envoyé aux acteurs locaux, qui font un travail de terrain considérable afin de changer les comportements. À cet égard, je retiens volontiers votre annonce, monsieur le ministre, concernant le déblocage des moyens nécessaires pour supprimer les « zones blanches ».
De façon surprenante, mais symptomatique, vous en conviendrez, le cambriolage du commissariat de police de Cayenne en juin dernier, qui s'est soldé par le vol de dix-huit armes de policiers, n'a pas fait la une de la presse. Il n'en reste pas moins dans tous les esprits. L'ensemble des responsables locaux, les syndicats et, désormais, les citoyens, à travers une pétition en ligne, réclament la construction d'un nouveau commissariat. Lors de sa venue en Guyane en 2013, le Premier ministre lui-même a annoncé sa réalisation avant la fin du quinquennat. Ce projet est-il toujours d'actualité ? Est-il ou sera-t-il inscrit dans les budgets à venir ?
Sachez, monsieur le ministre, que la Guyane vous recevra avec beaucoup de plaisir lors de votre prochaine visite, dont je vous remercie d'ores et déjà, compte tenu notamment de votre agenda très chargé.