La sécurité dans un réseau de transport collectif est peu ou prou la même qu'au sein de la ville : il n'y a ni plus ni moins de problèmes dans l'un que dans l'autre. C'est normal dans la mesure où tout réseau de transport est une composante à part entière de la ville.
Le sentiment d'insécurité est réel dans certains endroits, notamment dans certaines zones périurbaines, il ne faut pas le nier. Il n'est pas question de ne pas les desservir ; il faut être attentif à ces problèmes et les traiter. D'autant que cela peut nuire à l'attractivité des transports publics. En tout cas, vous avez raison, monsieur Furst, de distinguer le niveau objectif de sécurité et le sentiment de sécurité. C'est bien ce dernier qu'il faut prendre en compte, car c'est lui qui va déterminer le choix modal : si une personne a peur de prendre les transports collectifs, elle ne les prendra pas.
Je confirme qu'il existe une corrélation entre le sentiment de sécurité des voyageurs et le fait qu'ils soient rassemblés, éparpillés ou isolés. Dans les RER, tard le soir, on recommande aux passagers de se regrouper dans un même wagon. À cet égard, l'entrée en service des nouvelles rames « boa » – sans séparations entre les wagons – a eu un effet en banlieue parisienne : elles sont beaucoup plus sécurisantes, car, d'un simple regard, on peut embrasser l'espace et voir tout ce qui se passe dans la rame. De même, l'installation de caméras dans certains bus a fait baisser, de manière évidente et mesurable, le nombre d'actes d'incivilité commis à bord de ces bus – tous les exploitants peuvent vous le confirmer. Certaines personnes se calment lorsqu'elles se savent filmées. À tel point que, dans certains réseaux, les conducteurs refusent de prendre le volant si la caméra ne fonctionne pas. Celle-ci est devenue un équipement indispensable au maintien d'un bon niveau de sécurité dans les véhicules.
Le projet de ligne à grande vitesse que vous avez mentionné, monsieur le président, coûtera environ 8 milliards d'euros – peut-être davantage à terme. La question est celle de l'allocation de l'argent public. Le plus important, de mon point de vue – je m'exprime en tant que citoyen et cheminot –, c'est que l'argent public soit affecté en priorité à la régénération du réseau existant. S'il en reste, on pourra faire du développement. Le réseau français est en mauvais état. Il a un âge moyen de quarante ans, contre vingt-cinq ans pour le réseau allemand. Cela pose des problèmes de fiabilité – si une caténaire lâche ou un panneau tombe en panne, les trains sont en retard – et pourrait aller jusqu'à poser des problèmes de sécurité.
D'autre part, vous avez posé une excellente question de fond : vous nous invitez à réfléchir sur les critères que nous retenons, notamment sur les notions de temps et de vitesse. Pour notre génération, le critère important était celui de la vitesse : il fallait aller très vite, gagner du temps sur le temps. Les jeunes générations ont-elles le même appétit de temps ? Ce n'est pas sûr.
On évalue l'intérêt d'un projet de ligne à grande vitesse pour la collectivité en calculant le temps gagné. Mais, selon la valeur que l'on donne au temps, le résultat ne sera pas le même : cela vaudra la peine ou non d'avoir un train qui fait Paris-Toulouse en trois heures. À 200 kilomètres par heure, il faut quatre heures pour faire les 670 kilomètres qui séparent Paris de Toulouse. Peut-être est-il égal aux jeunes générations de mettre quatre heures là où l'on pourrait en mettre trois ? C'est ce qu'il faut examiner. Si tel est le cas, il ne faut pas construire de ligne à grande vitesse.
Quant aux solutions techniques, elles existent : on peut faire un excellent train qui roule à 200 kilomètres par heure en aménageant les lignes existantes.