L'innovation ne vient pas toute seule : elle dépend de l'effort de recherche et développement, qui a un coût ; il faut notamment des moyens humains. L'objet du CICE était précisément de financer l'innovation.
Quelles sont les innovations dans le secteur des transports publics ? Il y a, d'abord, de nouveaux modes de transport, en particulier le BHNS, qui n'existait pratiquement pas il y a encore cinq ans et constitue une solution alternative intéressante au tramway. Vous avez également mentionné, monsieur Alauzet, des tramways moins coûteux : on s'efforce en effet de tendre vers 15 millions d'euros du kilomètre contre 25 millions auparavant. Cela implique d'optimiser chaque composante de l'installation, tant les infrastructures que le matériel.
Ensuite, nous innovons en matière de services, afin de mettre les transports publics au niveau des attentes et des nouveaux usages des habitants : il va enfin être possible d'acheter son titre de transport sur un smartphone. Ce n'est pas encore le cas partout, ce qui étonne d'ailleurs les jeunes, qui sont depuis longtemps habitués à acheter leurs places de cinéma de cette manière. De fait, c'est une innovation qui coûte : sur ces questions, Keolis a dépensé 30 millions d'euros et Transdev a annoncé qu'elle allait investir 50 millions. Sans le CICE, Keolis aurait eu du mal à assurer ce financement. Le CICE est donc une bonne chose, dès lors qu'on l'utilise bien aux fins prévues, à savoir l'innovation et l'amélioration de la performance, tant en France qu'à l'international.
Enfin, il est nécessaire, en quelque sorte, d'innover dans les comportements. Tous les acteurs du monde des transports publics se rejoignent sur la nécessité de favoriser le report modal : il faut faire en sorte que les gens ne prennent plus leur voiture le matin, en tout cas qu'ils ne la prennent pas seuls ou qu'ils la prennent moins. À cette fin, il faut qu'ils disposent d'une palette de solutions de mobilité durable au sens large – de la marche à pied au bus en passant par le vélo, le covoitourage et la location de véhicule. Cette palette doit toujours offrir une réponse à leur besoin de déplacement, y compris s'il s'agit de déménager des meubles. Si, une fois dans la semaine, ils n'ont pas de substitut à la voiture, ils vont en acheter une et, dès lors, vont l'utiliser tout le temps. Notre but pratique doit être que les gens puissent se passer de voiture ou, à tout le moins, n'en possèdent qu'une seule par ménage. Du point de vue de l'UTP, il n'y a aucune contradiction entre transports publics et covoiturage, ni entre transports publics et autopartage, ni entre transports publics et vélo, ni entre transports publics et marche à pied. Il faut encourager toute forme de mobilité dès lors qu'elle est durable.
Car ce qui pollue et congestionne, c'est la voiture particulière. Quant à la voiture électrique, elle pollue moins, mais elle congestionne tout autant. Lors des Rencontres nationales du transport public à Lyon, un économiste de l'université de Toulouse a montré que le coût principal pour la collectivité était non pas la pollution – qui induit, certes, des coûts à long terme –, mais la congestion. Il a utilisé l'image suivante : à Toulouse, un déplacement qui doit prendre une heure prend une heure et demie. Cette demi-heure supplémentaire a un coût très élevé pour la collectivité, c'est une source majeure de « déproductivité ».
Actuellement, lorsque l'on réalise l'étude d'attractivité d'une ligne de bus, de tramway, de métro ou de BNHS, on prend en considération une bande de 150 à 200 mètres de part et d'autre de la ligne, c'est-à-dire que l'on intègre le fait que les gens ne marchent pas plus de 150 à 200 mètres. Si les gens acceptaient de marcher 300 ou 400 mètres – ce qui ne paraît pas impensable –, l'attractivité de la ligne doublerait ! Il faut encourager les Français à marcher.