La CGC approuve totalement la décision historique qui a conduit à un PLF 2016 présentant une augmentation de 600 millions d'euros et un recrutement de 2 300 emplois. Il faut en effet que la France continue d'appartenir au cercle très restreint des pays capables d'entrer en premier en territoire ennemi. Pour ce faire, nos forces armées doivent disposer de la meilleure technologie d'armement, avec un MCO parfaitement maîtrisé.
C'est du moins la démonstration qui nous est faite dans les trente-neuf premières pages du document ministériel, même si le discours est bien éloigné de la réalité du terrain, notamment sur la question des pièces détachées pour hélicoptères et véhicules blindés. Ce décalage est tout à fait logique puisqu'il correspond aux restrictions pratiquées depuis la RGPP et les MAP dans tous les domaines du soutien. Votre Commission ainsi que la Cour des comptes ont bien dénoncé ce paradoxe, à savoir que plus on « déflate » de manière conséquente les effectifs, plus le titre II augmente déraisonnablement.
Personne au ministère de la Défense n'est dupe quant au fait que les augmentations salariales continues et conséquentes des personnels militaires, ainsi qu'un pyramidage frôlant l'armée mexicaine – 3 405 officiers pour 10 000 salariés à la DGA –, sont la cause de cette anomalie, et les personnels civils, avec le point d'indice gelé depuis 2010 et des avancements de plus en plus restreints, ne sauraient en être tenus responsables.
Il est vrai que, pour répondre aux rapports des différentes Commissions, dont la vôtre, les autorités militaires ont prôné en 2014 des efforts drastiques, en particulier pour les fonctions des groupements de soutien de base de défense (GSBdD). En revanche, depuis huit ans, la situation des personnels civils ne cesse de se dégrader, et la meilleure illustration en est l'omerta pratiquée dans la présentation du PLF 2016. Sur les quatre-vingt-dix-huit pages, aucune mention n'est faite des mille suppressions d'emplois de personnels civils prévues en 2016, et le seul montant avancé est celui des mesures indemnitaires, 1,6 million d'euros, le plus bas niveau jamais présenté. À noter qu'après avoir bénéficié de leurs propres mesures de revalorisation, les personnels militaires, comme le stipulent intelligemment leurs statuts, se voient octroyer 32,2 millions d'euros dans le cadre des revalorisations des catégories B et C. La réciproque est évidemment inenvisageable et serait, aux yeux de nos collègues militaires, de parfait mauvais goût.
Il vaut mieux faire l'objet de commémorations, même à titre post mortem, ce qui ne saurait tarder pour l'avancement des personnels civils. Seule la voie des concours externes et internes, où le nombre de candidats croît inexorablement, permet d'échapper à dix ou quinze ans d'attente au choix, notamment chez les adjoints et secrétaires administratifs.
La CGC dénonce depuis de nombreuses années les refus de l'administration de se pencher sur quelques pistes d'économies.
La première piste concerne les officiers : il convient d'arrêter la valse des mutations à vingt-quatre et trente-six mois, qui génère beaucoup plus de frais – déménagements, primes de mutation, stages de formations… – que de recettes, notamment dans les organismes judicieusement mis en place pour rationaliser les frais de soutien : bases de défense, GSBdD, établissements de service infrastructure défense (ESID), plateformes achats finances (PFAF)… La brièveté de la prise de poste ainsi que celle des adjoints ne permettent pas aux titulaires d'exercer pleinement ces fonctions nouvelles. De plus, il a été prouvé que les familles de personnels militaires n'appréciaient pas ces déménagements à répétition.
Espérons que les associations professionnelles nationales de militaires (APNM) réussiront mieux que le Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) à faire bouger les sacro-saints statuts militaires afin que la carrière de nos camarades ne soit pas proportionnelle à une mobilité professionnelle et géographique à tout va.
Deuxième piste, le coût complet de la formation de nos collègues militaires est estimé à 1 milliard d'euros, et les efforts de l'administration, via le CGA et l'Inspection générale des armées (IGA), depuis 2010, consistent à essayer de gratter 7 à 10 % sur le budget global de la formation des personnels civils. Or 10 % de 68 millions d'euros ne donnent que 7 millions d'euros. Un même pourcentage sur 1 milliard nous permettrait d'économiser et de décupler le 1,6 milliard.
Troisième piste : la mise en place d'une grille d'interchangeabilité PC-PM. Une des dernières études du CGA, par le contrôleur général en mission extraordinaire M. Picon-Dupré, indiquait que l'on pourrait, notamment dans les systèmes d'information et de communication, remplacer les officiers sous contrat ou les officiers de carrière par des agents titulaires ou contractuels détenteurs du même diplôme. Cela coûterait 20 % moins cher. On pourrait ainsi envisager des parcours professionnels intéressants pour nos collègues titulaires ingénieurs d'études et de fabrications (IEF) et nos collègues contractuels ICT et 84-16, sous réserve d'une certaine mobilité volontaire professionnelle, voire géographique. Une mesure analogue est envisageable avec nos collègues attachés sur les fonctions administratives. Je n'évoque pas la question plus délicate des sous-officiers, qui n'a encore jamais été mise à l'ordre du jour.
Pour la énième fois, une grille d'interchangeabilité va être étudiée par la sous-direction de la politique générale des études et de la prospective de la DRH-MD, à la demande de la direction générale de l'administration de la fonction publique. Cette étude, comme les précédentes, tiendra compte de tous les critères du monde : âge, ancienneté, parcours professionnel, indice, rémunération, prime… La CGC espère que ce sujet, ô combien sulfureux, ne sera pas, comme d'habitude, enterré par nos collègues militaires.
Le quatrième point est nouveau. Nous souhaitons que vous interpelliez la DRH-MD sur le coût de l'échec aux concours. Dans ce ministère, on dépense plus d'argent pour faire échouer les personnels civils que pour les faire avancer. Depuis trois ans, le nombre de candidats au concours interne ne fait qu'augmenter, et ce de manière significative, pour un nombre de places toujours aussi restreint. L'administration encourage les personnels à faire acte de candidature, compte tenu de la lenteur, que j'ai évoquée plus haut, de l'avancement au choix. Pour ce faire, elle met même en place de nombreuses préparations, dont le coût, fin 2015, s'élève à 280 000 euros. Si vous additionnez le coût global de la préparation et du passage du concours, sur trois, quatre ou cinq tentatives, en tenant compte de l'augmentation des postulants, vous verrez que l'on dépense plus d'argent à faire échouer les gens qu'à les faire avancer. Au ministère de la Défense, on peut passer plus facilement de colonel à général et d'attaché à administrateur civil que d'adjoint administratif – 4 000 postulants – à secrétaire administratif – quarante postes offerts.
La CGC ne réclame pas une augmentation notable du budget, mais une meilleure utilisation des fonds, selon les pistes évoquées. Nous comptons sur vous, mesdames et messieurs les députés, pour intervenir auprès des hauts responsables du ministère afin que le rééquilibrage efficace entre personnels civils et militaires permette à notre pays d'assurer au mieux sa défense.