Strasbourg, Lyon, Nantes, Grenoble. À Lyon, le ratio atteint même 56 %.
La baisse de ce ratio de 50 à 30 % s'explique principalement par le fait que la grande majorité des agglomérations n'ont pas répercuté l'inflation sur les tarifs. Si elles l'avaient fait année après année ou, tout au moins, tous les deux ou trois ans, elles auraient maintenu leur ratio à 50 %. Mais on est un peu piégé par le prix unitaire du ticket, qui va de 1 à 1,50 euro. Quand l'inflation est de 3 %, l'augmentation correspondante n'est que de quelques centimes. On a du mal à l'appliquer, les systèmes de vente n'étant d'ailleurs pas toujours capables de la prendre en compte. On laisse alors passer les années. Et, lorsqu'il devient nécessaire d'agir, l'augmentation est de 10 centimes. À ce moment-là, on hésite, car il est politiquement difficile pour un élu local d'assumer une telle hausse de tarif. Avec la baguette de pain, le prix du ticket de bus ou de métro est en effet l'un des marqueurs du pouvoir d'achat des Français. D'autre part, lorsque l'économie se portait bien, on n'avait pas trop de problèmes de ressources, car le versement transport était au rendez-vous. Du fait de la combinaison de ces trois facteurs – difficultés techniques à appliquer une augmentation de quelques centimes ; difficulté politique à assumer la hausse des tarifs lorsqu'elle devient nécessaire ; absence de besoins trop marqués –, un écart s'est creusé au fil des années, et il est aujourd'hui très important.
Faisons un calcul rapide : si le ratio recettes dépenses était resté à 50 %, les recettes s'élèveraient aujourd'hui non pas à 1,3 milliard d'euros, mais à plus de 2 milliards, soit environ 800 millions de plus. Que pouvons-nous faire nous-mêmes avant de tendre la main vers l'extérieur ? Selon moi, il faut envisager un relèvement des tarifs dans le temps. Cette question ne doit pas être un tabou. Il ne s'agirait pas d'un mouvement brutal : les tarifs ont mis vingt ans à baisser, ils peuvent mettre vingt ans à remonter. Nous allons devoir faire beaucoup de pédagogie auprès de nos concitoyens et des usagers, en expliquant que l'on ne paie pas assez cher les transports publics dans notre pays, ce qui est tout à fait exact si l'on compare notre situation à celle des autres pays européens. Au Royaume-Uni, c'est spectaculaire : les prix des transports publics sont deux à trois fois plus élevés qu'en France. En Allemagne et en Italie, qui sont des pays comparables au nôtre, ils sont supérieurs d'au moins 50 %. En gros, le prix du ticket devrait se situer plutôt autour de 2 euros que de 1 euro, en tout cas dans les grandes villes, compte tenu de la qualité de l'offre.
À cet égard, n'oublions pas qu'il existe des tarifs réduits. Le mouvement actuel de tarification dite solidaire est d'ailleurs intéressant : dans certaines villes, on est passé d'une tarification liée à l'âge ou à la condition – jeune, retraité, chômeur, handicapé – à une tarification liée à la capacité contributive, mesurée par la situation fiscale, notamment le quotient familial. Strasbourg et Clermont-Ferrand ont fait ce choix, qui relève, bien sûr, des élus. Cela permet de rendre les transports en commun accessibles aux personnes dont la situation financière est plus difficile.
Il faut aussi améliorer la productivité. Produire moins cher le service public, ce n'est pas un tabou. Selon moi, les entreprises peuvent faire un effort de productivité de 5 %, ce qui correspond à 200 millions d'euros sur les quelque 4 milliards de charges en province. Cet effort concernera beaucoup la masse salariale, mais pas seulement.
Ensuite, un durcissement de l'appareil législatif est nécessaire pour lutter contre la fraude – en sus d'un volet plus préventif et d'un volet plus commercial – afin que les entreprises soient mieux armées pour aller chercher tout ou partie du manque à gagner correspondant. Celui-ci est évalué globalement à 500 millions d'euros pour la SNCF, la RATP et les transports urbains en province. Pour les transports urbains seuls, il est estimé à 100 millions. Les pouvoirs publics doivent aller au bout des démarches engagées en ce sens, certaines mesures ayant déjà été votées.
Enfin, il convient de conduire à son terme la décentralisation de la gestion du stationnement. Les parlementaires ayant fait leur part du travail, il faut désormais que les administrations suivent : la loi a été adoptée cette année, mais le Premier ministre a lui-même annoncé qu'un délai de deux ans était nécessaire à la publication des décrets et à la mise en oeuvre technique. Cette réforme permettra aux élus locaux de s'emparer de la problématique du stationnement dans leur ville. Nous estimons à 400 millions d'euros le gisement de frais de stationnement et d'amendes non recouvrés. Le taux d'efficacité des péages et du stationnement payant est beaucoup plus bas en France que dans d'autres pays d'Europe. Pour contrer l'évolution en cours, certains nous ont opposé que les élus locaux allaient augmenter sensiblement les tarifs de stationnement. Tel n'est pas du tout le cas : une fois confié à l'échelon local et géré par des moyens de proximité, le système de stationnement sera non pas plus cher, mais beaucoup plus performant ; nous en sommes convaincus.
Il existe donc plusieurs pistes pour remettre de l'argent dans le système de financement des transports publics. Il faut les mettre en oeuvre. Selon moi, il est en outre utile de poursuivre la réflexion sur l'usage de l'instrument que constitue la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Profitant à court terme de la baisse des prix des carburants, peut-être pourrions-nous accroître la taxation sur le diesel et flécher le produit correspondant vers le financement des transports au sens large, que ce soit l'investissement, comme cela a été fait via l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), ou le fonctionnement, en reconstituant la capacité de financement des collectivités. Il s'agit d'une piste intéressante pour redonner du souffle à notre politique de transport.
Pour résumer, la position de l'UTP est la suivante : l'addition des mauvaises nouvelles pour le secteur pose un problème et suscite notre inquiétude ; la baisse des dotations est un élément fondamental, car celles-ci servent en grande partie à financer l'investissement ; nous avons collectivement une capacité de réaction, mais cela demandera le courage de tous les acteurs, y compris de l'État ; des mesures législatives sont nécessaires en matière de lutte contre la fraude, de gestion du stationnement et, peut-être, d'adaptation de la TICPE afin de favoriser le développement des transports collectifs dans notre pays.