En fournissant des données chiffrées incontestables, ce type de rapport permet de s'affranchir des débats traditionnels. Notre pays est aujourd'hui le seul en Europe à disposer de chiffres sur les marges nettes de la grande distribution. L'effort de transparence de notre secteur, noté par Philippe Chalmin, y a largement contribué.
Je retiens quatre enseignements du rapport de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires.
Premièrement, les marges nettes de la grande distribution sont globalement faibles – de 1,4 % en moyenne pour les entreprises du commerce et de la distribution. Elle est nulle pour les fruits et légumes, et négative pour la boucherie. Je précise que le pourcentage de la masse salariale entre en ligne de compte pour le calcul, dans la mesure où un rayon avec libre-service aura tendance à afficher une marge positive, alors que les rayons nécessitant des frais de personnel auront une marge nulle ou négative. Cette situation s'explique d'ailleurs par les décisions prises récemment sur le coût du travail.
Deuxièmement, dans un contexte économique difficile, tous les acteurs souffrent. Comme le montre le rapport, depuis 2010, les marges brutes reculent davantage dans la grande distribution et reculent légèrement dans le secteur de la transformation. Par contre, contrairement à ce que l'on pourrait croire, elles augmentent dans le secteur de la production sur à peu près tous les segments en raison de l'augmentation des coûts.
Troisièmement, la très forte volatilité des prix des matières premières agricoles entraîne un pincement global des marges nettes de l'ensemble des acteurs, d'où le niveau extrêmement faible de l'inflation. Selon les derniers chiffres parus, les prix de la grande distribution augmentent de 1 % en moyenne annuelle. Cet élément est primordial pour nos concitoyens.
Enfin, comme le montre l'euro alimentaire détaillé dans le rapport, la valeur ajoutée de la distribution est égale au total de la valeur ajoutée des industries et de celle de l'agriculture, soit 32 %, ce qui correspond à la part de la distribution dans l'emploi, soit 35 % des salaires – l'agriculture et l'industrie réunies représentant 25 % des salaires. En fait, nous rémunérons un certain nombre de charges de personnel. À cet égard, ce nouvel indicateur est très intéressant, sachant que l'excédent brut d'exploitation sur la valeur ajoutée indique que notre filière se situe derrière l'industrie et l'agriculture. Au final, nos marges sont plus faibles qu'ailleurs.
Enfin, j'approuve l'analyse d'Alexander Law sur la valeur. L'exemple de la filière bovine démontre la nécessité de changer de raisonnement : au lieu de s'interroger sur le partage de la valeur, il faut réfléchir à la manière de la créer, sachant que les producteurs, les transformateurs et les distributeurs perdent aujourd'hui de l'argent.